Panique à bord : deux sénateurs éreintent la gestion de Le Maire et Borne

Capture d'écran Sénat
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On connait la morgue avec laquelle la Macronie traite ses opposants depuis la campagne de 2017, notamment sur le thème de l’économie. Lors des débats présidentiels, Macron, génie de la finance, terrassait d’un air supérieur une Marine Le Pen jugée au mieux « insuffisante », au pire « nulle » en économie par les partisans de l’ancien banquier d’affaires. On allait voir ce qu’on allait voir. On a vu. Deux sénateurs, Claude Raynal (socialiste), président de la Commission des finances, et Jean-François Husson (LR), rapporteur général, présentaient ce 19 novembre devant la presse les résultats des travaux de leur mission d’information sur la « dégradation des finances publiques : entre pari et déni ». Le propos a défrisé les intéressés. Dans une conférence de presse improvisée ce mardi soir, les incriminés s’étranglent d’indignation : « Ce n’est pas un rapport, c’est un réquisitoire d’opposants politiques, truffé de mensonges, d’approximations et d’affirmations spécieuses », réplique l’ex-ministre de l’Economie, Bruno Le Maire. Elisabeth Borne parle « d’attaques indignes qui reposent sur des allégations qui sont irréalistes et mensongères ». Bien-sûr !

On se souvient de ce déficit record pour 2023 à hauteur de 5,5% du PIB français. Un chiffre sorti par voie de presse, le 20 mars 2024, surgi des profondeurs de l’état comme un pigeon d’un chapeau, à la (mauvaise) surprise générale. Après six ans le concert dissonant, le Mozart de la finance vidait la caisse.

Volonté de tromper

Cette équipe si sûre d’elle-même, élue par tout ce que la France compte de cadres dirigeants proprets, d’universitaires délicats supérieurement intelligents et de retraités craintifs habitant les grandes villes, peut se prévaloir d’une gestion brillante : « Le déficit public entre 2017 et 2023 connaît une augmentation massive, passant de 3,4 % (et même 2,3 % en 2018) à 5,5 % du PIB, et, en milliards d’euros, de 77 à 154 milliards d’euros, soit un doublement », constatent les deux sénateurs. Le Covid n’explique pas tout, loin s’en faut !

Où sont ces incroyables voies d’eau ? Sur la base des chiffres de l’INSEE, les auteurs ont comparé le déficit des principales administrations en 2017 et en 2023. Résultat, « cette évolution est essentiellement le fait du budget de l’État et de ses opérateurs, dont le déficit est passé dans cette période de 3,6% à 5,6 % du PIB », expliquent Claude Raynal et Jean-François Husson.

Il y a pire. Ces chiffres dramatiques relèvent d’une volonté de tromper, estiment les sénateurs. Pas moins de 5,3 milliards de dépenses étatiques ont ainsi subrepticement glissé d’un exercice à l’autre : hop, cadeau de bienvenue à l’équipe Barnier ! Ces messieurs de la Macronie sont trop bons.

Résultat de cet enfumage : « Il s’agit là d’un bien mauvais calcul, puisqu’il porte atteinte à la crédibilité de la France et de son Gouvernement, accusent les deux auteurs. Il a finalement abouti à la dégradation de la notation de la France par Standard & Poor’s le 31 mai 2024, largement justifiée par le dérapage budgétaire de l’exercice 2023 ».

« Nous avons collectivement anticipé ! »

Prévenu que le déficit s’alourdissait, le gouvernement a consciencieusement mis les notes de ses fonctionnaires sous le tapis, accuse ce rapport. « Cette absence d’actualisation a privé les parlementaires des informations dont le Gouvernement disposait sur la réalité de la situation budgétaire du pays. » Manipulation des médias, des parlementaires et des Français… Interrogé par la même mission d’information, Bruno Le Maire s’en était expliqué avec légèreté : « Il m’appartient de prendre des décisions politiques, lançait Le Maire. Or, afficher un objectif de croissance est également une décision politique : mon rôle consiste à fixer une ambition, pas simplement une évaluation ». Ah bon ? Réponse logique des deux sénateurs : « Les taux de croissance encadrant le budget sont pourtant systématiquement présentés comme des prévisions, jamais comme des objectifs. »

Lors de leurs auditions, Bruno Le Maire, Gabriel Attal ou Elisabeth Borne, pris la main dans le sac, nient, contredisent leurs propres notes et varient sur le même air : « C’est pas moi, c’est l’autre ». « Nous avons collectivement anticipé, réagi vite, fort, contre toutes les oppositions, notamment les groupes LR et PS qui continuaient de proposer des dépenses supplémentaires », clame Le Maire. Heureusement qu’ils sont là !

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

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