Pas d’excès de confiance…
On ne peut pas reprocher au président de la République un excès de confiance.
Même si beaucoup installent par avance, en 2022, une confrontation entre Marine Le Pen et lui et qu'il pourrait avoir la tentation de considérer que la cause est entendue, il demeure prudent.
D'abord parce qu'il est intelligent et rien n'est plus contraire à cette qualité qu'une bête présomption.
Ensuite il n'a pu que constater, dans un récent sondage, une égalité parfaite au premier tour et un score honorable de la présidente du RN au second tour, de l'ordre de 45 %. Cette évaluation est d'autant plus significative qu'une précédente estimation l'avait déjà située au même niveau alors que nous étions plus proches de son catastrophique débat de 2017.
Il se garde bien, contre tous les prophètes de bon augure, de laisser croire à un résultat déjà acquis. Je ne suis pas persuadé que, sur ce plan, il ait validé l'intervention du Premier ministre répondant à l'Assemblée nationale à une question de Marine Le Pen et paraissant tenir pour acquise leur rencontre républicaine en 2022.
Quel que soit le désir d'Emmanuel Macron « d'en finir avec les polémiques »... de « reprendre la main pour ne plus subir l'actualité » (Le Monde), même s'il déteste, paraît-il, qu'on exprime tout pessimisme sur la situation sociale, notamment pour la journée de grève prévue le 5 décembre (Le Canard enchaîné), il est clair qu'il est plus que jamais attentif à la future configuration présidentielle.
À l'évidence, il ne compte plus seulement sur l'affligeante atonie des oppositions classiques de droite et de gauche Il s'efforce, notamment pour la première qui sort chaque jour de son chapeau un possible candidat pour 2022 - le dernier étant François Baroin -, de lui ôter l'herbe sous le pied, l'argumentation résiduelle qui lui reste en matière de sécurité et de justice.
Consciencieusement, il parcourt le terrain de la droite et même si on peut juger plus que réaliste, cynique, sa focalisation de fraîche date sur l'immigration, le communautarisme et le « tourisme médical », puisque ces problèmes existent avec la même intensité depuis son élection, il est clair que cette tactique, si elle va laisser indifférent le RN - toujours trop de mollesse pour lui -, va troubler encore davantage LR, désespérément à la recherche d'une contradiction authentique et spécifique (Le Figaro)
Si on se rapporte à certains propos d'Emmanuel Macron (Le Canard enchaîné), il semble sincèrement, et doublement, en éveil. Quand il affirme « S'il suffisait d'avoir des pudeurs pour lutter contre le FN, il n'en serait pas là à l'heure actuelle. C'est la cécité d'une forme de bien-pensance passive qui m'abasourdit », il a évidemment raison. Comme lorsqu'il réplique à ceux qui trouvent « dangereux qu'il soit le seul rempart face à l'extrême droite » : « Mais que ceux qui disent cela fassent le boulot au lieu de me critiquer ou de finasser. »
Le Président, actuellement, est inséré dans une configuration idéale puisque sa lucidité, son attention au réel et la conscience des limites d'un humanisme verbeux s'accordent parfaitement avec ses intérêts et son souci constant de maintenir ses adversaires dans une forme de néant quand lui serait dans l'être.
Le seul risque qui pourrait advenir et lui porter préjudice : un trop grand écart entre ses engagements et sa politique. Que soit multipliée, de manière démesurée, la bourde d'Édouard Philippe traitant de « petit groupe d'imbéciles et d'irresponsables » des criminels à Chanteloup-les-Vignes. Pour peu que le volontarisme et la fermeté affichés par le Président ne se traduisent par rien d'effectif, on y verra une manœuvre politicienne, rien d'autre. Seulement une politique du verbe.
Le Président, en tout cas, ne vend pas la peau de Marine Le Pen avant l'heure. Pour avoir été élu de manière surprenante et fulgurante, il n'exclut pas que des défaites puissent surgir aussi contre toutes les prévisions et attentes.
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