Noël 1914 : une trêve dans les tranchées
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Il va sans dire, Noël n’est pas un jour comme les autres. Et le 25 décembre 1914, célébré dans l’horreur des tranchées, ne déroge pas à la règle.
Après cinq mois d’une guerre que tout le monde avait imaginé qu'elle serait de courte durée, Noël surprend en effet les soldats dans leurs tranchées boueuses. En cette fin de décembre, Français, Anglais et Allemands n’ont, pour célébrer la naissance du Sauveur, pas d’autres guirlandes que les barbelées tressés, d’autres sapins que les maigres branches ramassées sur le champ de bataille, pas d’autres présents que les tirs incessants de l’ennemi. Le soir du 24 pourtant, la sentinelle de garde qui surveille l’horizon le trouve bien calme. L’assourdissant vacarme des tirs et des coups de canon qui emplissaient quelques heures plus tôt les tranchées a laissé la place à un silence religieux. D’un côté comme de l’autre, on n’ose briser la paix qui vient brutalement de s’installer. C’est comme si le givre, en déposant son blanc manteau sur le sol maculé de boue et de sang, avait figé l’horreur.
Dans le secret des cœurs, on pense au réveillon qu’on aurait passé en famille. Debout sur la marche d’une tranchée, le soldat d’un bataillon britannique s’abandonne à cet instant de répit et ses pensées l’emportent vers son pays natal : « D’ordinaire, nous aurions décoré la salle de séjour et le hall d’entrée avec les branches de sapin, impatients de nous souhaiter un joyeux Noël. Mais me voilà dans une tranchée inondée, au milieu d’un champ boueux du pays flamand, les yeux rivés sur une campagne plate, vide, désolée, sans le moindre signe de vie[1]. » Mais une lueur l’arrache à ses rêveries : en face, dans la tranchée allemande, des flammes commencent à poindre et se multiplient dans le ciel glacé.
Derrière le mur de barbelés blanchi par le givre, un chant s’élève. En chœur, les soldats du régiment allemand viennent d’entonner dans leur langue un Douce Nuit. Au Stille Nacht, les Anglais répondent bientôt par un de leur Noël. Puis de part et d’autre, les voix s’accordent au son de l’Adeste fideles. Anglais et Allemands brandissent leurs fusils, mais cette fois pour faire luire les bougies qu’ils ont planté sur leurs baïonnettes. Ceux qui se faisaient la guerre, il y a quelques heures, unissent leurs cœurs dans cette veillée de Noël improvisée.
Un peu plus loin sur le front, l’heure est aussi à la fraternisation : « Joyeux Noël les Anglais, nous ne tirerons pas ce soir ! », lance une voix de la tranchée adverse. Aussi les soldats s’extirpent de leurs abris de boue pour s’asseoir sur le parapet, en face de leurs ennemis de tout à l’heure. On se dévisage, tout étonné, puis on entame la conversation, on tente d’employer la langue de l’autre pour s’en faire comprendre. Le no man’s land est devenu, l’espace d’une soirée, un lieu de réconfort où l’on se réfugie pour s’emparer d’un peu de la joie de Noël. Des cigarettes, du chocolat ou des verres de whisky s’échangent et, bientôt, un chant s’élève et l’on ne se sépare pas sans s’être accordé pour qu’aucun coup de feu n’entrave la journée du 25. Celle-ci voit reprendre les conversations où on les avait laissées la veille. On va jusqu’à lancer un match de football entre les tranchées et l’on n’hésite pas à se faire photographier avec les alliés du jour.
« Pensez-simplement que pendant que vous mangiez votre dinde, raconte un soldat anglais, j’étais là, dehors, à serrer la main d’hommes que j’avais essayé de tuer quelques heures auparavant ! » Comme le rapportent les correspondances des soldats, la trêve de Noël s’est répandue comme une trainée de poudre sur les tranchées, en 1914, et les historiens estiment qu’« elle s’est instaurée sur les deux tiers des cinquante kilomètres du front occidental tenu par le corps britannique. Au cœur des ténèbres, la trêve de Noël 1914 avait allumé un cierge d’espoir[2]. »
[1] Marc Ferro (dir), Frères de tranchées, Tempus, 2005, p. 33
[2] Marc Ferro (dir), Frères de tranchées, Tempus, 2005, p. 15 et 86
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12 commentaires
Heureusement que les Brits sont la pour faire des films sur 14-18.
Dans quelques annees ils pourront dire qu’ils ont fait la guerre tout seul et que les Francais etaient des figurants
Les francais ne comprendront jamais rien, Hollywood ecrit l’histoire.
si la guerre avait cessée en 14 on ne serait pas dans la mouise dans laquelle on est actuellement . Mais la malchance en a voulue autrement.
La malchance ou Clémenceau?
il aurait été possible que la guerre s’arrête là. Sur Tout le front avait stoppé les combats. Si soldats, sous-officiers et même officiers auraient dit » STOP on arrête cette boucherie! » La guerre ce serait arrêté nette et la paix revenue.
Si quelques soldats auraient fait ainsi, il auraient été fusillé évidemment, mais si toute l’armée, toutes les armées l’auraient faites, il aurait été impossible de fusiller des milliers d’hommes. Malheureusement ce ne fût pas le cas. Quelle tristesse de voir que l’histoire ne tenait qu’à pas grand chose. Sans doute les mentalités et la théorie de Milfram expliquant cela.
Un peu dans le même état d’esprit , ce conte que nous a déclamés M. Philippe De Villiers sur Cnews , empreint d’émotion pour les téléspectateurs qui savent encore apprécier ces récits , quand bien d’autres par leur inculture ou manque totale d’empathie (ou plutôt atteint d’apathie ) s’en désolent.
Ceux qui veulent, au nom de je ne sais quel esprit de laïcité, remiser Noël aux oubliettes de l’histoire ont déjà perdu cette bataille. Sauf quelques olibrius ou sociétés dirigées par des esprits mal embouchés ont cédé à cette bêtise. La magie de Noël leur survivra.
Cet épisode est un authentique miracle, n’en déplaise à « celles et ceux » qui rêvent d’éradiquer Noël de nos traditions.
Fils d’ancien combattant 14-18 (parti à 17 ans) je n’ai JAMAIS entendu ni mon père ni mes oncles parler de la vraie guerre comme ça : respectons les, eux, les survivants qui ont tant souffert et qui savaient : tout ceci est du blabla sentimentaliste comparé au fait que les Allemands ont attaqué 3 fois la France en 69 ans (= 1 fois tous 23 ans !) tuant ou handicapant des millions de nos jeunes.Et à l’heure actuelle les Allemands sont encore des partenaires déloyaux. Le mini épisode ponctuel visé ici ne masquera pas la véritable Histoire. Il faut déclarer caduc le traité de l’Élysée (janv.63) et, dans la foulée, l’accord franco algérien de 1968. Car le monde, la France et l’Europe ont changé. Nous voulons une France forte.
Pas « les allemands », mais les chefs politiques, allemands et français. Quant à la période actuelle, devant le renoncement, la soumission lâche et stupide des chefs français, dont-on vraiment en vouloir aux allemands de profiter de notre bêtise ? Bêtise d’avoir voté et re-voté pour les pires ?
Êtes vous Français ou Allemand ? Dans quels livres de gauche avez-vous appris l’histoire ? Et si vous insérez vos propos dans la phrase que vous critiquez ça donnerait : ‘ les chefs politiques, allemands et français, ont attaqué 3 fois la France en 69 ans ». Logique ? Et pour le temps présent : ‘ doit-on vraiment en vouloir aux allemands de profiter de notre bêtise’ ? Masochiste ?
Deux guerres , des vraies , avec les drames et les pertes que l’on sait . Toutefois aujourd’hui ces pays ne ressacent pas de rancoeur t de haine à chaque moment , contrairement à d’autres . Et de constater qu’avec l’islam de nombreux pays , dont la France , subissent des pertes alors que nous ne sommes pas en guerre . L’islam est la menace aujourd’hui pour l’occident .
Entre absurdité des guerres et incongruité du pacifisme règne l’âpre domaine du questionnement…