Pentecôte à l’Élysée : quand McFly et Carlito remplacent le Saint-Esprit

macron mcfly carlito

Monsieur le Président,
Cher Emmanuel Macron,

Je me souviendrai de ce dimanche de Pentecôte comme du jour où je me suis sentie devenir vieille. J’en ai conscience : je suis dépassée. Totalement décalée, à l’évidence, avec cette France que vous gouvernez et ce monde dans lequel je vis pourtant.

Hier donc, le 23 mai 2021, jour de tradition chrétienne où l’on fête le Saint-Esprit illuminant la cervelle des apôtres, vous avez, en tant que président de la République, convié à l’Élysée les youtubeurs McFly et Carlito. Deux jeunes gens dont j’ignorais l’existence – et je m’en passais fort bien – jusqu’à ce que vous, chef de l’État, leur ayez lancé le défi de rameuter dix millions de suiveurs pour « une vidéo sur les gestes barrières ». En récompense, vous leur promettiez la petite sauterie organisée, ce dimanche, dans votre palais de la République.

Votre épouse étant sensiblement plus âgée que moi-même, je n’ose croire, sachant comme elle vous cornaque depuis le lycée, qu’elle n’a pas, comme moi, souri très jaune à vos blagounettes. Pas dit, dans l’intimité de votre chambre : « Non, Emmanuel, tu ne vas quand même pas faire ça ! »

Mais si, vous l’avez fait, et quinze millions de personnes vous ont regardé débiter des fadaises. Des blagues à deux balles. De l’humour de garçon de bain, comme on disait du temps où les piscines avaient des cabines et pas des casiers.

« S’il perd, Manu aura un gage », avaient prévenu les deux youtubeurs. C’est comme ça, entre d’jeunes, on vous appelle « Manu » et on vous tape dans le dos. Alors, vous avez fait match nul, forcément. Égalité de conneries. Il fallait bien ça, sans quoi ils vous auraient peut-être fait marcher à quatre pattes autour du grand salon, en aboyant comme un clébard, collier et laisse autour du cou. Ou léché leurs pompes Nike™. Tout est possible. Vous avez bien posé pour la photo, tout souriant, entre deux jeunes qui vous faisaient un doigt de déshonneur, alors…

Si ma mémoire est bonne, Monsieur le Président, et je reconnais que si j’ai voté pour vous (eh oui, nul n’est parfait !), c’est en partie pour cela, vous vous engagiez à « restaurer la fonction présidentielle ». À lui rendre un peu de lustre après l’épisode du Président normal, lui aussi adepte des blagounettes, Hollande le rondouillard qui chevauchait son scooter pour « emmener Popaul au cirque ».

Question cirque, on est servi. Pour la restauration, il va falloir attendre.

À voir les quelques extraits de votre prestation humoristique, diffusés entre un accident de téléphérique et la quotidienne sur l’apocalypse vaccinale, je me suis sentie submergée par la honte. Celle-là même que vous devriez éprouver pour vous avilir de la sorte.

Nous sommes encore à un an de la prochaine présidentielle et, déjà, vous racolez dans les bas-fonds. Qu’avez-vous prévu, pour la suite ? Un concours de pétomanes, Les Marseillais à l’Élysée, Hanouna Premier ministre en remplacement de Castex ?

Les petits crétins de « communicants » qui vous servent de conseillers, frais émoulus de leurs grandes écoles, pensent sans doute que vos farces attireront vers les urnes une nouvelle clientèle. Je pense qu’elles en éloigneront bien plus sûrement les gens comme moi. C’est un pari risqué que vous faites là. Un pari pour la France, hélas, car en ce qui vous concerne je n’ai aucun souci : votre art du « en même temps », autre mot pour la flagornerie tous azimuts, est aussi votre viatique.

Je suis une femme honnête, j’éviterai donc de vous présenter mes sentiments respectueux. Ils n’auraient pas été sincères, alors je les garde en attendant mieux que vous.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 25/05/2021 à 22:02.
Marie Delarue
Marie Delarue
Journaliste à BV, artiste

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Un vert manteau de mosquées

Lire la vidéo

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois