« Pas de cap, pas de projet »… mais Dati entre au gouvernement

DATI

Nous sommes le 19 juin 2022, lors de la soirée électorale après le second tour des élections législatives. Sur le plateau de TF1, côte à côte, Gabriel Attal et Rachida Dati. L’un représente la Macronie qui se retrouve penaude avec une majorité relative, autrement dit essuyant une véritable défaite pour un parti qui avait été habitué, cinq ans durant, au doux confort de la majorité absolue. L’autre, « Tatie flingueuse » de feu la Sarkozie, porte avec allant et combativité l’étendard de sa « famille politique » qui, elle aussi, doit encaisser le choc : seulement une petite soixantaine de députés au palais Bourbon quand le RN en fait entrer 89. Un tournant historique de la vie politique française.

Attal-Dati : une chaude soirée électorale de 2022

Sur le plateau, Attal reconnaît effectivement que ces résultats ne sont pas terribles pour son camp : « Je ne vais pas me cacher derrière mon petit doigt, ce n’est pas le résultat qu’on espérait. » Ni une, ni deux, très en forme, Rachida Dati, qui, au lendemain du premier tour de l’élection présidentielle, avait appelé à voter Emmanuel Macron, ne mâche pas ses mots et rétorque : « C’est sa stratégie qui est en échec. Un, pour les présidentielles, on fait monter l’extrême droite. Deux, pour les législatives, on fait monter l’extrême gauche. Et là, maintenant, on dit "mais oui, mais bon, peut-être" ; vous dites "faut pas se cacher derrière son petit doigt". Ne vous cachez pas non plus derrière nous… » L’échange se poursuit, Attal est à la peine pour en placer une et – moment humiliant -, un peu maternelle, Dati pose sa main sur l’avant-bras puis sur l’épaule du jeune homme qui en rougit comme une communiante. Dati l’achève en lui disant : « C’est bien… » Il ne faut pas grand-chose pour que la phrase ne se termine sur un « mon petit ».

En politique, ne jamais dire jamais

Ce 11 janvier 2024, un an et demi et quelques contorsions et convulsions politiques plus tard, le jeune homme rougissant est Premier ministre de la France et la dame est ministre sous les ordres de ce même jeune homme… En politique, ne jamais dire jamais.

Cette entrée de Dati au gouvernement est incontestablement la « surprise du chef ». Dati, qui n’avait pas de mots assez durs pour la politique de Macron, fait donc aujourd’hui allégeance. « Pas de cap, pas de projet, pas de direction », déclarait-elle, sur le plateau de LCI, le 23 juin 2022, au lendemain de l’allocution d’Emmanuel Macron qui prenait acte de sa majorité relative à l'Assemblée nationale. Il faut écouter et réécouter cette interwiew. Macron vient de déclarer qu’il a été réélu sur un « programme très clair » ? « Donnez-moi, ne serait-ce qu’une ou deux propositions de son programme… "très clair" », réagit Dati. Macron constate que la France est fracturée ? « Mais c’est le résultat de son quinquennat. » Et d'en remettre une couche, puis deux, puis trois. Macron a « sous-estimé les questions régaliennes ». « Il y a un sujet majeur sur le régalien, notamment sur la maîtrise des flux migratoires. » « Ils [la Macronie] n’ont pas de ligne politique. » « Pas de dette supplémentaire ? Il [Macron] l’a fait exploser ! » Toujours dans cet entretien sont évoquées les éventuelles participations des LR au gouvernement qui sont dans l’air à l’époque. Et Dati de reprendre à son compte les propos, sur ce sujet, de Jean-François Copé : « Il faut tordre le bras à Emmanuel Macron sur des sujets majeurs… »

Alors, en ce 11 janvier 2024, on imagine que Rachida Dati, après avoir posé sa main sur le bras d’Attal en cette belle soirée de juin 2022, a réussi à tordre celui d’Emmanuel Macron, que ce dernier, dans une sorte de fulgurance fantastique, a trouvé un cap, a défini un projet, a fixé une direction, a décidé de prendre à bras-le-corps les sujets régaliens, notamment celui de l'immigration. À moins que Rachida Dati n’ait perdu la boussole de sa chère « famille politique ». Il est vrai que Dati a un cap : gagner Paris en 2026. Cela n’est possible qu’en s’alliant à la Macronie, a-t-elle sans doute analysé. Cette entrée au gouvernement de Rachida Dati, dans laquelle on peut voir la main de Sarkozy, fait peut-être les affaires de la droite parisienne. En revanche, c’est un clou de plus sur le cercueil des LR, qui viennent d'ailleurs d'exclure de leur parti le tout nouveau ministre de la Culture. Mais si Paris vaut bien une messe, on imagine que la plus belle ville du monde doit bien valoir aussi une conversion au macronisme.

Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

99 commentaires

  1. Même sans cap la culture est tellement délabrée qu’on pourrait aborder son redressement par n’importe quel bout.

  2. Avec la nomination de Dati , Macron a encore une fois «  entubé «  tout le monde ! Il fait croire à une pseudo droitisation de son gouvernement alors que tous les postes clés sont détenus par des macronistes pur jus. Il fracture et fragilise les LR qui n’avait pas vraiment besoin de ça . Coup double ! Chapeau Mr le président !
    Dati est contente parce qu’elle retrouve un peu d’importance et fait enrager Hisalgo . Tout ça se paiera au moment des Européennes je l’espère. Comme le le dis souvent : je n’ai pas de rancune mais j’ai de la mémoire.

  3. Elle nous refait le coup de Dupont-Moretti jurant ses grands dieux qu’il n’accepterait JAMAIS un poste de ministre de la justice !!!!

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