Pascal Aubry : « Il n’y aura plus de producteurs français, l’Union européenne nous fera disparaître »
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Pascal Aubry, éleveur de porcs et président de la section porcine du syndicat Coordination rurale, s'élève contre les prochaines importations de porc canadien, consécutives à l'accord de libre-échange du CETA.
Il dresse un état des lieux de cette filière en France touchée par la crise, malgré une offre toujours plus qualitative.
Vous êtes président de la section porcine de la Coordination rurale. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi les accords de libre-échange semblent poser problème à votre secteur ?
Alors que l’Europe est déjà exportatrice nette à 117 % en production porcine, nous allons importer du porc du Canada à hauteur de 80.000 tonnes. Cette importation va déstabiliser encore un peu plus notre marché, d'autant que ces produits ne sont pas du tout tracés comme chez nous en France. De surcroît, ils utilisent des hormones et des produits interdits en France.
L’Europe produit déjà trop de millions de tonnes de porc. Pourquoi faire venir de la viande canadienne ?
C'est certainement pour faire effondrer le marché et pour que le consommateur mange moins cher. La conséquence directe sera la mort de la production française. Il n'y aura plus de producteurs français.
Au même moment, le syndicat des charcutiers alertait sur l’effondrement de la vente de produits à base de porc (andouille, andouillette ou autres produits similaires). Est-ce que la venue de porc canadien va aggraver cette crise des charcutiers français ?
On nous demande toujours plus de traçabilité et de bien-être et, en même temps, on va importer des produits qui ne respectent même pas nos propres normes. Alors, en effet, cette crise peut s'aggraver par la perte de confiance du consommateur.
Beaucoup de bouchers-charcutiers sont attaqués par des militants vegan. Est-ce que ce lobby joue sur votre filière ?
Nous avons dû mal à le quantifier, mais cela a forcément un impact. Les jeunes, en particulier, ne savent plus s’ils doivent ou non manger de la viande.
Mesurez-vous l’impact de la progression du marché halal ?
Nous sommes beaucoup moins touchés sur la filière halal, car le porc n’est pas beaucoup consommé dans la religion musulmane...
Au-delà de cela, nous constatons surtout que les jeunes générations ont complètement changé leur mode de consommation. Elles se détournent complètement du repas traditionnel français et se dirigent davantage sur du fast-food.
Vous êtes éleveur depuis vingt ans. Selon vous, le porc français peut-il encore être sauvé ?
Cela devient de plus en plus compliqué. Nous avons vu le changement en 1986, lorsque la France est devenue autonome et exportatrice. Un nouveau changement s’est ressenti en 1998, lorsque l’Europe est devenue elle-même exportatrice nette. Depuis ces années-là, nous sommes pratiquement en crise perpétuelle.
La quantité progresse, mais est-ce que la qualité du produit en pâtit ?
Nous n’avons globalement jamais produit du porc d’aussi bonne qualité. Il y a sûrement encore des progrès à faire, surtout au niveau gustatif. Mais notre porc est de très bonne qualité.
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