[PATRIMOINE] L’hôtel de Magny en triste état : des décennies de négligence

L'hôtel Louis XIV ne mérite-t-il pas le même soin que les squelettes de dinosaures conservés par le Muséum ?
L'hôtel côté jardin. © Samuel Martin
L'hôtel côté jardin. © Samuel Martin

Le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) lance une campagne de dons pour sauver l’un des bâtiments de son domaine, l’hôtel de Magny, en très mauvais état. Fin janvier, c’était la présidente du Louvre qui alertait sur le « niveau d’obsolescence inquiétant » du Louvre. On s’interroge sur cette gestion qui consiste à laisser pourrir le patrimoine institutionnel, puis à tirer la sonnette d’alarme.

Un bâtiment signé Bullet

L’hôtel de Magny a été dessiné et élevé à la toute fin du XVIIe par l’architecte Pierre Bullet (1639-1716). Élève de Blondel, il est aussi l’auteur de la porte Saint-Martin, qui n’a pas la majesté et les beaux morceaux de sculpture de la porte Saint-Denis. Pour autant, il n’est pas un architecte négligeable. Il a dessiné l’hôtel Le Peletier de Saint-Fargeau, une des beautés du Marais, ou l’impressionnant château de Champs-sur-Marne (Seine-et-Marne). Homme de grande pratique, Bullet est l’auteur de l’Art de bâtir, du Traité du nivellement ou encore des Observations sur la nature et sur les effets de la mauvaise odeur des lieux ou aisances et cloaques.

Directeur du Muséum, Buffon achète peu avant la Révolution l’édifice et son jardin qui forment une enclave gênante dans le domaine. On y aménage des logements pour les chercheurs, puis des bureaux, tandis que Buffon fait construire un amphithéâtre à quelques mètres de là (de style néo-classique et dont le fronton représente « l’Histoire naturelle »). L’hôtel de Magny et les vieilles maisons alentour ont connu Buffon, Saint-Hilaire, Gay-Lussac, les deux Becquerel, Cuvier, Lamarck… La fine fleur des savants naturalistes et chimistes, excusez du peu. Quelques-unes de ces maisons ont dû être détruites à la fin du XIXe siècle, avant qu’elles ne s’effondrent d’elles-mêmes. N’abandonnons pas l’hôtel à un tel sort !

© Samuel Martin

Une invitation à l’urbex

En ce début avril, avec les arbres en fleurs, la façade sur jardin de l’hôtel de Magny peut faire illusion. De loin. En s’approchant, on déchante. Le fronton triangulaire, orné d’une coquille, est en sale état, ainsi que la corniche. Les passants sont protégés des chutes de pierres par un filet. Idem sur l’autre fronton, côté nord-ouest. La grande façade sud-ouest, remaniée au XIXe siècle avec un avant-corps central d’un effet peu gracieux, est dans un état pitoyable. Les gouttières défectueuses ont provoqué des infiltrations. On s'étonne que les fenêtres aient encore leurs carreaux. Certaines parties semblent une invitation à l’urbex, l’exploration clandestine de bâtiments abandonnés, tellement elles sont sales et dégradées.

Il y a encore peu, le MNHN proposait l’hôtel de Magny comme lieu de tournage cinématographique idéal, vantant « cet hôtel particulier aux façades patinées par le temps ». La frontière est parfois mince, entre la patine et la ruine. « Le passage du temps a gravement endommagé ce bâtiment », explique désormais le MNHN. Le temps est-il seul en cause ? Pourquoi l’a-t-on laissé s’abîmer à ce point ? Un rafraîchissement de façade ne suffira pas : les fuites d’eau continues ont affaibli les fondations, déjà fragilisées par les mouvements du sous-sol. L’hôtel de Magny s’enfonce.

L’actuel président du Muséum national d’histoire naturelle, Gilles Bloch, en poste depuis un an et demi, a hérité d’un édifice dont l’état est le résultat d’une longue négligence. Aujourd’hui, le coût estimé des travaux est de 11,5 millions d’euros. Il y aura des subventions, du mécénat et, donc, les dons des particuliers pour sauver « un joyau architectural », comme le dit Gilles Bloch. Associé à la Fondation du patrimoine, le MNHN a récolté 24.400 euros, pour le moment. L’objectif est d’atteindre un million d’euros de dons. On en est là, en France, à demander la charité pour sauver un édifice classé monument historique.

La façade sur cour. © Samuel Martin

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Samuel Martin
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25 commentaires

  1.  » On s’interroge sur cette gestion qui consiste à laisser pourrir le patrimoine institutionnel, puis à tirer la sonnette d’alarme. » Depuis des décénies, les gouvernements français successifs détournent volontairement l’argent public en faveur du social (15% des dépenses MONDIALES). Pour une seule raison ; l’achat des votes.

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