Oublions Melville et Visconti : une autre filmographie d’Alain Delon

Alain Delon Seins de glace

Alain Delon vient de nous quitter et l'on entend toujours les mêmes poncifs journalistiques : Luchino Visconti et Jean-Pierre Melville. Le premier avait réduit le défunt à une sorte d’emblème homo-érotique et le second à une figure emblématique à peu près aussi expressive que sa statue du musée Grévin. Alain Delon méritait mieux que ça. La preuve par dix films de Delon, pas les plus connus, mais les plus emblématiques. Dix films à voir et revoir.

• 1963 : Mélodie en sous-sol, d’Henri Verneuil

Le maître Verneuil se surpasse en signant « le » film de casse. Les Américains de Ocean’s Eleven, avec Brad Pitt et George Clooney, tenteront en vain de retrouver la même grâce. La scène finale de la piscine, quand les billets volés remontent à la surface est l’un des plus beaux moments de suspense sur grand écran. En petit voyou, Alain Delon est parfait.

• 1966 : Les Centurions, de Mark Robson

Peut-être l’un des films les plus intelligents sur la guerre d’Algérie : Maurice Ronet en soldat perdu de l’OAS, Claudia Cardinale en terroriste du FLN. Et le soldat Delon, légaliste. Bref, chacun a ses raisons. Le tout a causé un grand scandale à l’époque, réussissant l’exploit de se mettre à peu près tout le monde à dos. Bon signe.

• 1969 : Le Clan des Siciliens, d’Henri Verneuil

Après Mélodie en sous-sol, Alain Delon retrouve Jean Gabin dans ce maître étalon du polar à la française. Le scénario est ficelé à l’ancienne. Finaud, Henri Verneuil oublie l’icône Delon pour en faire un protagoniste comme les autres. À savourer.

• 1972 : Traitement de choc, d’Alain Jessua

Alain Jessua est l’un des grands oubliés du cinéma français. Dommage, car avec ce thriller, il signe une œuvre visionnaire. Une clinique de luxe, tenue par un Delon aux airs méphistophéliques, promet à de riches patients de retrouver une sorte de jeunesse éternelle. Mais à quel prix ? Qui a dit que le cinéma d’auteur était immanquablement soporifique ? Des gens qui n’ont pas vu ce film, assurément.

• 1973 : Big Guns, de Duccio Tessari

Après la guignolerie surestimée de Borsalino, tournée en 1970 par le tâcheron Jacques Deray – La Piscine, le nanar porno-soft, c’était lui –, Alain Delon revient au film mafieux. Aux commandes, l’immense Duccio Tessari. Résultat ? Un film tourné à l’os, d’une violence inouïe, dans lequel Alain ne fait pas du Delon. Dieu que cet homme était un acteur hors pair lorsque bien dirigé.

• 1973 : Scorpio, de Michael Winner

La carrière anglo-saxonne d’Alain Delon n’a jamais été véritablement concluante, à en juger par ses deux grotesques westerns, Texas nous voilà (1966), de Michael Gordon, et Soleil rouge (1971), de Terence Young. Pourtant, en 1973, Michael Winner, l’homme qui vient, la même année, de signer Le Justicier dans la ville, avec Charles Bronson, lui offre de partager l’affiche avec l’immense Burt Lancaster, dans cette histoire d’un jeune tueur à gages chargé d’éliminer son mentor devenu trop vieux. Encore un bijou oublié…

• 1974 : Les Seins de glace, de Georges Lautner

Quand le metteur en scène des Tontons flingueurs donne dans le film sérieux, attention, c’est du… sérieux ! D’où ce film tortueux où Alain Delon veille sur son épouse aux pulsions meurtrières, la belle Mireille Darc. Empruntant aux codes du giallo italien, équivalent transalpin de notre polar hexagonal, ce film demeure aussi glaçant que son titre le laisse supposer.

• 1976 : Armaguedon, d’Alain Jessua

Alain Jessua est de retour dans cette fable prophétique mettant en scène un Jean Yanne, issu de la France d’en bas et prêt à tous les crimes pour enfin pouvoir se faire entendre. Il veut la paix entre les hommes, quitte à massacrer son prochain. Alain Delon est légèrement en retrait, supplanté par un Michel Duchaussoy en état de grâce. Au final, un film comme on n’en fait plus, ou comme on n’ose plus en faire.

• 1977 : Mort d’un pourri, de Georges Lautner

Attention, chef-d’œuvre ! Peut-être le meilleur film de Georges Lautner et l’un des meilleurs d’Alain Delon, sur fond de corruption généralisée et d’affairisme pompidolo-giscardien. Sa tirade sur la politique est, depuis, entrée au panthéon du septième art : « Certains élus du peuple vont connaître une petite traversée du désert… Au pas de course, rassure-toi. Quand ils reviendront, ils se seront fait le masque républicain, comme les vieilles putes se font retendre les fesses. »

• 1978 : Attention, les enfants regardent, de Serge Leroy

Serge Leroy, cinéaste atypique auquel on doit l’excellent Légitime Violence (1982), est le dernier grand film de notre homme, avant sa période « le choc de la parole d’un flic qui dort ». Ou comment trois gosses de famille laissent leur nourrice se noyer parce qu’ils la jugent trop sévère pour, ensuite, maquiller le drame en simple accident. Survient un truand en cavale, Delon. Mais qui, lui aussi, ne fera pas de vieux os. L’innocence enfantine ?  N’exagérons rien, Alain !

Nicolas Gauthier
Nicolas Gauthier
Journaliste à BV, écrivain

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Pour le film « La Piscine », je vous trouve injuste. En effet, classer ce film dans la catégorie « soft porno » ne correspond en rien à la réalité. S’il y a de l’érotisme, surtout entre deux acteurs avec une authentique complicité charnelle, c’est du grand art, suggestif et pudique malgré tout. L’un de mes films préférés de Delon avec Plein Soleil. Revu hier soir Mélodie en Sous-Sol, ce qui permet de dire que Delon était aussi un excellent sportif, qui assumait à fond ses rôles physiques. Un acteur complet. Parfait.

  2. Votre liste de films qui ne seraient pas choisis en priorité me fait penser aux faces B de certains disques bien plus interessantes que les tubes de la face 1.
    A revoir donc, je fais confiance au cinéphile !

  3. Tous ces films ne sont malheureusement que des souvenirs du beau, du grand avec du sentiment. Aujourd’hui nous n’avons plus que des films de politique, sex et violence. Pauvre cinéma!

  4. « Le premier (Visconti) avait réduit le défunt à une sorte d’emblème homo-érotique » Très injuste ! : Rocco et ses frères suffit à en apporter la preuve. « Le second (Melville) à une figure emblématique à peu près aussi expressive que sa statue du musée Grévin. Que faut il comprendre ? Tout ceci ne retire rien de l’excellence des films des autres réalisateurs cités par ailleurs dans cet article

  5. Autre film peu cité : Les granges brûlées où Alain Delon jouait avec Simone Signoret , il faisait le rôle d ‘un juge d ‘instruction…pas mal du tout !!

    • Je suis de votre avis. Pour moi, c’est son meilleur film, dans la mesure où les histoires de mafias et de bandits ne me séduisent pas vraiment !

  6. « Certains élus du peuple vont connaître une petite traversée du désert… Au pas de course, rassure-toi. Quand ils reviendront, ils se seront fait le masque républicain, comme les vieilles putes se font retendre les fesses. » Cette réplique tirée de « la mort d’un pourri » pourrait parfaitement s’appliquer à certains gauchistes qui crachent aujourd’hui sur le grand Alain Delon. Lui au moins, c’était un homme qui n’a jamais renié ni ses conviction ni ses amitiés pour un plat de lentilles. Ceux qui lui crachent dessus aujourd’hui sont ceux qu’il décrivait lui même comme ces gens qui, lorsqu’ils rentrent dans une maison, ne regardent ni l’ameublement ni le décors, mais foncent aux toilettes pour voir s’ils ne pourraient pas y trouver un peu de la merde dans laquelle ils se complaisent…

  7. Effectivement, Delon avait l’air autant à sa place dans Soleil Rouge que John Wayne l’eût été
    dans La femme du boulanger.

  8. Très bon article sur la filmographie de Delon . Effectivement ces films évoqués sont autant de succès du 7eme art car cet acteur était un vrai caméléon pouvant s’adapter à toit les scénarios. La preuve  » Ave moi » dans Astérix.

  9. Merci Nicolas de nous proposer autre chose que les poncifs ressassés et pas forcément les plus emblématiques de ce que fut Delon.
    On pourrait ajouter « le cercle rouge » !

    • Vous avez raison, on parle très peu de ce très beau film « le cercle rouge » , de plus dernier film, je crois, de Bourvil

  10. Excellent article qui rappelle que cet homme avait du talent et un palmarès impressionnant , gauliste , de droite , blanc et séducteur tout ce qui enrage ces gauchos .

    • Vous vous rendez compte ; un homme blanc, hetero et de droite… et qui l’assume. Pouah, Quelle horreur pour les gauchos qui, comme les limaces ne se déplacent qu’en laissant une trace visqueuse derrière elles…

Commentaires fermés.

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