Paris, enfer du crack
3 minutes de lecture
Ils sont rigolos, nos journalistes bon teint. Je parle de ceux qui fréquentent le bassin de la Villette aux beaux jours, vont au cinéma quai de la Loire avant de pique-niquer au bord de l’eau. Ceux du Paris jojo, Paris bobo…
Alors, quand les riverains d’à côté, excédés par les toxicos qui hurlent sous leurs fenêtres, tirent dans le tas au mortier d’artifice, ces journalistes très propres sur eux dénoncent « des violences de la part d’habitants » (France Info). Une honte.
Les tirs, c’était dans la nuit du 1er au 2 mai, sur la place Stalingrad. On est, là, dans le très populaire nord-est de Paris, à deux pas de la place Jean-Jaurès, au bout du bassin de la Villette. L’une est dans le XVIIIe arrondissement, l’autre dans le XIXe. La chose a son importance.
Un peu plus au nord, en poussant vers le périphérique, on trouve l’éternel campement de migrants qui se reconstitue après chaque évacuation, et la colline du crack, sa voisine. Et devinez quoi ? Ils n’en peuvent plus, les riverains, de la chienlit mortifère et du baratin des politiques avec leurs plans ruineux.
Ainsi, le « plan crack », daté du 27 mai 2019. Deux ans pile. Le titre dans la presse d’alors : « Face au fléau du crack dans le nord-est de la capitale, la Ville et la préfecture de police veulent mettre en place un nouveau plan afin de mieux accompagner les usagers. » Coût : trois millions d’euros. Après celui d’octobre 2018, Anne Hidalgo annonçant alors le déblocage d'un million d’euros pour « assurer la prise en charge des toxicomanes ».
Et donc ? Et donc, aujourd’hui, 10 mai 2021, après les tirs de mortier des riverains à bout, un nouveau « comité de pilotage du plan crack » se réunit. Les idées fusent. Ainsi Mounir Mahjoubi, ex secrétaire d’État chargé du Numérique, député du XIXe, propose d’installer sur la place des Invalides un centre « temporaire pensé et dimensionné pour la prise en charge des personnes addictes au crack ». Les toxicos y seraient transférés de Stalingrad par la police. Ça ne plaît pas du tout à Anne Souyris, adjointe à la Santé d’Anne Hidalgo, qui dénonce une « position not in my backyard, pas chez moi ».
Et là, voyez-vous, je rigole. Il se trouve que j’ai habité quarante ans cet arrondissement, plus haut, aux Buttes-Chaumont, et je peux dire que l’implantation des toxicomanes autour du bassin de la Villette date des années 1990, alors le « pas chez moi »…
Les premiers à se défoncer – à l’alcool – étaient les migrants venant des pays de l’Est qui squattaient les arcades autour de la rotonde de Ledoux. Les fumeurs de crack les ont rejoints à mesure que s’installaient les campements sous le métro aérien et les bords du canal Saint-Martin. Pendant des décennies, on s’est contenté de promener les camés de Jaurès à Stalingrad. On les changeait d’arrondissement. Déjà, le soir, on évitait de s’arrêter aux feux sur le boulevard de la Villette.
La réponse de Mme Souyris à la proposition, certes absurde, de Mounir Mahjoubi est d’une totale indécence. Comme celle des députés de LFI, Obono en tête, qui proposent de multiplier les salles de shoot et de les doter d’un million d’euros chacune pour « favoriser le parcours de soins » des toxicomanes et « renforcer les capacités d'hébergement et d'espaces de repos ».
L’étude d’impact sur la salle de shoot de la gare du Nord, près de l’hôpital Lariboisière, sera rendue en 2022. Les politiques trouvent ça merveilleux, les voisins nettement moins : « C'est déjà un quartier compliqué avec le marché de la misère rue Patin, Barbès et la Goutte d'Or. […] Tous les jours, on trouve des seringues, des kits ou des traces de sang sur des rebords de fenêtres. Il y a des maraudes de ramassage, mais pas tout le temps. Les sorties du parking ont toutes été grillagées depuis deux ans parce que des gens se shootaient dans les escaliers. »
Sympa, la vie parisienne, non ?