Nouveau coup d’État au Burkina Faso. Et le danger islamiste est toujours présent

Après le Moyen-Orient et le Maghreb, le Sahel devient, désormais, jusqu'au nord du Nigeria et du Cameroun compris, et la Somalie, une immense zone dévastée par le terrorisme et les séditions islamistes.

Au Mali, en août 2022, l'armée française pourtant victorieuse après avoir mis en déroute (2013) un assaut de djihadistes contre Bamako, a été remerciée par la junte militaire au pouvoir et « remplacée » par les bandes armées privées (?) russes Wagner, qui se sont immédiatement signalées par des atrocités et la mise en coupe réglée du pays (comme au Centrafrique).

Au Burkina, limitrophe du Mali, le président légal Roch Kaboré avait été déposé en janvier 2022 par l'armée qui lui reprochait son incapacité à organiser la résistance au djihadisme. Ce dernier, en effet, d'abord infiltré depuis le Mali et même la Libye ou l'Algérie, avait pris une tout autre tournure et ampleur avec des recrutements locaux. Ce qui a surpris tous les connaisseurs du Burkina. C'est un brillant lieutenant-colonel, Paul-Henri Sandaogo Damiba, qui était à la tête du Burkina Faso depuis ce putsch du mois de janvier. Damiba est breveté de l'École de guerre française, titulaire d'un master de sciences criminelles et un théoricien de la réponse militaire au djihadisme (P.-H. Damiba, Armées ouest-africaines et terrorisme : réponses incertaines). Promettant de rétablir l'ordre et la paix civile, Damiba avait été intronisé par le Conseil constitutionnel comme « président de la transition » pour trois ans. Mais les récents sérieux revers de l'armée ont rebattu les cartes. En effet, le 26 septembre dernier, au moins onze soldats ont été tués et cinquante civils enlevés dans une attaque djihadiste contre un convoi de ravitaillement roulant vers Djibo, au nord du pays.

Une attaque vécue par les militaires comme une humiliation et qui a provoqué leur colère. Et vendredi 30 septembre, après quelques tirs et déploiements de blindés dans la capitale Ouagadougou, on a appris que Damiba avait été destitué et remplacé par le capitaine Ibrahim Traoré, alors que quelques drapeaux russes auraient été brandis (notamment par une poignée de sankaristes). Certains médias évoquent la possible influence russe dans ce putsch. Des tirs d'arme lourde ont été entendus vendredi, tôt le matin, dans le camp militaire (Baba Sy) de la capitale. Le groupe de mutins exigeait des discussions avec le président et la libération du lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana récemment limogé par Damiba. Zougrana, dès sa libération, s'est exprimé sur les réseaux sociaux pour mettre en garde contre toute « tentative lugubre » (une russification à la malienne du pays ?). C'est donc, en apparence et pour l'instant, un simple remaniement interne à la tête du gouvernement de transition, motivé par l'exigence d'une lutte plus efficace contre le terrorisme islamiste. Dans un communiqué, les putschistes ont en effet évoqué « la dégradation continue de la situation sécuritaire ».

Plus largement, depuis quelques mois, le Sahel connaît des offensives islamistes de plus en plus violentes et amples. Mais aussi des putschs en série et une immixtion évidente des services russes, parfois sous le masque des bandes Wagner : un business oligarchique privé de la sécurité, violent et rapace.

Depuis l'occasion politiquement manquée de 2013 au Mali, après que l'opération Serval y avait été un brillant et fulgurant succès, la situation ne cesse de se dégrader dans le Sahel, à cinq heures d'avion de la France. L'islamisme sanguinaire est une mèche allumée sur un continent d'un milliard d'habitants dont les masses appauvries ou déstabilisées débordent sur nos côtes et dans nos banlieues. Or, voici que des concurrents de la France prétendent s'emparer des richesses africaines. La très grande compétence de nos soldats n'est pas comprise par la rue et même la caserne africaines qui remâchent leur rancœur d'ex-colonisés, voient que, économiquement, l'aide vient de Bruxelles et plus de Paris, et n'ont pas encore déduit que l'armée russe est mauvaise (en Ukraine) et que les bandes Wagner ne sont qu'une milice de soudards.

Il est temps que la France redevienne la France : compétente, ferme et généreuse. En France comme en Afrique. Nos amis africains n'attendent que cela.

Henri Temple
Henri Temple
Henri Temple est universitaire, juriste, théoricien de la Nation (auteur de :  Essai sur le concept de ‘’Nationisme’’, Sphairôs, 2024)

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Pas d’inquiétude quand les allocs et les tunes vont manquer , on se rappellera que finalement la France ce n’était pas si mal , même Wagner n’y pourra rien .

  2. Samedi et hier des individus s’en sont pris à l’ambassade de France à Ouaga, ils ont pillé et dégradé des biens Français à Ouaga et à Bobo. Pas de morts pour l’instant mais une haine farouche contre la France. Une haine totalement irrationnelle, fabriquée lentement et bien murit par les Russes depuis environ 8 ans. J’en ai vu la progression.
    Leur méthode : D’abord des manipulations d’événements récents ou historiques sortis de leur contexte, puis des contre-vérités, des mensonges répétés des dizaines de milliers de fois sur les réseaux sociaux, enfin comme hier, des appels sur ces même réseaux à la destruction des bien Français.
    Leurs moyens : Des influenceurs, des trolls, des manifestations, des partis pro-russes et anti français financés par la Russie. La mécanique de la stigmatisation et de la fabrication du bouc émissaire est toujours la même. C’est peut être une des raisons pour laquelle le ministère a coloré toute la carte du Burkina en rouge.
    Quant à Wagner, ce ne sont pas des soudards mais des chiens enragés, tuant, pillant, violant et même se battant contre leurs propres alliés, à savoir l’armée malienne.

  3. La Russie poursuit son avance au Sahel et s’appuie sans vergogne sur le djihadisme islamique comme les Américains savaient si bien le faire jusqu’ici.

    • C’est exactement ça. Et, à mon avis, la déstabilisation totale de ces pays (si cela arrive) va entrainer une augmentation de la pauvreté, donc du terrorisme et de l’immigration vers l’Europe qui nous amènera de vrais problèmes. Poutine le sait bien.
      Le gouvernement Français doit être très très vigilant.

  4. Une excellente analyse ! Que devraient lire les poutinolâtres muets, complaisants voire admiratifs envers les prédateurs soudards de Wagner, comme vous les nommez si justement.

  5. Wagner ne fera rien gratos et encore moins dans la dentelle. Les militaires français les ont sauvés au prix de la vie de combien d’entre eux. On a la même ingratitude en métropole et personne ne tire de leçon.

  6. Nous avons abandonné le continent africain.
    Pour y avoir travaillé pendant 10 ans j’ai vécu sous le petit sarko le retrait des militaires français du Sénégal et souvent au grand regret de la population sénégalaise.
    Pas étonnant que nous soyons détesté.

  7. Le coup d’état permanent est quand même une habitude Africaine, chacun sait que seule la politique permet de s’enrichir rapidement, les subventions reçues prennent rapidement la direction des banques Suisses, quant au peuple il ne voit rien venir, terreau fertile pour l’islamisme que celui de la misère et de la faim.

    • Ce ne sont pas la misère et la faim qui font le lit de l’islamisme, mais la retraite devant les armes.

      • Je m’excuse de vous contredire. L’immigration et le terrorisme sont les 2 faces d’une même médaille (la pauvreté). Que fait un individu qui ne peut plus faire son champs pour nourrir sa famille : Si un terroriste passe et lui propose 100.000 Fcfa (150 E) pour canarder dans un marché avec une AK 47, il accepte tout de suite. Il n’a jamais, de toute sa vie, vu une telle quantité d’argent. C’est sa survie et celle de sa famille qui est en jeu.
        Quand les FAMA (armée malienne) aidée de wagner ont massacré gratuitement 20, 30 personnes dans un village, les survivants vont essayer de se faire protéger par les djihadistes qui vont enrôler les plus jeunes…d’autant plus si ce sont des Peuls stigmatisés, eux aussi, par les réseaux sociaux.
        Le président Damiba n’a pas dégagé parce que les frites de la cantine étaient mauvaises ou parce que les primes n’étaient pas versées. Il a dégagé car il était réticent pour aller avec les Russes.

      • Je parle pour l’Afrique, en Europe c’est effectivement un autre problème que je ne connais pas et vous avez peut être raison.

  8. Mais Bravo, on vois que la encore ce pays ne veut plus voir la France, là ou d’autre pays s’implantent nos gouvernement se font sortir? Bien. Pauvre France, l’Union européen nous considère comme un pays arriéré puisque c’est elle qui nous gouverne, rien que le Brésil nous dédaigne, probablement que les décisions, tant interne qu’a l’extérieur, de nos chef d’état sont irréalistes.

  9. On quitte l’Afrique qui ne nous aime pas, on supprime les subventions, on refuse ceux qui veulent venir chez nous, on renvoie ceux qui y sont déjà comme le gang Traoré, et on aide un peu plus celle qui nous aime…

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois