Paris : les reliques des JO, plus précieuses que les vitraux de Notre Dame ?

© Samuel Martin
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Après la fête, adieu le saint. L’adage ne vaut pas pour les Jeux Olympiques, au vu des vœux, sinon des injonctions, d’en conserver les signes les plus emblématiques. Anneaux, vasque, statues… Anne Hidalgo et Emmanuel Macron voudraient tout sauvegarder. Mais pourquoi cet attachement à un patrimoine de fraîche date et de qualité douteuse ?

Dans l’inimitable style d’Amélie Oudéa-Castéra, cela donne : « On serait tous orphelins si on voyait la tour Eiffel sans ses anneaux ». Ils sont trop lourds pour la structure mais Hidalgo y tient tellement qu’elle a la solution, les décrocher et les remplacer par de plus légers. L'Association des descendants de Gustave Eiffel est opposée à cette « pérennisation », mais Hidalgo n'en a cure, tout comme Macron, favorable à leur maintien.

Concernant la vasque qui a porté la flame olympique sous un ballon dans le ciel parisien, des discussions sont en cours entre la ville, la région et l’État. L’immobilisera-t-on au sol, définitivement éteinte, comme un gros ovni en panne dans les jardins du Louvre ? Rencontre du Troisième type avec les sculptures de Maillol… Le cheval de la cérémonie d’ouverture part à Versailles rejoindre l’exposition « Cheval en majesté - Au cœur d’une civilisation ». Il n’y manquera plus qu’un cheval de manège pour que notre civilisation en sorte grandie. Tout se recycle.

La survie de dix femmes Porte de la Chapelle

© Samuel Martin

Tout cela n’est rien en comparaison du destin qui attend les dix femmes imitation or. Ces statues de squares IIIe République en version bling-bling semblent avoir été imaginées et sculptées par une Intelligence artificielle. Elles font halte à l’Assemblée nationale avant une installation définitive Porte de la Chapelle. Problème : comment tiendront dans le temps ces grands bibelots en résine polymère durcie à la fibre de verre ? Le chef de projet de CMDS Factory (Pas-de-Calais), l’un des fabricants de ces merveilles, explique à BV : « Des études vont être faites pour connaître leur résistance en fonction de l’emplacement où elles seront posées. »

Il était prévu que les statues soient, après la cérémonie, exposées dans des lieux privés. Le contexte public change la donne. « Là, nous dit le spécialiste, la durabilité dans le temps n’est pas liée à la matière utilisée mais aux conditions humaines et d’interaction avec les statues ». C’est-à-dire ? Elles pourraient être vandalisées ? « Bah ! C’est Paris ! », nous répond le chef de projet. La durée de survie de ces dix féministes Porte de la Chapelle, ancien haut lieu du crack, sera intéressante à observer.

« La durabilité dans le temps n’est pas lié à la matière utilisée mais aux conditions humaines et d’interaction avec les statues »

Entrées royales et patrimoine républicain

Les « entrées royales », lorsqu’un souverain arrivait dans une ville, s’accompagnaient de décors tels que des arcs de triomphe, qui faisaient travailler les corporations de peintres et d’artisans. « La ville se met[tait] à l’heure de la fête à la manière des villes modernes, hôtesses des Jeux olympiques », note un historien. Personne n’a jamais pensé conserver ces décors, par définition éphémères. Mais là, il faudrait tout immortaliser des JO, en protéger « la trace mémorielle » ? Curieuse sollicitude alors que Macron n’a de cesse de remplacer des vitraux de Viollet le Duc par une création contemporaine. Peu lui chaut - comme à Dati - l’avis de la Commission nationale du Patrimoine et de l’Architecture. Il serait intéressant de connaître l’opinion d’Hidalgo sur cette question. Contactée, la Ville de Paris n’a pas donné suite.

Il en va de Macron comme d'Hidalgo : ils ne sont conservateurs que « pour leur pomme ». Tout est jetable sauf ce dont ils sont à l'origine, qu'ils décrètent indéboulonnable. C'est le fait du prince et de la princesse. A nous de faire jouer la vox populi : la pétition contre la substitution de vitraux de Notre-Dame, lancée par Didier Rykner et La Tribune de l’art, en est à 223.300 signataires. Rappelons à nos élites qu’elles sont au service du patrimoine, et non l’inverse.

Samuel Martin
Samuel Martin
Journaliste

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