Petite histoire de la poubelle pour M. Delogu

poubelle

Ce 12 novembre 2024, dans l'hémicycle du palais Bourbon, Sébastien Delogu, député LFI des Bouches-du-Rhône, a-t-il traité Aurore Bergé de « grosse poubelle » ? Ou bien a-t-il hurlé « Vous allez finir dans les poubelles, les poubelles de l’Histoire » ? C'est, en tout cas, cette dernière version qui a été retranscrite par les scripteurs de l'Assemblée nationale. Pour l'Histoire ? Disons, pour la petite histoire. Mais laissons les poubelles de l'Histoire dans le local prévu à cet effet et penchons nous sur l'histoire de la poubelle, puisque le 24 novembre, nous célébrons l'anniversaire de cet outil du quotidien qui joue un rôle si fondamental dans l'assainissement de nos sociétés.

Origines et invention de la poubelle

L'invention de la poubelle est indissociable des préoccupations sanitaires et sociales de la fin du XIXe siècle, une époque où les villes européennes croissaient rapidement et où la question de l'hygiène publique devenait cruciale. En 1883, Paris est alors une ville grouillante où s’amoncellent des montagnes de détritus dans les rues, favorisant la prolifération des maladies et des nuisibles. Comme quoi, des rats à Paris, ce n’est guère nouveau. Eugène Poubelle (1831-1907), préfet de la Seine, décide alors d’agir. Par un arrêté du 24 novembre, il impose à chaque immeuble parisien de disposer de récipients pour collecter les ordures ménagères, une mesure visant à rationaliser leur collecte et à éviter les dépôts anarchiques.

Pionnier, Poubelle envisage un tri des déchets à la source. Toutefois, cette initiative suscite une levée de boucliers. Les propriétaires d’immeubles s’insurgent contre les coûts supplémentaires liés à l’achat de ces bacs. Les chiffonniers, eux, voient dans ce tri une menace pour leur subsistance, car leur activité dépendait de la revente des matériaux récupérés dans les rues. Ce même argent serait alors versé à la ville de Paris, cette dernière s’occupant elle-même du ramassage des ordures. Georges Grison, journaliste au Figaro, résume la critique dans un article du 14 janvier 1884 : « Les concierges, propriétaires et locataires deviennent les véritables chiffonniers, seulement le marchand en gros, commissionné par l’administration, ne paiera pas à eux, mais à la ville. » Ce journaliste est d'ailleurs le premier à surnommer ces récipients « boîtes Poubelle », associant durablement le nom du préfet à cet objet du quotidien.

Évolutions techniques et sociétales

Les décennies suivantes voient la poubelle évoluer en fonction des avancées techniques et des nouvelles exigences. Les récipients en bois ou en métal sont progressivement remplacés par des modèles en plastique à partir des années 1950, plus légers, plus solides et plus faciles à nettoyer. Dans les années 1970, sous l’impulsion croissante des préoccupations écologiques, le tri sélectif refait surface. Des bacs colorés apparaissent pour différencier les déchets recyclables des ordures ménagères. La poubelle devient aussi un enjeu industriel et politique. Les bacs roulants, adoptés dans les années 1980, facilitent la collecte mécanisée, réduisant les efforts des éboueurs. Avec le temps, de nouveaux contenants à ordures font aussi leur apparition. Ainsi, en 2024, les lois européennes et écologistes imposent de nouvelles pratiques comme la collecte des biodéchets, entraînant l’apparition de bacs spécifiques dans nos foyers.

Ainsi, l’histoire de la poubelle illustre à merveille l’interaction entre progrès technique, choix politiques et aspirations sociales. D’un simple récipient destiné à limiter les épidémies, elle est devenue un objet clé pour relever les défis environnementaux. Désormais, si le terme « poubelle » est aujourd’hui utilisé comme une insulte, rappelons qu’il désigne aussi et avant tout un progrès majeur pour la salubrité publique. Au fond, une poubelle, c'est utile...

Eric de Mascureau
Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Mon arrière-grand-père, André Jozan, était ingénieur en Chef des Ponts-et-Chaussées de la ville de Paris dans les années 1880. Après avoir aidé Gustave Eiffel a concevoir les  » Piliers-Flottants  » de la Tour-Eiffel, il avait réglé un autre problème Parisien, l’élimination du crottin de cheval ! Le trafic urbain de cette époque était largement  » Hippomobile  » et la production d’excréments chevalins très importante. Constatant que ce produit était utile pour la production de  » Champignons-de-Paris  » dans les anciennes carrières souterraines d’ou provenaient les pierres pour construire la capitale, il a décidé d’accorder aux champignnoniers l’exclusivité ( Payante !!! ) de collecter le crottin et d’en nettoyer les rues !!

  2. Se souvient-on du ministre de l’éducation nationale René Monory, garagiste de Loudun, dont la prise de fonction avait suscité la petite phrase assassine : « L’école je connais, mes enfants y vont » ?…Ne pourrait-on la paraphraser pour M. Delogu à propos de l’Histoire…comme peut-être d’ailleurs, du Français et des mathématiques ?

  3. Résumé intéressant qui retrace l’historique de cet objet du quotidien que beaucoup ignorent; le rappel des date n’est pas inutile.
    Merci.

    Quant aux fautes de frappe ou d’orthographe (Alétheia), toute la presse est désormais contaminée, les relecteurs ne doivent exister, à part les censeurs baignée de bien pensance…

  4. Notre époque est formidable. Elle a inventé le QTP (qui travaille paie). Nous trions, recyclons, transportons les déchets jusqu‘aux points de collecte.
    En sommes-nous rémunérés pour autant? Que nenni. Nous en sommes taxés.
    Le QTP s‘applique bien entendu aussi à d‘autres secteurs.

  5. Mais on n’arrête pas le progrès. Hors grandes villes, il appartient désormais à chacun de porter ses déchets ménagers dans des points de collecte situés entre 100 mètres et deux kilomètres. Difficile de justifier l’intérêt pour la planète, mais ce qui est certain c’est que la taxe (TOEM) augmente ! Encore un grand pas en avant dans le recul social et dans l’inefficacité des services publics.

  6. « Avec le temps de nouvelles contenants à ordures.. » : petit problème de relecture ? « nouveaux contenants », ce serait mieux, n’en déplaisent aux « iels » :). Quoi qu’ils en soit, saluons comme il se doit cette merveilleuse invention, qui a contribué à l’augmentation de l’espérance de vie et à la qualité de vie de chacun.

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