NUPES : le pacte faustien de la gauche

mélenchon

Des crispations, des divergences, des dissonances. À en croire les commentateurs de la vie politique, la coalition de gae, créée à l’occasion des élections législatives, serait mal en point. « Moins de trois semaines après les élections législatives, l’apparente unité de la NUPES a commencé à se fissurer », notait Le Monde, le 10 août dernier. Les polémiques de Jean-Luc Mélenchon et les provocations à répétition de ses députés finiraient par agacer certains de ses alliés. Comme s’ils découvraient soudainement les outrances et les dérives idéologiques des Insoumis.

Dans Le Figaro du 8 août dernier, le député socialiste Jérôme Guedj se livrait à un exercice d’équilibriste pour tenter de justifier la nécessité de l’union tout en cherchant à prendre ses distances avec les méthodes et un certain nombre de positions de LFI. « Je compte beaucoup sur l’acculturation réciproque. Nous socialistes revenons à nos fondamentaux en remettant au centre la question sociale et la nécessaire alliance entre précaires, classes populaires et classe moyenne. Eux vont peut-être comprendre qu’on peut être radical avec solennité », déclarait le député PS.

Les mêmes éléments de langage que ceux utilisés par Clémentine Autain dans un article du Monde publié le 24 juillet dernier : « On doit aboutir à un profil général alliant insolence et solennité. Le PS, par exemple, a payé très cher sa course à la respectabilité. Et nous, nous devons gagner en solennité pour rassembler le plus largement possible. »

Dans le même article, Jérôme Guedj multipliait les acrobaties sémantiques pour aboutir à la formule suivante : « Il faut arriver à incarner un certain réformisme radical. » Tout un programme !

Un laborieux verbiage de communicant qui cache une réalité bien plus prosaïque : une gauche vassalisée consciente que sa survie électorale lui impose un arrimage politique à la locomotive des Insoumis. Raison pour laquelle, à la fin de son interview au Figaro, Jérôme Guedj, interrogé sur la proposition de LFI d’une liste commune pour les européennes de 2024, indiquait que la NUPES « ne saurait être qu’un coup électoral au risque de désespérer [ses] électeurs ». Peu importe, alors, les divergences de la gauche sur la question de l’Europe. Une poignée de députés vaut bien quelques concessions idéologiques.

Le plus inquiétant est cependant ailleurs. Au milieu de ses déclarations au Figaro, il y avait cette remarque du député PS qui en disait long : « Jean-Luc Mélenchon et les Insoumis ont gagné la bataille culturelle à gauche. »

Et, en effet, lorsque Jérôme Guedj évoque un « réformisme radical », il ne fait que reprendre un concept utilisé par les théoriciens d’un « populisme de gauche », et notamment la philosophe belge Chantal Mouffe, grande inspiratrice de Jean-Luc Mélenchon. Un populisme censé renouveler la gauche en lui offrant une troisième voie entre gauche révolutionnaire et gauche réformiste. Partant du principe que nous vivons un moment « post-politique », c’est-à-dire où la droite et la gauche se confondent, Chantal Mouffe plaide pour le retour à une stratégie conflictuelle s’appuyant sur la nécessité de tracer une frontière politique « entre ceux d’en bas et ceux d’en haut ».

Radicalité et conflictualité, mais aussi extension du domaine de la lutte, car la philosophe a fait le même diagnostic que Terra Nova : la lutte des classes, ça ne paie plus. Au Point, en juin 2022, elle explique : « Le peuple est une construction politique, une chaîne d'équivalences entre les demandes démocratiques, celles de la classe ouvrière mais aussi celles des féministes, des LGBT, des immigrés, des chômeurs, des défenseurs de l'environnement, de la lutte antiraciste, etc. » C’est cette clientèle des minorités qu’il va falloir radicaliser car, pour Chantal Mouffe, « le peuple se construit dans la lutte ». Les petits soldats de Mélenchon sont alors invités à arpenter les quartiers pour, selon la doxa des Insoumis directement inspirée de la philosophe, « tisser les colères », « cibler les puissants » et « remplacer la fatalité par la conflictualité ».

À l’étage du dessus, dans l’Hémicycle, les députés LFI multiplient les provocations et les invectives afin de satisfaire ce nouveau peuple qui réclame du pain et des jeux. Une politique incendiaire avec laquelle la gauche pactise désormais. Un pacte faustien.

Frédéric Martin-Lassez
Frédéric Martin-Lassez
Chroniqueur à BV, juriste

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