Patrimoine immobilier des Armées : peut mieux faire…
La Cour des comptes vient de rendre un rapport carabiné, qui pointe quelques déficiences du ministère des Armées (naguère ministère de la Défense) dans la gestion des ventes de son parc immobilier depuis une quinzaine d'années. Eh bien, si l'on veut bien se donner la peine de se plonger dans ce rapport d’aspect rébarbatif, comme tous les rapports de cette vénérable et très pointilleuse institution, il faut avouer que l'on n'est pas déçu.
On le sait peu, et c’est plutôt dommage, car il y a des affaires à faire : l’État met régulièrement à l’encan une partie de son patrimoine, mobilier ou immobilier. On peut s’acheter des petits trucs sympa pour remplir sa hotte de Noël, et puis des trucs un peu plus conséquents : un hôtel particulier à Tourcoing ou à Rennes, pour ne citer que les annonces immobilières les plus récentes. On appelle ça la vente aux domaines et on peut consulter les biens immobiliers à vendre sur un site Internet dédié : site des cessions immobilières de l'État. La multiplication des biens bradés ou mis aux enchères est un signe comme un autre de la désertification des campagnes et de la paupérisation de l’État, obligé de vendre ses biens de famille pour payer les factures - les factures de la dette, en l’occurrence.
Euro symbolique
L’un des ministères qui détient le parc immobilier le plus important est donc le ministère des Armées. Sous les coups de rabot et de ciseaux (coups de couteau ?) des réformes successives, voulues par Chirac, Sarkozy et Hollande, ce ministère a fermé un nombre respectable de régiments, bases et divers organismes, au cours de ce dernier quart de siècle. Il a fallu se débarrasser, parfois dans l’urgence (lorsque Sarkozy annonça, à l'été 2008, une vague de restructurations et dissolutions, certaines unités durent abandonner et vider leurs bâtiments et installations en... moins d'un an), de biens souvent séculaires, quelquefois classés, et ce, pour une poignée de kopecks. La Cour des comptes s’est donc penchée sur la manière dont le ministère des Armées a géré ses abandons d'emprises, et là… même si les conclusions sont très policées (« s’agissant des dispositifs mis en place lors des restructurations, l’État ne s’est pas mis en mesure de contrôler le respect des contreparties, ce qui a généré une perte qui pourrait s’aggraver encore à l’avenir »), on découvre une générosité de l’État qui confine à l’inconséquence.
Entre les études de valorisation commandées, payées mais jamais exploitées (à Rueil, Tours ou Salbris), les commandes de plusieurs études sur un même sujet à des sociétés différentes (à Rennes) et les rapports inutilisables (à La Rochelle ou Cherbourg), on a l’impression que le ministère a géré les choses à la petite semaine. Un ministère arrangeant : le prix moyen des biens cédés en France a été de 22 euros du mètre carré, avec un pic, en Île-de-France… à 171 euros. Malgré cela, il peine à concrétiser ses cessions, notamment dans le domaine des bases aériennes, puisque cinq d’entre elles, fermées depuis plus de treize ans, n’ont pas encore été totalement cédées. La faute en revient à un empilement de lenteurs et de pertes d’énergie à faire rêver Georges Courteline.
Pourtant, ce n’est pas faute d’offrir des facilités : par exemple, ce sont encore des militaires qui gardent des sites pourtant déjà vendus (comme à Bourges). Et que dire du fait que le ministère des Armées prend, si on peut dire, le terme d’euro symbolique pour argent comptant ? La loi précise pourtant que dans certains cas, notamment d'une forte plus-value, « l’euro symbolique » versé par un acquéreur aux domaines appelle en réalité un complément de prix, souvent non négligeable. Dans au moins trois affaires (à Tours, Laval et Arras), selon la Cour, des bâtiments anciens ont été cédés pour un euro. Les armées ont donc touché… un euro. Et ce sont les acquéreurs (collectivités, le plus souvent) qui ont revendu les emprises à la découpe, en remplissant leurs caisses, sans reverser aux armées le « complément de prix » légal en cas de plus-value à la revente. Encore une fois, sous un vernis de politesse technocratique de bon aloi de la part des magistrats de la rue Cambon (« des compléments de prix sont exigibles depuis plusieurs années, tandis que d’autres restent à calculer et à exiger »), c’est le même discours : le ministère n’a pas réclamé l’argent qui lui revenait de droit. Au bout du compte, une perte de ressources financières pour ce ministère régalien si essentiel pour la sécurité de la France.
Il y a peut-être, dans ce domaine comme ailleurs, de petites marges d’économie à trouver. Lisez ce rapport, amis lecteurs : on y trouve les traces d’un État obèse qui, même en voulant maigrir, trouve le moyen de dysfonctionner.
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Un commentaire
Je connais mal les arcanes administratives, mais, ancien militaire, j’ai envie de défendre la boutique….Les domaines étant chargé de définir le prix et de vendre, est-il juste de reprocher aux militaires les suites « légères » de ces ventes? Les domaines ne seraient-ils pas sous la houlette du ministère des finances? oui, je sais ça va faire beaucoup pour BLM….