Nucléaire iranien : les Européens otages de la diplomatie américaine

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Sur l’épineux dossier du nucléaire iranien, Donald Trump a ouvert une parenthèse qui semble aujourd’hui se refermer. Mais la personnalité de l’homme est si complexe qu’on ne saurait forcément la caricaturer à grands traits. En effet, après avoir déchiré l’accord sur le nucléaire iranien, conclu en 2015 par son prédécesseur Barack Obama, Donald Trump est aussi l’homme qui refuse de déclarer la guerre à l’Iran. Aujourd’hui, Joe Biden, son successeur, entend revenir à la « normale ».

Ce dossier est d’ailleurs d’autant plus épineux que, dès l’origine du litige, l’ayatollah Ali Khamenei, la plus haute autorité de la République islamique d’Iran, était contre des négociations avec l’Occident sur le nucléaire national, ne croyant pas aux promesses de levées de sanctions économiques promises par ce dernier ; ce qui ne l’a malgré tout pas empêché de laisser le président Hassan Rohani conduire lesdites négociations. Pour tout arranger, rappelons que les rapports entre ces deux hommes sont de longue date conflictuels, ce qui vient de se vérifier une fois encore, les partisans de Rohani venant d’être mis en minorité au Majlis, le Parlement tenu par les partisans de Khamenei.

Pourtant, il faudrait être bien naïf pour imaginer trop jouer de cette mésentente au plus haut sommet du pouvoir, Guide suprême et président sachant aussi mettre leurs turbans dans leurs poches pour jouer une partition qui, même si elle peut paraître désaccordée de prime abord, ne dévie pas de son but initial : les sacro-saints intérêts d’une nation plus que millénaire. Ce que font, par ailleurs, les Turcs et les Russes, Vladimir Poutine n’hésitant pas à faire parfois cause commune avec ses communistes et ses oligarques, tandis que Recep Tayyip Erdoğan s’accommode très bien, dès lors que la situation l’exige, de son opposition kémaliste ultranationaliste et plus ou moins mafieuse.

Résultat ? L’ayatollah Khamenei annonce que « le seuil d’enrichissement de l’uranium en Iran ne sera pas limité à 20 %. […] Nous l’augmenterons à n’importe quel niveau nécessaire pour le pays. […] Nous pourrions le porter à 60 %. » Notons que, pour faire du nucléaire civil un nucléaire militaire, cet uranium doit être enrichi à 90 %. Mais là n’est pas la question, sachant que l’Iran n’a pas ou plus besoin de la bombe atomique, ses défenses balistiques (missiles S-400 livrés par les Russes) suffisent amplement à la défense de son territoire, statu quo ayant été de longue date négocié entre Khameini, qui lui était hostile pour des raisons religieuses, et la très puissante autorité militaire qui y demeurait favorable, ne serait-ce que pour sanctuariser la mère patrie. Un débat désormais obsolète, les missiles plus haut évoqués suffisant largement à interdire toute forme d’attaque frontale, voire même de raids aériens hostiles.

Ce qui explique aussi pourquoi les Occidentaux entendent intégrer ce même programme balistique dans les accords sur le nucléaire ; demande à laquelle Téhéran ne saurait accéder, s’agissant de son assurance-vie. De même, les accusations portées par ces mêmes Occidentaux, Européens y compris, sur les tentatives de déstabilisation de la région par les Iraniens peuvent prêter à sourire quand on sait que ce sont les USA qui ont poussé l’Irak de Saddam Hussein à entrer en guerre contre l’Iran, pour ensuite envahir l’Irak par deux fois, tandis que les Français aidaient à la déstabilisation de la Libye sans rien faire pour éviter celle de la Syrie.

Pour le moment, aucun des protagonistes en présence n’entend lâcher du lest. Les Iraniens campent sur des positions iraniennes, tandis que les Européens, et surtout les Français, persistent à faire de même sur des positions américaines. Ce qui est un peu, là et aussi, le problème de notre diplomatie depuis trop longtemps erratique.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

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