Noël en Provence : la tradition toujours vivace des treize desserts

13 DESSERTS

Dans nos temples de la consommation que sont les grandes surfaces, la période de Noël est celle de la surabondance. On y trouve tout, pêle-mêle, de ce qui faisait autrefois les repas de rois aux traditions les plus populaires. Dans ce grand méli-mélo se croisent ainsi les panettones venus d’Italie, les pains d’épice et les Bredele alsaciens, et puis les bûches sans histoire ou presque qui flottent entre saumon, gambas et foie gras.

En Provence, il n’y a pas de repas de Noël sans les treize desserts. C’est la tradition et elle est toujours vivace, ancrée dans le terroir. L’origine en remonterait au XVIIe siècle, mais il semble que le rituel en ait été fixé vers 1870 par une dénommée Marie Gasquet, née à Saint-Rémy-de-Provence. Elle écrit : « Il faut 13 desserts, 13 assiettes de friandises, 12 qui versent les produits de la maison, du pays, du jardin, et la treizième, beaucoup plus belle, remplie de dattes. »

On dit aussi qu’à l’origine, il s’agissait seulement de 12 pains et d’une grosse miche marquée d’une croix, référence à la Cène, le dernier repas du Christ entouré de ses douze apôtres.

Selon les lieux et les villages, les desserts varient bien sûr, et quand j’ai moi-même découvert cette tradition, c’était auprès d’une Dignoise « exilée » en Seine-et-Marne, c’est-à-dire loin des figues de Solliès, des marrons de Collobrières et des calissons d’Aix. Qu’importe, ils étaient tous sur la table de Noël, à côté du blé germé !

Symboles de nos racines chrétiennes

Avis, donc, à ceux qui persistent à nier les racines chrétiennes de la France : on est là pleinement dans le symbole, et quelles que soient les variantes, il y a des invariants à respecter !

D’abord « les quatre mendiants », en référence aux quatre ordres religieux mendiants ayant fait vœu de pauvreté : les noix ou noisettes pour les carmes, les amandes pour les dominicains, les figues sèches pour les franciscains et les raisins secs pour les augustins. C’est la couleur de ces fruits secs, rappelant la robe des moines, qui leur a fait donner ce nom de « mendiants ». C’est Frédéric Mistral qui rapporte : « Un jour, à la table d'un grand seigneur, les quatre fruits secs, raisins, noisettes, amandes et figues, étaient servis, un convive s'écria : voilà les mendiants à table, retrouvant dans la figue la robe grise du franciscain, dans l'amande la robe écrue du dominicain, dans la noisette la robe brune du carme, et dans le raisin la robe sombre de l'augustin ; les dominicains, les franciscains, les carmes et les augustins formaient les quatre ordres mendiants. »

Viennent ensuite les nougats – le noir aux amandes de Provence et le blanc aux noisettes, pignons ou pistaches  –, on dit qu’ils symbolisent le bien et le mal, ou encore les pénitents. Les dattes – fourrées à la pâte d’amande, c’est meilleur… – , les cédrats et melons confits et autres fruits d’Orient et d’Afrique incarnent les rois mages. On trouve aussi sur la table les fruits frais (poires, pommes et oranges), la pâte de coing, voire les arbouses et les sorbes.

Et surtout, surtout, ne pas oublier la pompe à huile. Entre pain et brioche, la « poumpo » est à base de fleur de farine, d’huile d’olive, eau de fleur d’oranger et cassonnade. Élément central, tout comme le vin chaud qui doit accompagner le repas, les deux rappellent le pain et le vin partagés par le Christ la veille de sa mort. La tradition disait d’ailleurs que quiconque coupait la pompe au lieu de la partager avec les convives était ruiné dans l’année…

N'en déplaise, donc, à ceux qui voudraient l’oublier, Noël est la fête de la naissance de l’Enfant Jésus. Qu’on veuille la dépouiller de ses symboles, la paganiser pour en faire l’apothéose du consumérisme n’y changera rien. Elle est et demeure, même pour ceux qui l’ignorent quand arrive l’heure des treize desserts… Alors, Joyeux Noël !

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Vos commentaires

3 commentaires

  1. Ces 13 desserts de Noël, les dix « pieds noirs », fervents catholiques pour la plus part, les avaient en Afrique et les ont ramenés en France dans leurs pauvres valises, preuve s’il en est que tout ceci est teint de ferveur.
    À noter qu’au Maroc la tradition semble restée bien qu’adapté !

  2. Et en Pologne, les 13 plats de poisson au réveillon du 24 et le partage de l’oplatek ( sorte d’hostie ou de pain azyme)

  3. Toutes ces traditions sont incontournables et n’en déplaise à certains elles sont encore bien ancrées dans nos familles . Un joeux noël à tous et vive nos belles traditions , nos coutumes et notre excellente gastronomie tant apprécié dans le monde .

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