Noël 1991 : la fin de l’URSS (8/8)

GORBATCHEV

Si la date du 25 décembre de l’an 800, jour où Charlemagne fut couronné empereur des Romains par le pape Léon III, marquant ainsi la consécration de l’Empire carolingien, parle encore à beaucoup, peut-être parce que c’est un chiffre rond, qui se souvient encore que c’est le 25 décembre 1991 qu’un autre empire - l’Union des républiques socialistes soviétiques, qui n’était plus que l’ombre d’elle-même - disparaissait ? Les médias en ont parlé, ces derniers jours, mais soyons honnêtes : sans ce rappel, n’aurions-nous pas zappé l’événement ? Et pourtant, cela ne fait que trente ans. On se souvient du jour où le mur de Berlin fut renversé, celui, funeste, où les tours jumelles de New York tombèrent en poussière. Bien souvent, on peut même y associer un événement minuscule de notre propre vie : j’écoutais la radio dans ma cuisine ou ma voiture, on sortait de réunion quand Untel se précipita dans la pièce, etc.

Mais le 25 décembre 1991 ? Peut-être, justement, parce que c’était le jour de Noël et que nous étions autour du sapin ou de la bûche. Peut-être, aussi, parce que ce 25 décembre 1991, tout était déjà écrit depuis plusieurs mois. Pourtant, le drapeau rouge, frappé de la faucille et du marteau, fut amené et remplacé par celui de l’ancienne Russie au sommet du Kremlin. Il y flottait depuis trois quarts de siècle : ce n’était donc pas le moindre des événements. Pour ces générations de Français qui avaient grandi sous la menace de l’arrivée des chars soviétiques à Paris après un déboulé à travers la trouée de Fulda en Allemagne, c’était pourtant tout simplement inimaginable, quelques mois plus tôt.

Ce 25 décembre, donc, Mikhaïl Gorbatchev, qui avait accédé au pouvoir en 1985, annonçait dans une allocution de douze minutes qu’il démissionnait de la présidence de l’URSS, ce poste qu’il avait lui-même créé en mars 1990 par une réforme constitutionnelle. Le lendemain, le fameux Soviet suprême prononçait la dissolution de l’URSS et s’autodissolvait. Une démission et des dissolutions qui s’inscrivaient dans la logique enclenchée depuis des mois avec une accélération des événements depuis la tentative de putsch du 19 août 1991, menée par des tenants de la ligne dure du Parti communiste qui s’opposaient aux réformes en cours. Face à l’opposition du président russe Boris Eltsine, le putsch avait échoué mais Gorbatchev, un temps déposé, en était ressorti considérablement affaibli. Le nouvel homme fort était désormais Eltsine.

Tout alla vite, ensuite : dissolution du Parti communiste le 6 novembre, création de la Communauté des États indépendants (CEI composée de la Russie, de l’Ukraine et de la Biélorussie), vidant l’URSS de toute consistance. Au plan international, le 23 décembre, comme le rapporte Le Monde du 25 décembre 1991, « la Communauté européenne a enregistré “avec satisfaction”, lundi 23 décembre, la création de la Communauté d'États indépendants (CEI) issue de l'ex-Union soviétique ». En revanche, « les droits et obligations internationaux de l'ancienne URSS, y compris ceux découlant de la Charte des Nations unies, continueront d'être exercés par la Russie ». Idem, pour les États-Unis de George Bush (père) qui, après une discussion de près d’une demi-heure avec Eltsine, décida que l’annonce de la reconnaissance de la Russie en tant que successeur de l’URSS se ferait au lendemain de Noël, le 26 décembre. Concernant l’armement nucléaire, le président des États-Unis avait d’ailleurs été rassuré par Gorbatchev lui-même : le « bouton nucléaire » serait « transféré au président de la Fédération de Russie » et, en conséquence, il pouvait « fêter Noël sans se faire de souci ». La communauté internationale reconnaissait la continuité étatique entre l’URSS et la Russie, ce qui permit à cette dernière de conserver le siège permanent au Conseil de sécurité. Au fond, la Russie n'avait jamais cessé d'exister ! Pour les Français encore incrédules, la lourde menace soviétique s'éloignait.

Dans cette courte et triste allocution du 25 décembre, Gorbatchev déplorait que l’ancien système se soit écroulé avant que le nouveau ait pu se mettre en place. C’est pourtant une constante de l’Histoire…

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

6 commentaires

  1. En France aussi on devrait dissoudre le Parti Communiste, il n’y a aucune raison pour qu’on continue à supporter cette excroissance d’une idéologie à tel point mortifère que même ses créateurs ont tenu à démolir.

  2. Cette évocation d’un moment capital de l’histoire du XXème siècle me fait imaginer sa réplique à propos de l’Union européenne. Un retour à un nombre plus facilement acceptable de pays membres ne serait-il pas salutaire alors que nombreux sont les Européens qui critiquent les décisions néfastes, voire pernicieuses, prises par ses membres non élus dont peu de gens reconnaissent la légitimité ? L’enjeu est certes différent, mais… il n’est pas interdit de rêver en ce 1er janvier…

  3. « Pour ces générations de Français qui avaient grandi sous la menace de l’arrivée des chars soviétiques à Paris après un déboulé à travers la trouée de Fulda en Allemagne, c’était pourtant tout simplement inimaginable, quelques mois plus tôt. »

    Oui, c’était une hantise ! Il faut, pour s’en rendre compte, relire ce qu’imaginait L.Degrelle sur la stratégie soviétique . Ça fait sourire aujourd’hui.A part PieXII, ( de Gaulle ?), personne ne voyait l’arrêt de l’expansion communiste ds le monde.

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