Obsèques nationales de Delors : Macron frise la captation d’héritage

Macron Delors

Ce vendredi 5 janvier, hommage était rendu à Jacques Delors, décédé à 98 ans. L’occasion, pour Emmanuel Macron, de jouer une fois de plus les Fregoli. Ainsi reprenait-il à son compte, il y a quelques semaines, le costume du patriote défenseur de cette préférence nationale de plus en plus plébiscitée par les Français. Aux Invalides, changement de discours, de braquet et de costume : le voilà enfant spirituel du défunt. Après Marine Le Pen, Jacques Delors. Quelle souplesse ! Mais ce rôle d'héritier de Delors ne va-t-il pas comme un gant à Macron ? Après tout, comme l'écrit Philippe Murer sur X, Delors fut l'« un des grands liquidateurs de la nation ».

Avec un peu d’avance sur la Fête de la musique, on entonne donc l’Ode à la joie, la fameuse symphonie n° 9 de Beethoven. Puis une autre ode destinée à « l’architecte de l’Europe unie » ; celui qui « a réconcilié véritablement la France avec l’Europe et l’Europe avec son avenir ». Mieux : « Jacques Delors ne se lassa jamais d’explorer pour réconcilier, en éclaireur, de frayer des alternatives, de bâtir des ponts. » Voilà qui n’est pas très clair, mais c’est beau, à condition de goûter au lyrisme de sous-préfecture.

Un euroscepticisme toujours majoritaire en France

En revanche, ce qui est plus clair, c’est que la France ne paraît pas tout à fait « réconciliée » avec l’Europe, tel qu’en témoignent les résultats du premier tour de la dernière élection présidentielle. Côté européistes, Macron, Pécresse, Jadot et Hidalgo représentent 39 %. Côté cinquante nuances d’euroscepticisme, Le Pen, Mélenchon, Zemmour, Lassalle, Roussel, Dupont-Aignan, Poutou et Artaud pèsent 60,97 %.

Le verdict est sans appel : avec plus de 60 % d’opposants au projet de Jacques Delors, la réconciliation aurait plutôt tendance à se faire contre sa personne et le projet européen qu’il porta des décennies durant. Et c’est encore oublier le référendum de Maastricht, en 1992, arraché d’une courte tête (51,04 %), alors que l’ensemble du microcosme médiatico-politique appelait à voter oui. Idem pour celui de Lisbonne, en 2005, où malgré la même mobilisation du « Système », le non l'emporta largement, avec 54,57 % de suffrages exprimés.

Mieux : à propos de « ponts lancés », ces derniers ne seraient-ils pas en train d’être coupés entre la Commission européenne et un nombre grandissant de nations rebelles, l’Angleterre au premier chef, avec son Brexit. Puis la montée des partis souverainistes, en Italie, aux Pays-Bas, en Suède, Danemark, Norvège et dans la majeure partie de l’Europe de l’Est, assez peu encline à l’idée de passer de la tyrannie communiste à la dictature européiste.

Jacques Delors, aussi bon architecte que Numérobis !

Comme toujours, Le Monde y va de son couplet. Jacques Delors « a joué les architectes pour façonner les contours de l’Europe contemporaine : mise en place du marché unique, signature des accords de Schengen, Acte unique européen, lancement du programme d’échanges étudiants Erasmus, réforme de la politique agricole commune, mise en chantier de l’Union économique et monétaire qui aboutira à la création de l’euro. » Bref, rien que des réussites dont les Français devraient se féliciter mais qu’ils n’en finissent plus de... bouder, mauvais coucheurs qu’ils sont. Jacques Delors, grand architecte de l’Europe ? Pas faux, mais un peu à la façon de son collègue Numérobis et ses immeubles montés de guingois, dans Astérix et Cléopâtre !

On remarquera que l’assistance conviée aux festivités était assez représentative de l’œuvre du grand homme : quatre technocrates, Charles Michel (président du Conseil), Ursula von der Leyen (présidente de la Commission européenne), Roberta Metsola (présidente du Parlement européen) et Christine Lagarde (présidente de la Banque centrale européenne). Pour les chefs d’État ? Deux intermittents du spectacle politique : le président allemand Frank-Walter Steinmeier et le Premier ministre belge Alexander de Groo. Pour que le carnet de bal affiche complet, ne manquait plus que le prince Albert de Monaco.

Il n’est pas sûr que ce banquet en forme de fête à neuneu soit suffisant pour réconcilier les Français avec l’idée européenne. Mais soyons justes avec Emmanuel Macron, qui se débrouille avec ce qu’il a et dont, en l'occurrence, on ne peut remettre en cause la sincérité idéologique. Comme l'a affirmé le député européen macroniste Stéphane Séjourné : « N’ayons aucune pudeur à revendiquer l'héritage de Jacques Delors ! » Mission accomplie, sans pudeur aucune.

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

43 commentaires

  1. Si Macron rêve et travaille pour sue sa personne devienne « Président de l’UE », c’est bien grâce à des Delors et Cie qu’il le doit.
    Delors a bradé la France à l’UE.

  2. Réconcilier l’Europe avec son avenir ? Quel sens a cette phrase ? En effet, comment réconcilier un individu d’avec un inconnu ? Car l’avenir est inconnue par nature. Le reste est clair comme du jus de chique réservé aux énarques de sa promotion. Décidemment cet homme parle trop.

  3. Même les fossoyeurs doivent un jour êtres enterrés. Celui-ci, fossoyeur des intérêts de la France, devrait l’être à Bruxelles, le lieu de ses méfaits.

  4. L’article effleure opportunément « l’idée européenne ».
    Le « en même temps » du Président actuel, contradictoire, reflète en fait l’impossibilité de la réalisation de « l’idée en question », qui joue avec les États-Nations sans oser en être un – et ne le sera jamais : Histoire oblige (cf. le Traité de Versailles « maçonnique » anglo-saxon contre Clemenceau et Foch, la fameuse « SDN » de 1920 à 1940, le projet chrétien-démocrate de l’après-guerre avec l’accord du Vatican, le socialisme français anticommuniste, etc…). « L’idée » n’est pas « socialiste », (Delors fut un artisan de la Nouvelle Société » de Chaban).
    Il faut remonter plus haut. La péninsule géographique européenne a connu des Royaumes (il reste encore), des Cités-États, des Républiques (la France jacobine, la Confédération suisse…), des Empires. Il va falloir choisir. Ou l’empire allemano-américain, tournée vers l’intérieur des terres et vers l’Est à l’image du passé. Ou, à l’image du Peuple britannique fort de sa mondialisation ancienne, une France ouverte vers l’ensemble du monde géopolitique actuel. On ne peut plus, en 2023 « Mourir pour Dantzig » …

  5. L’Européiste et Fédéraliste obsessionnel Jacques DELORS a été, de mon point de vue, une catastrophe pour la France!
    Héritier de Jean Monet, il a activement contribué à la perte de souveraineté de notre pays, à l’effacement de notre nation, à l’immigration massive avec Schengen, à la funeste création de l’Euro qui a favorisé indécemment l’Allemagne au détriment de la France en paupérisant les classes moyennes victimes de notre perte de compétitivité et de la désindustrialisation qui en a découlé!
    Et, pire que tout, il a commis la funeste erreur d’engendrer une fille, Martine Aubry, qui aura été une véritable catastrophe nationale …

  6. Delors un impuissant politique qui reculait devant une pendule qui avançait, son oeuvre est un désastre.

    • Je conseille à ceux qui possèdent le livre « changer » de delors, d’aller vers la page 170, vous comprendrez qui était ce triste sire !

  7. L’élève a dépassé le maître ! … Le « Fossoyeur-président-des-cercueils » a encore craché tout son venin et toute l’infamie qu’a la corde envers son pendu en disant : « je suis ton seul soutien ! … »

    FREXIT de cette « Fédération des Etats européens » que veut diriger ce coucou poli-tocard … Il a fait de la FRANCE un « HUNGER GAMES », tantôt « Orange mécanique » ou « Madmax » et veut mettre en place « Soleil vert » … Qui va stopper ce faiseur de navets qui coûtent un pognon de dingue dans la vraie vie ? ! …

  8. Philippe De Villiers dans son émission sur CNEWS, fait cette déclaration qui me ravi : « Macron se rêve en premier président des états unis d’Europe » Nous sommes nombreux à avoir perçu cette ambition démoniaque, au sens où elle entrainerait l’Europe dans un marasme bien plus terrible que celui de la France dans lequel il nous a plongé. Nouveauté cependant révélée du bien informé Philippe le patriote, c’est Der Layen elle même, qui en coulisse vends la mèche. Il y a le nez au milieu de la figure, l’eau qui mouille ou encore le feu qui brûle, mais aucun élément sur terre, aucune chose, n’est plus visible que l’ambition malsaine de celui qui s’estime un président utile. On à beau être comme moi parfaitement convaincu de l’action néfaste du pouvoir actuel sur notre nation, on ne peut s’empêcher d’être terrifié par cet arrivisme exclusivement stimulé par un destin personnel.

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