Nous sommes tous des harkis français !
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Plus de cinquante ans après la fin de la guerre d'Algérie, les plaies ne sont pas guéries. Elles subsisteront tant que les historiens n'auront pas rétabli une vérité complète et objective sur cette période tragique de notre histoire. Cette vérité est attendue par tous ceux qui ont vécu le drame algérien : les pieds-noirs, contraints à l'exode, l'élite de l'armée française, rebelle par fidélité à la parole donnée, les métropolitains qui se sont engagés, en 1962, pour défendre l'Algérie française et, peut-être plus encore, les harkis, honteusement abandonnés à leur sort.
Mardi soir, dans un communiqué, l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) a affirmé que les menaces de faire sortir le dossier de restitution des biens des pieds-noirs en Algérie et le retour des harkis au pays « ne serviront pas de moyens de pression et de chantage » contre l'État algérien. Cette organisation, qui représente des vétérans de la guerre de libération nationale, répondait, semble-t-il, à des propos de Jean-Yves Le Drian, qui a simplement rappelé qu'il fallait « travailler avec les autorités algériennes à la réconciliation et à l’apaisement des mémoires ».
« Ça ne mange pas de pain », comme on dit familièrement. En France, le dossier de la guerre d'Algérie, notamment celui des harkis, a depuis longtemps été rangé dans les affaires classées. Il faut avoir l'insolence juvénile et l'inculture historique d'Emmanuel Macron pour déclarer, comme il le fit pendant sa campagne, que la colonisation, "c’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie".
Quant aux harkis, les gouvernements successifs n'en parlent qu'épisodiquement, le plus souvent avec des arrière-pensées électorales. Il est vrai qu'on préfère oublier la manière dont furent traités ces supplétifs de l'armée française, comment les autorités les plus hautes de l'État ordonnèrent de ne pas les rapatrier, les livrant, après les avoir désarmés, à la vengeance d'Algériens fanatiques. Ce fut l'honneur de quelques officiers d'en aider une partie à rejoindre la France. On sait dans quelles conditions ils furent accueillis !
Macron a beau parler de « réconciliation des mémoires », cet abandon délibéré de combattants qui firent confiance à la France est particulièrement monstrueux. Le gouvernement n'agit guère pour réhabiliter officiellement les harkis ni pour honorer leur combat. S'étonnera-t-on si certains de leurs enfants et petits-enfants n'adhèrent plus, comme on dit, aux « valeurs » d'une République qui les a trahis ?
Faut-il rappeler ces propos de Louis Joxe, qui négocia les accords d'Évian, le 24 mai 1962, en Conseil des ministres : « Les harkis veulent partir en masse. Il faut combattre une infiltration qui, sous prétexte de bienfaisance, aurait pour effet de nous faire accueillir des éléments indésirables » ? Ou le cynisme du général de Gaulle, déclarant à leur sujet, en juillet, qu'« on ne peut pas accepter de replier tous les musulmans qui viendraient à déclarer qu'ils ne s'entendront pas avec leur gouvernement » ?
Selon l’ambassade de France en Algérie, le ministre des Affaires étrangères n’a jamais annoncé que la France "[ferait] tout pour préserver le droit des harkis à retourner dans leur pays" et n'exerce aucune "pression" sur le gouvernement algérien. La diplomatie serait-elle devenue l'art de se coucher ? Comme si l'on voulait pousser les harkis et leurs descendants à regretter d'avoir cru en la France.
Au défilé du 14 juillet, le président de la République a invité le Japon et Singapour pour marquer les relations particulières qu’entretiennent ces deux pays avec la France. Invitera-t-il, un jour, les harkis vivant encore ? Le temps n'est-il pas venu de leur manifester notre solidarité en proclamant : « Nous sommes tous des harkis français ! »
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