« On veut la messe ! » : pensaient-ils réellement que cette interdiction allait passer comme une lettre à la Poste ?

On veut la messe

Ce gouvernement pensait-il réellement que cette nouvelle interdiction de la messe allait passer comme une lettre à la Poste ?

La protestation a commencé tout doucement, sans bruit - quels médias, en dehors de la cathosphère, pour l’évoquer ? -, avec de gros dossiers juridiques bien étayés dans le huis clos du Conseil d’État, appuyés par une pétition de - quand même ! - 100.000 personnes. Cela aurait pu s’arrêter là. On aurait pu reconnaître qu’il était, en effet, un peu fort de café d’autoriser les courses chez Leroy Merlin ou Castorama, les achats d'abat-jour ou d'interrupteurs muraux comme s'ils étaient vitaux, et d'interdire la messe dominicale. À quel moment a-t-on inscrit la liberté de bricoler dans la Constitution ? Depuis quand l’État n’est-il plus garant de la liberté de culte, au point de juger l'Eucharistie moins utile qu’un kit de tapissier ?

On aurait pu considérer, si peu de temps après l’attentat de Nice, cette mesure arbitraire assez mal venue.

On aurait pu, surtout, anticiper que ces familles, cette jeunesse que l’on a vue se lever en France pour la Manif pour tous ou pour la Marche pour la vie, n’allaient pas rester, le dimanche, en pantoufles devant Netflix avec un saladier de chips sur les genoux toute la sainte journée.

Mais non. Le Président, les ministres, le Conseil d'État n'ont rien vu de tout ça.

À Nantes, dimanche matin, puis à Versailles, dimanche soir, ils sont venus demander la messe sur le parvis de la cathédrale. À Versailles, les trois étudiants qui avaient initié le mouvement en sont encore éberlués. Par effet boule de neige, ils se sont retrouvés près d’un millier. Masqués, tranquilles - pas un seul incident n’a émaillé la soirée - mais déterminés… à revenir. Et à revenir encore et encore si besoin.

Présente à cette manifestation, j’ai mis sur les réseaux sociaux une petite vidéo d’une trentaine de secondes. Elle a été vue, en moins de 24 heures, sur Twitter, près de 300.000 fois. Avec des « J'aime » déposés depuis la Pologne, le Brésil, l’Espagne, l’Allemagne, les États-Unis…

Il y a aussi des insultes, bien sûr, et des commentaires aigres. Un certain Philippe Cavat, « animateur » (sic) de LREM à Versailles, les traite « d’irresponsables » - en quoi serait-il plus dangereux d’être là en plein air que dans les rayons étroits d’un supermarché ? -, « unis par la haine du progressisme » (sic). Cela en dit long sur l’amour immodéré de ce parti pour la liberté de culte et le droit de manifester…

Et parce que la fête ne saurait être tout à fait complète sans le grain de sel de France Inter, l’ineffable Guillaume Meurice est venu, faussement naïf, s’interroger : « C’est pas interdit les prières de rue ? » Parce que Guillaume Meurice ignore sans doute que lorsque des catholiques se rassemblent pour manifester, ils ne crient pas « Tout le monde déteste la police », comme ses amis antifas, ils ne mettent pas non plus la tête de Macron au bout d’une pique - pratique pour eux de sinistre mémoire -, ne brûlent pas les voitures, ne brisent pas les vitrines, ne taguent pas ACAB sur les murs. Ils passent le temps en chantant leur répertoire commun : des cantiques.

 

Et tout cela pourrait faire tâche d’huile. On apprend, ce soir, qu’un rassemblement « Nous voulons la messe » est prévu vendredi, à 18 h 30, devant Notre-Dame de Paris. D’autres, dit-on, s’organiseraient encore ailleurs.

Il est de bon ton, à droite - on le lit, du reste, souvent sur Boulevard Voltaire -, de railler les « cathos » : un peu cucul, un peu naïfs, un peu mous du genou, un peu ravis de la crèche, un peu gnangnan et même, sur la foi d’un sondage de La Croix, « votant Macron ».

Et pourtant. Il ne faudrait pas forcément prendre tous ces doux agneaux pour des moutons (de Panurge). Disciplinés, motivés, organisés en réseaux souvent informels, ils savent se mobiliser durablement, très rapidement, et avec un message clair. Doit-on le préciser ? Aucune chance qu'ils se fassent infiltrer par les Black Blocs. Sauf à imaginer que ces derniers aient déjà commencé à s'exercer à la récitation du chapelet.

Je l’ai déjà écrit, je crois : cette France a un moteur diesel, lent au démarrage, mais quand il est lancé…

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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