Pas assez de personnes noires dans un ouvrage historique
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Souvenir du premier cours d’histoire en classe de 6e au collège Pothier d’Orléans. L’Histoire commence avec la production de documents. Avant que les documents n’existent, il n’y a pas d’Histoire, c’est la Préhistoire. L’historien, c’est celui qui lit, trie, évalue la pertinence et la fiabilité des documents du passé pour retranscrire la plus plausible des descriptions d’états ou de faits avec leurs enchaînements de causalités. Comme tout n’est pas documenté, ou que des documents se perdent, le travail relève parfois du puzzle dont un nombre variable de pièces manqueraient. Plus il en manque, plus c’est difficile et plus le résultat est aléatoire. Parfois, aussi, il y a trop de pièces dans le puzzle, et elles disent des choses non cohérentes ! Il faut écarter celles qui seraient redondantes.
Un essayiste et éditeur renommé en Grande-Bretagne, Richard Cohen, a écrit The History Makers, un pavé de 780 pages pour présenter ceux qui ont/auraient écrit l’Histoire, et comment certains de leurs biais influenceraient nos idées et notre perception de nous-mêmes. Il n’évoque pas que des historiens professionnels comme Thucydide ou Tacite : Jules César, Voltaire, William Shakespeare ou Winston Churchill n’étaient pas des historiens à proprement parler.
L’éditeur américain de Richard Cohen, Random House, lui a fait savoir que sa première copie manquait de personnes noires. L’auteur a rajouté 18.000 mots à son livre pour couvrir le travail d’historiens noirs : inclure Frederick Douglass, étoffer le passage sur la guerre de Sécession, inclure aussi William Edward Burghardt Du Bois et, pour faire bonne mesure, le berbère Hassan al-Wazzan. Mais, in fine, Random House a décidé de ne pas publier le livre.
L’Europe n’a pas inventé l’écriture et l’écriture ne s’est imposée que très lentement. Ainsi, il est communément admis que l’Iliade et l’Odyssée aient été transmises de bouche à oreille d’aèdes pendant les quatre siècles qui séparent la chute de Troie et les retours des Achéens chez eux de la mise par écrit de leur épopée, entre 850 et 750 avant Jésus-Christ. La transmission orale de ces chefs-d’œuvre ne semblait pas gêner les Grecs de l’époque : l’aède connaissait l’histoire par cœur et savait la chanter ! Les historiens « sérieux » comme Hérodote, Thucydide et Xénophon sont venus plus tard. Et si Ulysse et Achille continuent d’inspirer les aèdes d’aujourd’hui, ces poètes et ces musiciens écrivent.
Le griot de l’Afrique de l’Ouest est un peu comme l’aède : il n’écrit pas. Il mémorise les récits, les fictions, la musique et les généalogies. Puis il transmet à son public et à la génération suivante de griots ce qu’il a reçu, ce qu’il a créé ou appris. Sans préjuger de la fiabilité de cette transmission, ce n’est pas de l’Histoire puisqu’il n’y a pas de documents.
Avec plus de vingt siècles d’avance sur l’Afrique noire, l’Europe a su documenter des faits « historiques », conserver ses documents et les analyser. Les historiens noirs – que ce soit leur métier ou non – ne sauraient être aussi nombreux ou anciens ni avoir laissé autant de traces et, donc, d’impact. Mais pour les tenants du wokisme, cette sous-représentation est insupportable, alors plutôt ne rien publier qu’un travail qui ferait la part belle aux « dominants structurels ». Nous avions déjà vu la norme de composition des castings pour postuler aux Oscars. C’est un tantinet fatigant, le wokisme.
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