Noël, la fête du néant ?

Question provocante à deux jours de Noël, mais qui m’a traversé l’esprit en regardant les JT de mercredi et jeudi soir sur TF1. D’abord, un sympathique reportage censé faire un petit tour d’Europe des coutumes du 24 décembre soir. Comme, par exemple, celle des femmes tchèques célibataires qui consiste à lancer une chaussure par-dessus l’épaule en direction de la porte ouverte. La chaussure tombe au sol le talon tourné vers la porte ? Et c’est reparti pour une année de célibat. Si c’est la pointe qui est tournée vers la porte, la dame pourrait bien trouver chaussure à son pied dans l’année qui vient. Un second reportage centré sur la France et dans lequel on vous décrit par le menu ce que, statistiquement, nous mangerons et, surtout, boirons ce soir-là. Bon, vous me direz, c’est le marronnier habituel en cette période. Oui.

Je ne ferai même pas le procès à TF1 d’avoir réussi le tour de force, en deux reportages, de ne pas parler une seule fois de la fête religieuse chrétienne ou, tout du moins, d’évoquer, en passant, l’origine religieuse de la fête. Car j’imagine que la grande chaîne a sans doute prévu un « volet religieux » à cette série, peut-être même le 24 soir. On peut même imaginer ce que le - ou la - journaliste de service ce soir-là pourrait dire. Un truc du genre : « Car Noël, C’EST AUSSI une fête religieuse pour les chrétiens… » Le « c’est aussi » ne sera peut-être pas prononcé, mais avouons qu'il n'aurait rien d'étonnant. Un « c’est aussi » terrible qui serait, en quelque sorte, l’image du dernier clou dans le cercueil de notre civilisation chrétienne. L’illustration du déplacement de cet axe central posé dans l’histoire des hommes, il y a deux mille ans.

Car, pour les chrétiens, Noël n’est pas qu’une fête gentillette autour d’une crèche charmante ou pérégrinante… Le Rédempteur que l’on chante dans le beau cantique « Minuit chrétien » est le "centre du cosmos et de l’Histoire"; écrivait Jean-Paul II en introduction de sa première encyclique Redemptor hominis, publiée en 1979. Et dans sa lettre apostolique sur la préparation du jubilé de l’an 2000, le pape polonais l’avait de nouveau exprimé de façon lumineuse : "Le fait que le Verbe éternel ait assumé dans la plénitude du temps la condition de créature confère à l’événement de Bethléem, il y a deux mille ans, une singulière valeur cosmique. Grâce au Verbe, le monde des créatures se présente comme cosmos, c’est-à-dire comme univers ordonné. Et c’est encore le Verbe qui, en s’incarnant, renouvelle l’ordre cosmique de la création."

Pardon pour cette longue digression, peut-être déplacée, mais qui doit permettre de saisir l’immense hiatus qui existe aujourd’hui entre ce qu’est la fête des chrétiens et ce qu’elle est devenue dans notre société post-chrétienne.

Mais pire que ce hiatus, et pour revenir sur nos reportages de TF1, c’est le caractère de profonde vacuité qui saute aux yeux. Une vacuité que ne peuvent certainement pas combler des montagnes de langoustines ou de foie gras. On réveillonne. Très bien. Que l’on réveillonne le 31 décembre pour passer l’année, on peut le comprendre : on fête les anniversaires, on peut bien fêter celui de notre Terre qui fait le tour du Soleil en un an ! Mais pourquoi, pour quoi, pour qui, alors réveillonner le 24 décembre soir ? La force de l’habitude, de la coutume, de la tradition – mot évoqué, du reste, dans le JT de jeudi soir -, mais de quelle tradition s’agit-il ? Le vieux cheval tourne dans le manège, sans but, parce qu’il faut tourner. Réveillonner, c’est veiller dans une attente, une espérance. Où est cette espérance ?

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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