Patrick Pesnot, l’homme qui avait « Rendez-vous avec X » sur France Inter, est mort

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C'est une madeleine de Proust radiophonique (un « doudou », ont même écrit certains twittos) que la mort de son créateur, le 14 mars, vient de figer dans l'Histoire. Nombreux étaient ceux qui espéraient que Patrick Pesnot, pourtant bientôt octogénaire, ressusciterait un jour ces entretiens du samedi après-midi sur France Inter. Mieux que toutes les émissions à mystères (un grand classique français) qui l'ont précédé ou suivi, « Rendez-vous avec X » a posé la barre tellement haut que personne ne songe sérieusement, désormais, à concurrencer ce format légendaire.

Pour ceux qui n'ont pas connu l'émission, quelques repères. Pesnot raconte qu'il fut abordé un jour, à la bibliothèque de l'Arsenal, à Paris, par un curieux personnage qui l'avait reconnu et voulait partager avec lui son « petit paquet de secrets ». Monsieur X - car c'était lui avait été résistant, parlementaire, agent secret. Il connaissait comme personne le dessous des cartes, les marécages géopolitiques et les complots crapuleux. En France, bien sûr, mais aussi dans le monde entier. Rapidement, la collaboration radiophonique entre Patrick Pesnot et Monsieur X allait décoller pour atteindre le statut d'émission culte. On ne savait pas où avaient lieu ces entretiens. On ignorait comment Monsieur X savait ce qu'il savait. Avait-il servi au SDECE ? Son parcours de barbouze gaulliste, presque caricatural dans son déroulement, n'était-il pas trop beau pour être vrai ? Avait-il des infos de première main ou connaissait-il seulement le dossier à fond ? Mystère épais, pour les enfants comme pour les grandes personnes qui, en écoutant cette émission, retrouvaient leurs dix ans et leurs rêves d'opérations clandestines.

Très nombreux sont ceux qui associent, d'ailleurs, ce rendez-vous hebdomadaire à des souvenirs d'enfance ou de jeunesse. À l'arrière de la voiture paternelle, de retour de la pension, en pleine insomnie, en révisions de partiels, c'était toujours, dans les oreilles des auditeurs, la même voix caverneuse, impérieuse, qui assenait calmement (et parfois même avec ironie) des vérités dérangeantes sur les « grandes affaires » du XXe siècle, tandis que Pesnot, brillant dans le rôle de faire-valoir, laissait son invité cabotiner. La musique (Astor Piazzolla à l'accordéon), fascinante, légèrement dissonante, était parfaitement choisie. La prosodie de Monsieur X, profonde, rassurante, endormait les tout-petits. « Rendez-vous avec X » était calibré pour la radio... et pour son époque.

On était alors, au tournant des années 2000, encore fasciné par la traque des nazis, les assassinats de dictateurs, les valises qui s'échangent et les plans secrets. Monsieur X ne dédaignait cependant pas, à l'occasion, des zooms plus affûtés, plus actuels, sur les millions de Kadhafi et Sarkozy ou sur la politique russe en Ukraine (avec une assez admirable prescience). Aurait-il le même succès en 2023 ? La grille actuelle des programmes de France Inter ne semble pas aller dans ce sens. Sophia Aram, Guillaume Meurice, Charline Vanhoenacker, Nicolas Demorand ou Léa Salamé n'ont rien de commun avec feu Patrick Pesnot. Certes, il y a « Affaires sensibles », avec Fabrice Drouelle, de très bonne tenue mais qui ne remplacera pas le duo gagnant des grandes années. France Inter, désormais, barbote dans le rien, mais c'est la première radio de France. Les gens ont l'air de bien aimer ça. Tant mieux pour eux.

Au fait, qui était vraiment Monsieur X ? Etait-il, comme l'a reconnu Pesnot à demi-mot, un comédien qui lisait (et avec quel brio !) les textes écrits par le journaliste ? On n'ose le croire. Cette révélation serait d'une cruauté comparable à celle de l'inexistence du père Noël, dans les familles qui mentent à leurs enfants. Alors, gardons nos rêves d'enfant ou d'adolescent : Monsieur X était un agent secret, un ancien député gaulliste, un exécuteur des basses œuvres de la République des grandes heures, mandaté par ses anciens camarades pour aller révéler des infos brûlantes à un journaliste tout ouïe. Emporté par son goût pour la mise en scène romanesque, Pesnot a-t-il, à l'heure de l'agonie, demandé à voir Monsieur X, comme Maurice Leblanc avec Arsène Lupin ou Balzac avec le docteur Bianchon ? Ce serait compréhensible.

Patrick Pesnot manquera au journalisme. Il avait écrit quantité de livres et d'essais, souvent intéressants. La postérité ne retiendra-t-elle que sa géniale invention radiophonique ? Eh bien, comme le disait toujours Monsieur X, « n'allons pas trop vite »...

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/09/2024 à 16:34.
Arnaud Florac
Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

3 commentaires

  1. Il n’y a presque plus besoin de « monsieur X » actuellement. Tellement certaine de leur totale impunité nos élites commettent au grand jour tous leurs méfaits.
    Vous ouvrez un rapport budgétaire ou un recueil de loi, les violations des droits et libertés les plus fondamentales sont écrites noir sur blanc. Ils ont juste changés les intitulés dans le respect des règles de 1984 d’Orwell.
    Un pillage et un pot de vin deviennent une « solidarité », la censure devient une « protection de la démocratie », la guerre devient « la paix ».

  2. Découvert quand j’avais 13 ans avec «  l’œil du sorcier «  coecrit avec Philippe Alfonsi ! Une enquête passionnante ! Il y a 50 ans !

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