Paris : une oeuvre contemporaine à Saint-Eustache, Saint Paul en survêtement !

Par Nitot — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https-:commons.wikimedia.org:w:index.php?curid=3676494
Par Nitot — Travail personnel, CC BY-SA 4.0, https-:commons.wikimedia.org:w:index.php?curid=3676494

C’est la peur, toujours, de ne pas prendre à temps le train de la modernité. En l’occurrence une modernité totalement éculée qui puise sa source dans l’urinoir de Marcel Duchamp et l’invention du ready made en… 1917 ! Désespérée de n’avoir pas sauté à temps dans le bidet, l’Eglise s’applique, depuis quelques décennies, à se désacraliser en faisant de ses lieux de culte les temples de l’art conceptuel. L'église Saint-Eustache (Paris) nous en donne une nouvelle preuve...

A deux pas de la Bourse de Commerce qui abrite aujourd’hui la collection Pinault et de ce temple mercantile qu’est le forum des Halles, cette église se veut depuis longtemps à la proue de la modernité : il ne sera pas dit que l’Eglise est ringarde. Au contraire, elle entend faire pendant à son voisin en portant haut le flambeau de l’art contemporain.

C’est ainsi qu’on peut voir, dans la Chapelle Saint-Vincent de Paul, un triptyque en bronze et patine d’or blanc de l’artiste américain Keith Haring intitulé « La vie du Christ ». On y « reconnaît son style naïf et l’humour qui animent la composition », admire le site Internet de cette emblématique paroisse parisienne. Vous croyez ne pas le connaître ? Je vous assure que si. Ses petits bonhommes minimalistes et ses vermicelles de traits noirs ornent les cahiers, les trousses ou les sacs à dos de vos enfants. Alors offrir son œuvre comme support de prière, c’est un peu comme demander à Ben d’écrire des commentaires sous chaque station du Chemin de Croix.

N’y cherchez pas Dieu, il est parti voir ailleurs

Il y avait aussi une œuvre sympathique de Raymond Masson, intitulée « Le départ des fruits et légumes du cœur de Paris », exposée dans la chapelle des pèlerins d’Emmaüs. Elle est en restauration. N’y cherchez pas Dieu, il est lui aussi parti à Rungis.

Donc, lancée dans son entreprise de modernisation de la pastorale, Saint-Eustache vient de s’offrir deux nouvelles œuvres « revisitant le thème de la conversion de Saint-Paul ». Installées dans les vestibules tout juste restaurés, elles sont signées Dhewadi Hadjab. Pauvre Saint Paul en survêt à trois bandes… Comme l’écrit fort justement un dénommé PJG sur X : « Ici, on ne voit pas la conversion de Saint Paul mais les derniers achats de Kevin et Mathéo chez Sport 2000 ! »

Voilà qui laisse pour le moins perplexe. Alors, on se demande, bien sûr, ce qui est arrivé à cette église pour qu’elle veuille ainsi devenir la fille puinée de l’art contemporain.

 

Clergé tétanisé

Car, comme disait Jacques Chancel, « Et dieu dans tout ça » ? Dieu ? Il y a longtemps qu’il est aux abonnés absents. Comme à Issoire (Puy-de-Dôme) où l’abbatiale Saint-Austremoine échappa de peu au sacrilège. C’était dans le cadre des festivités du passage à l’an 2000. François Bouillon, artiste alors très en cour auprès de la Mairie de Paris via l’association Art, Culture et Foi (sic), devait procéder à une installation. Il devait « poser un étron doré sur chaque pointe de l'ombre portée de l'édifice », très exactement à 15 heures le Vendredi saint, heure où le Christ rendit l’âme. Présentée en 1998 dans le cadre de l’exposition « Être Tas » (sur le thème de l'étron), qui avait alors lieu à Issoire, l'installation était financée et soutenue par le ministère de la Culture, la région, le département, la municipalité et une association de soutien à l'art contemporain. L’entreprise ne capota que « en raison de pressions discrètes d'élus alertés par un public désapprobateur ». Tétanisé, le clergé n’avait pas osé s’opposer.

On peut hélas multiplier les exemples, et le Piss Christ (un crucifix immergé dans l’urine de l’artiste) n’en fut qu’un épisode plus retentissant que les autres. Une œuvre sur laquelle le magazine Beaux-Arts titrait, en 2019 : « Le “Piss Christ” d’Andres Serrano, martyr de l’intégrisme ».

Une fois de plus, dans un retournement propre à notre époque, c’est l’art contemporain qui est devenu sacré, intouchable. Un renversement qui s’est accompli avec la complicité de l’Eglise, devenue le refuge de cet art conceptuel à mesure que le public s’en éloigne et dont la critique est désormais considérée comme un blasphème.

Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

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