Non, la « guerre d’Algérie » n’est pas terminée… au moins, pas celle des urnes !
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L’immense Rudyard Kipling avait bien raison d’appeler la colonisation un « fardeau », lorsqu’il prévenait ses contemporains : « Par tous vos pleurs et vos murmures,/Par ce que vous laissez, et par ce que vous faites,/Les peuples boudeurs et silencieux/Jugeront de vos Dieux et de vous. »
Les peuples, quels qu’ils soient, seront toujours les dupes de l’Histoire. Ceux qui auront partout perdu leurs espoirs et leur sang ; laissant à quelques-uns, qui conduisent leur jugement, le soin de rafler la mise en leur nom. En Algérie, la réussite éhontée du FLN, parti prévaricateur né du terrorisme le plus sanglant, en est le plus triste exemple. Une « nation » algérienne toute neuve, livrée sur un plateau à ses maîtres-bourreaux par les accords d’Évian ne s’en est toujours pas relevée.
Le psychodrame franco-algérien qui continue aujourd’hui illustre la poursuite du jeu de dupes engagé voici près de 60 ans. Qui le mène ? Cette élite politico-militaire algérienne, née de la « révolution » de 1954, bien sûr ; régénérée et maintenue par sa victoire contre les islamistes dans les années 2000. Mais aussi une élite française technocratique, à la conscience nationale éteinte, pour laquelle le monde qui vient, multiculturaliste d’obligation, par déferlement migratoire, est une fatalité dont il lui faut profiter au mieux. Avec, hélas, la conscience, inavouable, du pire toujours à venir : « Aujourd’hui, on vit côte à côte, je crains que demain on ne vive face à face », a prévenu Gérard Colomb, membre dépité du sérail.
Pour les uns, comme pour les autres, le « peuple » est un enjeu. Quel peuple ? Celui de la « communauté algérienne » établie en France ; constituée des émigrés anciens ou nouvellement installés et de leurs descendants dont beaucoup ont la double nationalité algérienne et française, sans oublier les descendants d’anciens harkis. Combien sont-ils ? Certains – dont le président Tebboune, le 4 juillet 2020, lors d’une demande d’excuses à la France – avancent le chiffre de 5 à 6 millions, mais personne ne connaît ou ne révèle leur nombre exact, la loi française interdisant les statistiques « ethniques ». Un poids, une force !
On a vu que les gestes équivoques d’Emmanuel Macron pour tourner la page des querelles mémorielles franco-algériennes viennent de déboucher sur une crise sans précédent entre Paris et Alger, avec rappel d’ambassadeur. Après qu’il a osé critiquer le « système politico-militaire » algérien « fatigué », allant jusqu’à s’interroger sur l’existence d’une « nation algérienne avant la colonisation française », en petit comité ; il s’est aussitôt repenti en actes et en paroles en allant déposer une gerbe tricolore à la mémoire du supposé massacre du 17 octobre 1961, en fustigeant des « crimes inexcusables pour la République » dont il est le symbole et le chef.
Riposte d’Alger par la voix de Mohamed Antar Daoud, l’ambassadeur rappelé pour « consultations », plaidant pour « la double, la triple ou la quadruple nationalité » des Algériens répandus en Europe. « Il est inadmissible que l’Algérie, qui possède la plus grande communauté étrangère en France [...], ne puisse pas constituer un levier de commande pour intervenir non seulement dans la politique algérienne, mais [aussi] au niveau de la politique française », dit-il. Petit avertissement sans frais à Macron, à quelques mois de l’échéance...
En 2017, notre Président taxait la colonisation de « crime contre l’humanité ». En septembre dernier, il accusait Alger d’instrumentaliser le passé comme une « rente mémorielle ». Courtisant d’un côté les Franco-Algériens et, de l’autre, un électorat plus « souchien », ce jeu d’équilibriste dévoile aussi ses indécisions politiques et ses calculs électoralistes. Et les propos d’Antar Daoud peuvent aussi montrer les limites de sa liberté. À condition que la diaspora algérienne se prête avec docilité au jeu des urnes. Pour quelle République ?
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