[PEOPLE] Juan Carlos sort ses mémoires : la revanche d’un roi en exil ?

Capture d'écran
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À quoi pouvait donc songer le roi Philippe VI, samedi dernier, impavide, sanglé dans son uniforme de capitaine général, arborant Toison d’or et ordre de Charles III, alors que la Légion espagnole, autrefois nommée Tercio, défilait devant lui, pataugeant dans un véritable torrent diluvien, à l’occasion de la fête nationale espagnole ? À l’horizon de la princesse Leonor, qui se tenait, impeccable, à la droite du monarque dans son uniforme d’officier de marine, elle aussi revêtue des ordres familiaux ? Sera-t-il fait de bourrasques, comme celle qui s’abattait alors sur Madrid, ou, au contraire, le règne de la future reine Leonor, qui viendra un jour, pérennisera-t-il la monarchie dans une Espagne jamais définitivement acquise à la cause royale ? Ou bien, le roi voyait-il moins loin, en pensant aux vagues que pourrait faire la prochaine parution des mémoires de son père, le roi émérite Juan Carlos Ier, qui vit en exil à Abou Dabi, tout en faisant de plus en plus d'apparitions en Espagne ?

 

 

 

C’est donc pour le 13 novembre, c’est-à-dire demain. Cinq cents pages, autant dire un pavé, avec un titre : Réconciliation : mémoires. Réconciliation, car, au-delà des frasques d’une fin de règne peu glorieuse, l’œuvre de ce roi, qui hérita de Franco la charge de faire entrer l’Espagne dans le XXIe siècle, fut bien de travailler à la réconciliation des Espagnols. Une réconciliation qui passa par une transition et non une révolution. Dans « réconciliation », il y a « conciliation », et Juan Carlos sut indéniablement en faire preuve. Le 23 juillet 1969, reconnu comme successeur de Franco, Don Juan Carlos de Borbón y Borbón prêtait serment devant les Cortes, jurant de faire respecter les lois fondamentales du royaume et… les principes du Mouvement national, c’est-à-dire du franquisme. Douze ans plus tard, le 23 février 1981, ce même Juan Carlos, devenu roi, étouffait dans l’œuf le putsch du colonel Tejero. Réconciliation plutôt que révolution : c’est là, d’ailleurs, le grand regret de la gauche revancharde qui se rattrape allègrement depuis quelques années. On se souvient de l’expulsion de la dépouille de Franco de la Valle de los Caídos, en 2018, décidée par le gouvernement socialiste, passant ainsi outre l’ordre royal donné par Juan Carlos (« Yo, el rey ») le 22 novembre 1975, exhumation qualifiée par le cousin de Juan Carlos, Louis de Bourbon, duc d’Anjou et arrière-petit-fils du Caudillo, justement, d’« inqualifiable », dans un entretien donné à BV. Le silence du roi Philippe avait alors été assourdissant. Il est vrai que ce roi, que d’aucuns qualifient de « lisse », est peu bavard.

Son père Juan Carlos est un peu plus bavard. Et même beaucoup plus. En effet, en cinq cents pages, on peut dire beaucoup de choses. Juan Carlos, qui a toujours été un homme très direct, en vrai Bourbon qu'il est, tant par son père que par sa mère, veut s’expliquer de « ses erreurs et de ses mauvais choix », rapporte le magazine Point de vue, qui a eu l’exclusivité de cette annonce auprès de l’éditeur français de ces mémoires, les Éditions Stock. « Mon père m’a toujours conseillé de ne pas écrire de mémoires », déclare l’ancien monarque, qui ajoute : « Les rois ne se confient pas. Encore moins publiquement. Leurs secrets restent enfouis dans la pénombre des palais ». Ce qui n’est pas tout à fait vrai, car sans vouloir être irrévérencieux envers Juan Carlos, faut-il lui rappeler que son aïeul Louis XIV laissa des mémoires pour l’instruction du dauphin. Et si les rois ne se confient pas, parfois, ils se confessent publiquement : « J’ai trop aimé la guerre »... Toujours Louis XIV. Juan Carlos va-t-il jusqu'à avouer qu'il a trop aimé les femmes ? Comme son aïeul, qui ne s'en confessa pas - publiquement, tout du moins. Alors pourquoi, aujourd’hui, Juan Carlos désobéit-il à son père, Don Juan de Borbón y Battenberg (1913-1993) ? Pourquoi parler ? « J’ai le sentiment qu’on me vole mon histoire », explique le roi émérite. Qui ça, « on » ? Le saura-t-on vraiment ?

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

5 commentaires

  1. N’oubliez pas qu’il a tué son frère. J’étais en Espagne lors du coup d’état de Tejero et je n’ai pas ressenti la performance de son altesse.

  2. Bien que les Bourbon aient une place « naturelle » en France, la retenue de la perfide Albion me convient mieux: « never explain, never complain ». Les « grands » n’ont pas à se plaindre, qu’ils soient monarques ou présidents!

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