« On est chez nous », ou le désir de politique

Comme l'a expliqué Jean Messiha, la « refondation » du FN semble reposer sur un recentrage à partir de deux impératifs politiques : l’identité et la souveraineté.

L’un des slogans les plus entendus aux meetings de Marine Le Pen lors de la dernière élection présidentielle signifiait cette double aspiration à l’identité et à la souveraineté : « On est chez nous ! » Les nouveaux gardiens du bien furent prompts à y voir une forme de dangereuse « xénophobie » et d’impardonnable « repli sur soi », qu’ils condamnèrent sans scrupule. Pourtant, il se pourrait que ce slogan soit moins un symbole de repli identitaire et autres vilenies que la fierté de proclamer envers et contre tous la persistance d’un « nous », d’un peuple. En ce sens, ce qui est populiste correspondrait au refus d’une démocratie sans « dèmos » et à un désir de politique.

Pour comprendre le phénomène populiste, encore faut-il enlever les filtres idéologiques déformants qu’appliquent consciencieusement les bien-pensants dès lors qu’apparaît le terme « peuple » ou « populisme ». C’est ce que fait avec brio le philosophe politique Vincent Coussedière qui diagnostique, dans Le Retour du peuple, "une crise de l’être-ensemble social" contre laquelle naît le populisme, "protestation qu’un vieux peuple oppose à son anéantissement programmé".

Or, si nos élites sont si insensibles à cette protestation populiste, c’est que la dissolution du politique fait partie de leur projet, application exacte des dogmes libéraux. Comme le résume Marcel Gauchet dans Comprendre le malheur français, "les élites ne voient dans le politique qu’un obstacle archaïque à réduire au minimum ; mais les peuples y voient la protection suprême". Le peuple désire un retour du politique, conscient qu’il est son seul moyen de perdurer en tant que peuple, et non en tant que foule d’individus atomisés et soumis au marché. En réaction à cet individualisme se développe un autre phénomène antipolitique : le communautarisme, dont l’islamisme est la forme la plus extrême et active. Césaire résumait le problème ainsi : "Il y a deux manières de se perdre : par l’emmurement dans le particulier ou par dilution dans l’universel."

Face au risque de se perdre et à cette alternative impossible entre deux totalitarismes, il nous faut retrouver notre souveraineté politique, condition de notre (sur)vie en tant que peuple. Ce n’est pas à autre chose qu’appelle le jeune intellectuel, ancien veilleur et promoteur de l’écologie intégrale, Gaultier Bès dans Radicalisons-nous ! : "Dire qu’il y a un “nous” ne suffit évidemment pas. Cela ne résout bien sûr pas la question des fondements de ce “nous”, de ses origines et de son avenir, mais permet cependant de réaffirmer ce qui devrait être un postulat unanimement partagé, au-delà des divergences politiques, un pré-requis fondamental justement : il n’y a pas de démocratie sans projection d’un “nous”, pas de souveraineté politique sans sentiment d’appartenance."

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