Parce que Vincent Lambert vous fait réagir…

Vincent Lambert

Chers lecteurs de Boulevard Voltaire,

Vous avez été nombreux à réagir suite aux différentes contributions concernant le sort de Vincent Lambert. Devant les paroles de son avocat, d’une contributrice et de Jean-Marie Le Méné, nombreux avez-vous été à vous émouvoir du sort de Vincent Lambert, emprisonné depuis si longtemps dans un état pauci-relationnel. Vous avez été nombreux à protester contre ce que certains appellent un "acharnement thérapeutique". Vous avez été nombreux à demander à ce que Vincent Lambert puisse enfin quitter cette vie, une vie limitée, une vie condamnée au silence et à l’immobilité. Une vie que personne ici ne saurait envier.

Or, Vincent Lambert est vivant. Vincent Lambert n’est pas malade. Il ne souffre d’aucune pathologie et ne nécessite aucun soin particulier. Il n’a besoin que de nourriture et d’hydratation. Vincent Lambert est handicapé. Il n’est pas malade. Personne ne sait s’il souffre.

Personne ne sait. C’est bien là que réside toute la problématique. Personne ne connaissait la volonté de Vincent Lambert avant ce tragique accident. Ni ses parents qui se battent pour sa survie. Ni sa femme et son neveu qui souhaitent sa mort. Car oui, ils souhaitent sa mort. Fusse-t-elle enrobée des meilleurs sentiments dont nous ne saurons mettre en doute la véracité. Oui, dans certains cas, souhaiter la mort de quelqu’un appartient davantage au champ lexical de la délivrance qu’à celui du morbide. Mais, au bout du chemin, ce sera bel et bien la mort qui attendra Vincent Lambert mais aussi vous et moi.

Alors, d’après bon nombre d’entre nous, il serait plus humain de le faire partir. Mais est-ce ce qu’aurait souhaité Vincent Lambert ? Nous n’en savons rien. Aucun médecin, aucun proche, aucun avocat, aucune cour internationale ne le sait. Personne ne connait les volontés de Vincent Lambert. Mais nous croyons qu’aucune vie n’a plus d’importance qu’une autre. Aucune vie n’est moins digne d’être vécue qu’une autre. Les réactions emphatiques disant « qu’à sa place, nous préférerions mourir que de vivre cela » n’appartiennent qu’à nous. Elles n’appartiennent ni à Vincent, ni à ses parents, ni à son épouse.

C’est à la place que nous accordons aux plus faibles et aux plus petits que l’on reconnait la grandeur d’une civilisation. Jean Vanier, fondateur de l’Arche, qui nous a quitté ce 7 mai ne s’y est jamais trompé : « Toute personne est une histoire sacrée ».

On pourrait vous citer des histoires de personnes émergeant du coma sans raison après des années, on pourrait vous parler du scandaleux business suisse autour de l’euthanasie ou encore des dérives euthanasiques en Belgique (merveilleux pays dont 40 % des sondés se prononcent pour l’arrêt du financement des soins vitaux pour les personnes de plus de 85 ans). Ce sont ces dérives-là qui attendent, tapies derrière la porte qu’ouvrira immanquablement la condamnation à mort de Vincent Lambert.

Mais c’est bien là que réside le problème. Doit-on confier la nature de notre mort au politique ? Doit-on suspendre le départ de nos séniors, de nos enfants, de nos conjoints à un appareil judiciaire aveugle ? Cécité qui fait sa force mais dans ce cas précis sa plus grande faiblesse, car inhumaine par nature. Doit-on donc confier ce moment qui nous fait toucher au plus près notre condition humaine à une institution inhumaine ? Nous ne le pensons pas.

Un homme politique béarnais, connu pour son franc-parler, m’a dit ceci en son fief de Lourdios-Ischères à l’été 2018 lorsque je lui ai demandé s’il était favorable ou non à l’euthanasie : «Je pourrai vous parler d’un enfant qui a vu son grand-père mourir dans sa maison et qui a vu l’agonie de près. C’est bien pour cela que je considère que le politique ne doit surtout pas se mêler de cette question ». En filigrane : la mort est trop humaine pour se laisser encadrer par le politique.

C’est pourquoi nous avons donné la parole à ceux qui veulent que Vincent Lambert vive. Ils n’agissent ni par « intégrisme religieux », ni par aveuglement idéologique. Mais bien parce que chaque vie compte, que nous n’avons pas le droit de considérer telle ou telle vie indigne et parce que nous savons que derrière Vincent Lambert plane la menace d’une jurisprudence qui ne sera qu’un coup supplémentaire porté à notre civilisation.

Marc Eynaud
Marc Eynaud
Journaliste à BV

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