Nouveau projet du gouvernement : de la France moche vers la France mixte ?

© Lionel Allorge-Wikimedia
© Lionel Allorge-Wikimedia

Bercy, lundi 11 septembre. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, et Olivia Grégoire, ministre délégué chargé des Petites et Moyennes Entreprises, du Commerce, de l’Artisanat et du Tourisme, sont fiers d’ouvrir, à l'occasion d'une conférence de presse, « un nouvel horizon pour les zones commerciales ». Demain ne sera plus comme hier. On va « réinventer » les zones commerciales, « incarnations du XXe siècle » devenues « obsolètes ».

Remise en question d’un modèle

Pourquoi s’y attaquer ? Les commerçants, les consommateurs, les maires, l’État : tout le monde, en somme, y a trouvé son compte, depuis près de 60 ans d’existence. Aujourd’hui encore, elles sont plébiscitées, puisque les Français y effectuent 72 % de leurs achats en magasins. Eldorado pour les vendeurs, aubaine pour le consommateur, elles sont le symbole du progrès, en tout cas d’une certaine philosophie du progrès.

Si leur modèle est remis en question aujourd’hui, cela vient d’un constat sur lequel s’établit un relatif consensus. Tout d’abord, ces quelque 1.500 zones commerciales occupent une part immense de notre territoire : près de cinq fois la superficie de notre capitale. Se développant très librement, elles ont été le fer de lance d’un étalement urbain vorace, exponentiel, qui couvrait l’équivalent de la superficie d’un département tous les sept ans. Cette superficie, elles l’occupent mal, et exclusivement, tandis que de nombreux secteurs sont à la recherche de foncier. Or, la loi ZAN (zéro artificialisation nette) vise à réduire drastiquement l’expansion urbaine. On ne peut donc pas mieux faire qu’investir la place déjà occupée.

Ces zones commerciales sont accusées, de plus, d’être des « passoires thermiques », des « îlots de chaleur », un désastre pour les sols, et de ne pas être « vertueuses » car trop énergivores. Vrais dinosaures, elles n’ont plus lieu d’être à l’heure de la décroissance et de la sauvegarde de la planète.

Une énième utopie ?

L’idée du gouvernement est donc d’en faire de nouveaux lieux de vie. Elles en offrent d’ailleurs déjà tous les services, comme le souligne Olivia Grégoire. Il s’agit donc de densifier ces espaces, en pensant autrement. On en finit avec la spécialisation pour créer de espaces mixtes, plus « verts », plus beaux, ou en tout cas moins « moches ». Dans ces nouveaux espaces, magasins, terrains de sport, cinémas, bureaux, logements cohabiteront bientôt.

Tout cela semble parfait. Chez les quelques élus locaux, représentants d’associations de maires contactés par BV, le constat et le cap donné lundi matin à Bercy font l’unanimité. Pour Sébastien Gouttebel, maire de Murol et vice-président de l'Association des maires ruraux de France, il faut en effet utiliser ces réservoirs de friches, « construire la ville sur la ville ». « L’idéal, c’est de faire tout au même endroit », reconnaît Alain Chrétien, maire de Vesoul et vice-président délégué de l’Association des maires de France.

Mais cette réinvention soulève une difficulté majeure. Ces espaces, en devenant des villes vertueuses faites pour un mode de vie de proximité, ne vont-ils pas devenir inaccessibles à ceux, ruraux et habitants des petites communes, qui doivent nécessairement prendre la voiture pour remplir leur frigo ?

On se demande d’ailleurs si cette circonstance gêne nos ministres, qui estiment qu’il est temps de « modifier nos pratiques de consommation pour répondre aux défis de notre temps ». Sans doute M. Béchu se réjouit-il même de pouvoir donner à ses compatriotes l’occasion de « tourner le dos à des comportements qui ignoraient la sobriété ou la lutte contre le gaspillage »...

Jean de Lacoste
Jean de Lacoste
Journaliste stagiaire à BV, étudiant en master d'histoire du droit.

Vos commentaires

39 commentaires

  1. La gabegie des olympiades tire à sa fin. Faut trouver autre chose pour distribuer des sous aux copains. Roulez jeunesse c’est gratuit c’est l’etaT qui paie. Dixit hollande.

  2. Pardon à ceux que je pourrai vexer, mais la maison individuelle à la campagne, les centres commerciaux, la voiture thermique ou électrique, c’est le tout d’un système bien huilé, savamment orchestré pour faire vivre généreusement toutes les sangsues qui volent en escadrille…brancher leurs tuyaux sur nos contraintes, contraintes que bien souvent il faut être juste, on s’est infligé…seuls (peut être sous le prétendu charme de la vie à l’américaine des années 50)!
    Groupes agro-alimentaire, monteurs de zones à hangars et centre commerciaux, Etat, Conseils départementaux, Mairies, lobbys en tout genre, routier, automobilistique, pétroliers, assurantiels, écologiques, et j’en oublie…tous ceux qui ont un intérêt direct à ce que le flux ne se tarisse jamais…. Tous unis pour le plumage en règle de l’idéaliste. Vu sous cet angle, la maison à la campagne et l’automobile… vendu comme le paradis, la rebellitude et la liberté. Quelle farce.

  3. Quand l’actualité devient vraiment trop chaude et que le pouvoir ne contrôle plus rien il y a toujours un ministre pour lancer un débat sur une question tout à fait secondaire par rapport à l’urgence du moment. Les médias reprennent en choeur. Cela s’appelle noyer le poisson.

  4. M’sieur, expliquez nous svp : qui va être sacrifié à quoi ? Un descriptif concret du projet nous serait bien utile pour pouvoir approuver ou condamner cette annonce !!!(?)

  5. J’ai quitté l’Ile de France pour une petite commune du sud-ouest moins de 10000 h. Je ne voyage plus avec mon auto dans la France et donc je ne vois plus ces horreurs. Le seul endroit horrible que je fréquente c’est l’aéroport CDG
    pour profiter des piscines des hôtels à l’étranger où je dépense mon argent sans rien donner à l’état plutôt que faire construire une piscine chez-moi où l’état m’assommerait de taxes.

  6. Quand l’actualité devient vraiment trop chaude et que le pouvoir ne contrôle plus rien il y a toujours un ministre pour lancer un débat sur une question tout à fait secondaire par rapport à l’urgence du moment. Les médias reprennent en coeur. Cela s’appelle noyer le poisson.

  7. La France s’amochit et ça a été relevé depuis des décennies. Construction de lotissements hideux tout en matériaux à bas prix – le tout en placoplâtre – cependant que les vieilles belles maisons ne sont plus guère entretenues et se décrépissent à vue d’œil: Normal, la classe moyenne supérieure – celle qui faisait tourner les artisans, dont maints vont au chômage à peine formés – a été anéantie par la pression fiscale. On a oublié que la classe des artisans vivait de la classe qui l’employait. Mais Bruno le Maire pleure tous les soirs devant son miroir, tant la joie l’étreint à la pensée de sa merveilleuse politique économique.

  8. Si on mélange les « logements sociaux » et les magasins on n’a pas fini de rigoler ! Enfin, sauf les commerçants…

  9. L’idée part sans doute d’une bonne intention ( réaliste, tellement ces lieux ont étés enlaidis ), mais pourquoi s’entêter à installer partout des « ventilateurs » ( éoliennes _ affreuses qui enlaidissent nos paysages). De plus, il est à noter qu’à l’heure actuelle de nouveaux centre commerciaux, rest’os rapides et entrepôts géants aussi etc _ assez moches voire très moches _ continuent de se répandre…

  10. Oui mais non !
    Comme bientôt tous les conducteurs posséderont une voiture électrique, « on » ajoutera des toits solaires à tous les bâtiments affreux, et des éoliennes pour les bornes de chargement, à prix réduits, le reste pris en charge par les commerçants, qui donc augmenteront leurs prix.
    Pour celles et ceux qui n’ont pas de voiture électrique, il y aura bus et trottinettes électriques !

  11. Un super marché c’est une surface de vente avec un entrepôt de stockage, des groupes frigo et pleins de camions qui livrent !
    Un magasin de bricolage à de grands espaces de stockage et… des camions qui livrent !
    Etc…
    Cerise sur le gâteau, ils inventent de mettre des habitations sur les structures existantes, mais savent-ils que la construction d’un bâtiment (même métallique) répond à des règles de calculs et que de telles surcharges sont incompatibles !!!
    Un budget de 24 millions pour d’aire des études sur 15 ou 20 sites, mais de qui ce moque t’on ? Encore du fric pour les copains et dieu sait s’ils sont nombreux…
    Quant à la vie des français elle ne semble pas très importante : faire rentrer sur son vélo ou dans un bus le coffre d’une voiture pourra faire l’objet d’un jeu tv !!!

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