Parité à tous les étages, aux municipales : progrès de la démocratie. Vraiment ?

Comme si la loi, d’un coup de baguette magique, pouvait tout régler.
MAIRE

Lundi, les députés ont voté la proposition de loi (PPL), déjà votée au Sénat, instituant la stricte parité des listes aux élections municipales, et ce, dès 2026. Aussitôt, Yaël Braun-Pivet se fend d’un message, sur X, qui résonne comme un communiqué de la Grande Armée ou du grand quartier-général durant la Grande Guerre : « On l’a fait ! La parité devient une réalité dans toutes les communes de France. À toutes les femmes : vous avez désormais toute votre place dans la vie politique locale. Prenez-la. »

 

Où sont les femmes ?

Pourtant, ce n’est pas un triomphe romain : 206 députés ont voté pour, 181 contre. Est-ce à dire que l’Assemblée nationale compte 181 machos et sexistes de la dernière espèce (dont des femmes !). Évidemment, non. Car cette réforme, sans doute louable dans ses objectifs, n’est pas sans soulever des réticences et des objections, même si l’Association des maires ruraux y est favorable. Du reste, la présidente de l’Assemblée nationale s’emballe peut-être un peu vite en déclarant que « la parité devient une réalité ». Comme si la loi, d’un coup de baguette magique, pouvait tout régler. Un communiqué des plus féministes – Mme Braun-Pivet est une féministe convaincue – qui pourrait d’ailleurs laisser accroire que, jusqu’à maintenant, les femmes n’avaient pas leur place dans la vie politique locale. Rien, en effet, n’a jamais empêché légalement jusqu’à ce jour que dans une commune de moins de mille habitants, une liste composée exclusivement de femmes se présente au suffrage des électeurs. « Une réalité » qui veut faire fi de « la réalité ». Lundi soir, au JT de TF1, un journaliste recueille dans une petite commune la réaction de plusieurs personnes sur cette loi, globalement la bienvenue. « Une bonne chose », dit en l’espèce, une femme. « Vous vous présenteriez ? », lui demande alors le journaliste. « Moi, non », répond la dame. Tout est dit.

Fin du panachage

Une parité à tous les étages, donc, qui oblige à mettre fin à une tradition vieille de 140 ans : le « panachage », qui sentait bon la campagne et permettait, dans ces communes de moins de mille habitants, de rayer des noms sur une liste afin de vraiment choisir nominativement leurs élus. Scrutin de liste obligatoire dans toutes les communes. Quand on sait que beaucoup de petites communes ont un mal de chien à trouver le nombre de volontaires pour se présenter aux municipales, on voit mal comment elles pourront aligner sur la ligne de départ plusieurs listes. C'est ce que fait remarquer le député RN de l’Oise Michel Guinot : « Et si vous supprimez le panachage des candidats isolés, comment voulez-vous qu’une seconde liste se constitue pour manifester une opposition qui a le droit d’exister ? »

Élire un maire ou une équipe ?

Mais le rapporteur de la PPL à l’Assemblée, la députée MoDem du Puy-de-Dôme Delphine Lingemann, affirme, enthousiaste, que ce scrutin de liste « va permettre de donner un nouveau souffle à la démocratie locale en attirant de nouveaux talents, qu’ils soient féminins d’abord, puisqu’il faudra nécessairement augmenter la part des femmes dans les conseils municipaux, mais aussi masculins, par le renouveau profond du mode de fonctionnement des équipes municipales qu’il induit ». C’est un vœu louable, peut-être pieux, qui reste à exaucer au contact de la réalité. La députée ajoute : « Dans toutes les communes, une équipe solidaire sera élue pour porter un projet politique ; l’élection se fera autour du triptyque "une commune, une liste, un projet". » Un slogan qui en rappelle un autre, mais en allemand ! Comme si la personnalisation du scrutin municipal n’existait pas déjà à tous les niveaux : de Paris, en passant par Lyon, Marseille, jusqu’à la plus petite commune de France ! Quoi qu'on en pense, les Français élisent d'abord un maire.

S'occuper de la voirie

Ce à quoi le député LR Philippe Gosselin, qui fut maire d’une commune de moins de mille habitants durant 21 ans, a rétorqué, durant les débats houleux qui précédèrent le vote : « Vous êtes-vous déjà rendus dans des communes de 200 ou 300 habitants ? » Et de mettre le doigt, lui aussi, sur cette fichue réalité : « La constitution d’une liste est déjà extrêmement compliquée. Oui, le panachage est nécessaire. » Quand au beau triptyque évoqué par Mme Lingemann, le député de la Manche invite à redescendre sur Terre. Le « projet politique » d’une petite commune ? « Soyons clairs : dans beaucoup de petites communes, le seul projet politique est d’instaurer le meilleur état d’esprit possible et, avec les rares fonds disponibles, de s’occuper de la voirie, d’encourager les associations ou les clubs d’anciens et de jeunes et d’assurer la vitalité, quand il y en a un, du groupe scolaire… » Bref, la réalité de la vie de tous les jours dans ces communes qui représentent, comme le rappelle Michel Guinot, « 71 % des communes françaises et dans lesquelles vit près de 13 % de la population ».

Climat de fatigue

Le même Michel Guinot fait remarquer que « l’objectif affiché est d’encourager la vitalité démocratique, mais il n’y a aucun problème en la matière, dans nos campagnes. Le scrutin municipal est d’ailleurs celui qui mobilise le plus la population avec, hors Covid, une participation constamment comprise entre 60 et 80 %. » Et d'ajouter que le problème est ailleurs : « Les difficultés ont trait à l’engagement et au statut de l’élu, non au mode de scrutin. » En effet, faut-il rappeler, comme le faisait l’Association des maires de France (elle aussi favorable à cette loi), en s’appuyant sur une étude du CEVIPOF de 2023, qu’entre 2020 et 2023, c’est plus de 1.300 maires et plusieurs dizaines de milliers de conseillers municipaux qui ont démissionné ? On n’avait jamais vu ça. « Climat de fatigue, parfois agacement à l’égard de la puissance publique, tans les réponses attendues par les services de l'État peuvent tarder... » Une réalité pour laquelle, depuis six ans, rien n'a vraiment été fait pour la faire changer.

Un but inavoué ?

Mais peut-être y a-t-il un but inavoué (ou inavouable), comme l'affirme le député RN Jean-Philippe Tanguy : « Énième mensonge de la Macronie et la gauche en manipulant le droit des femmes. Le vrai objectif ? Forcer les communes rurales à disparaître et remplacer les élus BÉNÉVOLES et INDÉPENDANTS par des salariés appliquant des consignes. » Rappelons, en effet, qu'en cas d'absence totale de candidats au scrutin municipal, le Code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit la nomination d’une « délégation spéciale » chargée de remplir les fonctions du conseil municipal. La loi est bien faite. Après tout, sous Vichy, c'est l'État qui nommait les maires qui sont, rappelons-le, les premiers représentants de l'État sur leur commune...

Mais bon, en attendant, « on l’a fait ! » Et on l’a fait à moins d’un an des élections municipales, alors qu’en principe, cela ne se fait pas. Alors que nous sommes déjà entrés en précampagne, que dans les villages, on part à la chasse aux candidats qui ne se bousculent pas, on imagine ce que ces maires de petites communes vont devoir dire à certains de leurs collègues hommes qui faisaient le job, notamment lorsque, le week-end, il fallait prendre la tronçonneuse pour dégager un chemin communal obstrué par un arbre, après un gros coup de vent (chose vue). « Désolé, tu ne repars pas avec nous, il va falloir que tu laisses la place à une femme. » « D’accord, mais tu en as trouvé une ? » « Ça, c’est une autre paire de manches… » La réalité.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

90 commentaires

  1. Va-t-on vers un système où l’on prend une femme nous pour ses compétenses mais parce qu’il faut un nombre égal de femmes. C’est une dévalorisation de la femme. En outre, il faut trouver des volontaires disponibles, les soirs de conseils qui peuvent durer et les femmes seules avec des enfants, elles emmènent les enfant pour assister au conseils ?

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