Père Pierre Vivarès : « Nous vivons un drame religieux et culturel »
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Le père Pierre Vivarès est curé de la paroisse Saint-Paul Saint-Louis, une église proche de l'île de la Cité. Boulevard Voltaire a recueilli sa réaction à l'incendie qui a ravagé, hier soir et cette nuit, Notre-Dame de Paris.
Comment vivez-vous cette soirée ?
C'est l'incompréhension totale. Nous sommes sidérés. Nous avons du mal à prendre conscience de l'événement qui se déroule sous nos yeux. Nous sommes à 200 mètres de Notre-Dame de Paris dans notre paroisse.
Cette église est pour nous une mère qui accueille tous les rassemblements diocésains du diocèse de Paris. C’est le lieu où tous les prêtres de Paris ont été ordonnés. C’est le lieu où nous accueillons le souverain pontife lorsqu’il vient à Paris. C’est le lieu où nous rassemblons tout le diocèse à chaque grande célébration, comme la messe chrismale qui aurait dû avoir lieu après-demain et les ordinations en juin.
Nous sommes en deuil comme si on venait de nous apprendre que notre maman était décédée. Dans cette incompréhension, nous sommes profondément tristes face à cet événement.
Cette tragédie est arrivée le 1er jour de la semaine sainte. Pour les catholiques, ce temps permet de se préparer à la passion du Christ et à sa résurrection. On voit toute la symbolique qui se trouve derrière cet incendie...
Cette semaine nous célébrons la semaine où le corps du Christ est rejeté, outragé, torturé, crucifié et tué. Cette semaine est aussi celle où nous célébrons la résurrection du Christ, où la mort n’est pas le dernier mot. C’est un peu dur ce soir d’accueillir cette parole d’espérance, mais pour nous l’Église ne s’écrit pas avec un petit ‘’e’’, mais avec un grand ’’E’’. C’est l’Église qui est le corps du Christ qui rassemble tous les chrétiens. Si demain, on rasait toutes les églises de la terre, si on détruisait tous les ’’bâtiments’’ église, nous savons que l’Église demeurerait toujours. L’Église n’est pas un bâtiment, mais elle est le peuple de Dieu qui se rassemble pour prier son Seigneur.
Il faut, ce soir, tenir cette parole d’espérance. C’est un peu dur parce que nous sommes incarnés. Nous sommes attachés à des événements incarnés. Nous sommes attachés à des pierres, à des lieux et aux histoires. Mais je pense que, pour tous les catholiques du monde, nous ne pouvons pas réduire notre Église à des bâtiments et à des choses matérielles. L’Église, c’est d’abord le Christ lui-même et le peuple de Dieu qui est le corps du Christ. Il faut tenir cette espérance-là.
J’ai beaucoup d’amis qui ont du mal. J’ai des amis chrétiens et non chrétiens, des amis musulmans et juifs qui m’ont envoyé des SMS, en me disant à quel point ils étaient tristes de cet événement. Je les comprends très bien puisque ce patrimoine n’est pas uniquement le patrimoine catholique. C’est un patrimoine mondial et français où chaque Français se reconnaît. Il est au coeur de Paris et de la France. C’est un monument de beauté. Je pense que tous les humains, quelles que soient leur religion et leur philosophie, sont attachés à la beauté. Ce soir, nous avons perdu quelque chose de beau. Nous sommes donc en deuil.
L’Église catholique sort d’une période extrêmement difficile.
C’est la 2e église parisienne qui est en proie aux flammes.
L’espérance est-elle malgré tout présente ?
Tous ces éléments sont des éléments très différents. Il semblerait que d’après l’enquête, l’Église Saint-Sulpice serait un règlement de compte entre SDF. C’est un fait délictuel de droit commun. Nous avons des profanations dans deux églises par jour en France, depuis des mois. Les médias en parlent peu, c’est pourtant une réalité. Que ces profanations soient le fait d’imbéciles stupides ou qu’elles soient le fait d’une attaque de l’Église catholique, peu importe. Il y a quand même deux attaques d’église par jour en France depuis 3 mois. Il est top tôt ce soir pour que l’enquête nous révèle les conditions de l’incendie de Notre Dame de Paris. Nous vivons un drame religieux et culturel.
Thématiques :
Incendie Notre-Dame de Paris
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