Partir ou rester ? Le cas de conscience des Français en Afrique
Alors que le Covid-19 se répand en Afrique, un nombre croissant de ressortissants français exigent qu’on les rapatrie vers la métropole. Cette situation amène à s’interroger sur son choix personnel de vivre sur le continent africain.
Il ne s’agit pas, ici, de juger des cas particuliers mais d’examiner des éléments d’appréciation pour prendre des décisions raisonnées plutôt qu’émotives, rationnelles et effectives. C’est l’un des bons côtés de ce ralentissement général des activités humaines que de prendre le temps, rare, de se poser les bonnes questions par un examen de conscience utile, aux confins du confinement. C’est aussi l’occasion d’exercer sa liberté et sa responsabilité personnelles, plutôt que de subir les contingences de la vie quotidienne et le conditionnement général de la normalité.
Dans les pays africains où les Français représentent une communauté significative en nombre et en impact économique, on observe une tension intercommunautaire croissante, alimentée par la circulation débridée dans les médias et les réseaux sociaux de thèses complotistes anti-occidentales loufoques et le développement d’attitudes xénophobes. Il est vrai que des messages récents de France ne brillent pas par leur pertinence et leur responsabilité, comme l’analyse coronafricaine du Quai d’Orsay ou l’évocation, par des médecins maladroits, de tests de vaccins sur des Africains.
Partir d’Afrique pour fuir une situation de danger sanitaire gérable sur place, où le confinement n’est pas imposé, c’est exercer un privilège exorbitant alors que les frontières nationales sont officiellement fermées, pour peser inutilement sur un système sanitaire français saturé par l’effet du même danger. Aucun motif d’absolue nécessité ne peut être invoqué. Celui des congés scolaires, dans un pays qui se prétend depuis cinq ans « en guerre » sans avoir modifié son mode de vie ludique, est surréaliste et indécent.
Exiger de partir pour satisfaire des pulsions personnelles égoïstes, c’est aussi mobiliser pour des motifs injustifiables des ressources diplomatiques et logistiques qui seraient plus utiles à la gestion locale de la crise, au profit altruiste des populations africaines au développement desquelles on prétend vouloir contribuer. Cela vaut aussi et avant tout pour les Africains binationaux, habitués à se rendre fréquemment en France pour profiter du système médico-social français si généreux et coûteux dont la crise actuelle montre l’état désolant quand on en a tant besoin. Selon le mot de Warren Buffett : « C’est quand la marée descend que l’on voit qui portait un maillot de bain ! » Partir, c’est aussi envoyer un signal fort et inconséquent de panique aux populations locales ; comme, autrefois, la fuite des rats quittant les navires annonçait la tempête - d’où l’expression.
Rester en Afrique alors que la crise est très floue, c’est réaffirmer la volonté cohérente de partager le sort des Africains dans les moments difficiles comme dans les faciles. Rester, c’est continuer son action dans le temps et justifier les avantages que comporte encore l’expatriation loin de l’étouffoir législatif et conformiste français. C’est aussi s’interroger, en tant qu’« ex-patrié », avant d’être « ra-patrié », sur le sens profond du mot patrie.
Décider de rester en Afrique, sans s’abriter derrière des décisions lointaines plus ou moins imposées d’évacuer le « personnel non essentiel », c’est exercer sa liberté dans des moments cruciaux qui, eux, sont essentiels pour la conscience personnelle. Rester, c’est faire preuve d’exemplarité vis-à-vis de populations africaines désespérées par le mauvais exemple permanent de leurs dirigeants. Question d’éthique, terme à la mode tellement galvaudé. Rester au contact des populations locales ne peut que contribuer à réduire le sentiment antifrançais, tant décrié, qui se développe en Afrique. Enfin, cela permettrait d’enrayer la perte continue de parts françaises de marchés africains, alors qu’un abandon même temporaire profiterait aux autres communautés d’affaires moins frileuses. Car la nature économique a aussi horreur du vide.
Des experts indépendants estiment, par analyse comparée de l’évolution de la pandémie dans d’autres régions du monde, que cette semaine pascale sera décisive pour connaître son étendue et sa gravité en Afrique. Chacun peut faire de cette période difficile, non seulement une manifestation violente et douloureuse à affronter, selon l’origine latine du mot « crisis », mais aussi le moment clé d’une décision à prendre, selon son origine grecque. En somme, une occasion dans la douleur.
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