Pas très MeToo ? Quand Annie Ernaux évoquait avec légèreté un féminicide sur fond d’agression sexuelle

Annie_Ernaux

Annie Ernaux est-elle vraiment « MeToo » ? Dans son livres Les Années (Gallimard, 2008), conçu comme une suite de photographies de son enfance dans l’après-guerre, Annie Ernaux ironise sur le sort d’une jeune fille de 12 ans, assassinée par son voisin parce qu’elle se refusait à lui. Loin de s’offusquer de ce terrible féminicide sur fond d’agression sexuelle, le prix Nobel de littérature affirme que les fillettes autour d'elle « ricanaient sous cape à [l’]histoire » de celle « qui avait préféré mourir plutôt que de faire avec un garçon ce qui leur tardait tant d’avoir le droit de faire » (sic). Pour Annie Ernaux, les petites filles rêvent donc d’être agressées sexuellement et « ricanent » de celles qui meurent de ne pas avoir consenti...

La fillette, c’est Maria Goretti, une sainte italienne que les religieuses citaient en exemple à leurs pensionnaires. Et Annie Ernaux n’aime rien tant que dénigrer les bonnes sœurs. Car si l'écrivain a appelé, en 2019, dans une tribune vibrante publiée dans Libération, à faire montre de sororité pour certaines pieuses femmes voilées, les religieuses catholiques n’ont pas l’heur de lui plaire.

Pourtant, c’est bien grâce au pensionnat Saint-Michel d’Yvetot, où elle était écolière, et à la congrégation du Sacré-Cœur d’Ernemont, qui y enseignait, qu’Annie Ernaux a pu faire fructifier ses talents littéraires et accéder, ensuite, à l’agrégation. Preuve qu’on n'y travaillait pas à l’aliénation des fillettes. Et, bien avant #MeToo, ces religieuses avaient érigé en martyre les violences sexuelles et le cruel féminicide de Maria Goretti. Violences qu'Annie Ernaud dédramatise en les brocardant par personnages interposés, dans son livre.

Curieusement, aucune de nos féministes ne s’en est offusquée. Il est possible qu’aucune d’elle n’ait lu Annie Ernaux. Difficile, pourtant, d’y échapper : les profs en raffolent. Celle-ci figure, cette année, jusqu’au programme de l’ENS, à jeu égal avec… Madame de Sévigné. Il est probable aussi (soyons honnêtes) qu’elles n’aient jamais entendu parler - n’étant pas des paroissiennes très dévotes - de Maria Goretti.

Annie Ernaux, réputée pour la crudité triste de ses descriptions intimes, est emblématique de sa génération. Celle qui a appelé la libération des mœurs, blanc-seing sexuel qui a été interprété par DSK et ses épigones comme une pancarte « open bar » accrochée sur le front - restons polis - de toutes les femmes. La libération sexuelle a banalisé l’acte, a dérégulé les relations amoureuses, écrasant les étapes intermédiaires : les promenades innocentes, les chastes déclarations enamourées, les fiançailles… Comme tous les avant-contrats et les temps de réflexion avant de signer, ceux-ci avaient vocation à protéger le plus faible (physiquement). Dire qu’aujourd’hui, à l’heure de #MeToo, des applis dédiées au consentement mutuel (Yes to Sex, We-Consent, Sexwithyou… et autres noms évocateurs tellement romantiques) rencontrent un vrai succès aux États-Unis, auprès des étudiants ! Ceux-ci peuvent enfin se dire oui, clairement et officiellement, après y avoir réfléchi. À deux doigts d’inventer le mariage. Ce mariage honni par la gauche qui, aujourd’hui, pleure - des larmes de crocodile - sur le lait renversé.

En attendant, dans un livre encensé par la critique qui a obtenu le prix Marguerite-Duras, le prix François-Mauriac de la région Aquitaine, le prix de la langue française et le prix Strega européen, le dernier prix Nobel de Littérature raille un féminicide et banalise l’agression sexuelle d’une toute jeune fille en la décrivant comme enviée. Le « petit » monde de gauche est décidément une vaste farce.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 14/10/2022 à 7:46.
Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

Vos commentaires

28 commentaires

  1. Quel anachronisme ! Oser parler de Maria Goretti à l’heure du mariage pour Tous ! Merci à Gabrielle Cluzel d’avoir pris la peine de lire les ouvrages d’un prix Nobel que le monde entier nous envie. Merci d’avoir mis en évidence les contradictions du clan des féministes radicales. Comme en écologie où il faut distinguer l’écologie vraie des radicaux de l’écologie, il ne faut pas discréditer le féminisme mais éliminer les Sandrine Rousseau et consorts qui ne font que discréditer une cause juste.

    • Pour les trotskistes, que j’ai appris à connaître en mai 68, il n’existe qu’une seule liberté : la leur. Les autres n’ont qu’à s’y faire. C’est comme ça qu’au nom de la liberté s’établissent les pires des dictatures.

    • Mais, c´est vrai que c´est malheureux que la période bénie du flirt, des fiançailles, du romantisme a été effacée. Cela manque à notre jeunesse. ….et puis, il y aurait moins d´avortements…

  2. C’est avec des écrivains tels que ça que l’on provoque des autodafés.
    L’agrégation de lettres ne devrait être accordée que sur la qualité du fond et la morale exprimée, et pas seulement sur la forme et la pseudo-culture.
    La génération des soixante-huitards bobo-gauchos a démoli la France et ne se plaint pas du retour de la barbarie.
    Et maintenant un ministre woke à l’EN !
    L’horreur !

  3. Quelqu’un a-t’il lu Annie Ernaux ? Pas dans mon entourage . Nobel est un prix militant : la preuve par celui de la Paix offert à Obama avant même qu’il ne préside les tristes USA.

  4. « La libération sexuelle a banalisé l’acte, a dérégulé les relations amoureuses, écrasant les étapes intermédiaires : les promenades innocentes, les chastes déclarations enamourées, les fiançailles… » : le problème réside dans le fait que l’on confond aujourd’hui « relations amoureuses » et « relations sentimentales ». La libération sexuelle a banalisé l’acte sexuel (tant et si bien, d’ailleurs, que de plus en plus de Français ne s’y adonnent plus, la magie de l’acte, crûment étalé sur tous les écrans de télé et de cinéma – pour ne parler que d’eux – ayant disparu) à un point tel que l’acte sexuel se fait désormais sans sentiment, sans émotion. L’âme n’y est plus, seul la mécanique charnelle est mise en œuvre. Souvent on « fait l’amour » sans aimer et on n’est plus capable d’aimer sans « faire l’amour ». Le monde entier est devenu un vaste baisodrome où l’on change de partenaire comme l’on change de slip (pour celles et ceux qui en portent encore). Ah, consumérisme ! Quand tu nous tiens !

    • « ne pas s’aimer » ? Vous avez eu du temps à perdre pour lire  » ça » ? ( et pas autre chose plus urgent .: psychologie pertinente ; théologie de fond /philo ; courriers à approfondir, etc;….): dubitative !

  5. Nous n’avons pas encore fini de voir les dérives de ces prétendues intellectuelles et en plus elles ou ils sont honorés c’est dire que ceux qui décernent ces récompensent de quel bord ils sont

  6. Merci Madame pour cet article, excellent comme tous vos écrits. En effet on peut voir dans la gauche débridée tous les symptômes du déclin de l’Occident. Sans cela l’islam n’aurait pas si beau jeu.

  7. Cette personne est un cauchemar ambulant . Ses livres sont ennuyeux et sans interêt ..
    A fuir .

  8. L’assassinat d’une gamine de 12 ans, ce n’est pas un féminicide, c’est un crime de pédophile. Et à 12 ans on est encore une enfant, pas encore une « jeune fille ».

  9. Honte à cette femme qui banalise le viol des fillettes , un des pires actes criminels qui soit .Encore un torchon qui ne mérite pas d’être lu .

  10. Je ne connaissais pas cette « écrivain » et bien qu’elle ait eu le prix Nobel je n’ai pas envie de la lire, les descriptions médiatiques de ses écrits ne me semblent pas très attirantes.

      • N’en faites pas de trop tout de même. OK pour le prix nobel de la paix, donné souvent à des gens qui tels Obama ou Yasser Arafat n’ont pas été très « pacifiques », celui de littérature (lire plus haut, ou Bob Dylan… ??). Celui d’économie est déjà un peu plus sérieux, et les prix nobel de médecine physique et chimie sont réellement donnés à des personnes ayant fait progresser la science.

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