Peut-on gifler un Président ?

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Pour incarner nos institutions, le royaliste que je suis préférerais, bien sûr, un souverain à un Président. Contrairement à ce que certains prétendent dans la mouvance de droite, je ne crois nullement à une onction issue du suffrage universel qui aurait effectivement remplacé l’onction venue du sacre : s’il est incontestable que de Gaulle a restauré la figure institutionnelle du chef de l’État, disparue après la chute de Napoléon III, quand bien même ce président de la Ve République est réellement un monarque républicain, il n’est pas et ne sera jamais un véritable monarque, il sera toujours incapable d’incarner la France, quels que puissent être ses mérites personnels. En somme, le costume de chef de d’État taillé pour de Gaulle en 1958 ne pouvait convenir, après lui, qu’à un prince porté par une dynastie, encadré par un système institutionnel durable.

La meilleure preuve de ce que j’avance se retrouve dans l’incident de la gifle donnée par un citoyen à M. Macron. Le système inauguré par de Gaulle ne pouvait convenir qu’à de Gaulle, ou bien à un roi : après de Gaulle, la Ve République a vu s’ouvrir devant elle un escalier que ses successeurs n’ont pas cessé de descendre. On a commencé à s’alerter avec M. Sarkozy, qui se comportait au milieu du peuple comme un cow-boy dans un saloon de western. M. Hollande fut tellement loin de la dignité présidentielle que l’on s’était persuadé qu’il était impossible de creuser plus profond. Une attente générale accompagnait M. Macron à son accession à l’Élysée : par-delà sa politique, on attendait au moins de lui qu’il restaure la fonction dans une grandeur née de la très grande puissance politique que la Constitution confère à notre chef d’État, sans doute le plus puissant parmi ses confrères occidentaux. C’était, d’ailleurs, une promesse du nouveau Président.

Las ! nous sommes descendus encore.

Parce que les Français sont généralement mieux élevés, plus élégants, donc plus discrets que d’autres peuples, ils étaient tout disposés à reconnaître au Président le droit à une vie intime hardie, pour peu qu’à son tour, il reste pudique à propos de ses penchants. Deux épisodes : des travestis invités à se dandiner sur le perron de l’Élysée puis une visite équivoque rendue dans une cellule antillaise occupée par de beaux éphèbes effrontés ont choqué l’opinion, sans parler de l’épanchement public du chef de l’État à propos de ses liens personnels conjecturés avec une mouche un peu douteuse, le fameux Benalla.

Le dernier épisode en date est, évidemment, son comportement quasi enfantin avec deux jeunes youtubeurs : notre Président, devant qui, par le passé, l’on n’a jamais dressé une barrière lui permettant de faire la différence entre l’adolescence et l’âge adulte, paraît candidement surpris par la désapprobation unanime.

Dans l’Histoire, il y a eu pire. M. Macron n’est pas Caligula, quand bien même certains psychologues comme le Pr Sartori ont cru pouvoir le diagnostiquer psychopathe. En tout état de cause, on ne saurait admettre que quiconque transgresse une règle fondamentale : frapper un chef d’État, fût-ce d’une simple gifle, doit être condamné, sans quoi, c’est tout un édifice social qui s’effondre. Il est, déjà, de plus en plus difficile de laisser la parole à la politique, tant les personnalités politiques elles-mêmes tiennent un langage de moins en moins politique ; si, maintenant, on laisse impuni le geste auquel nous avons tous assisté, nous aurons descendu une marche supplémentaire. Sans doute M. Macron y est-il pour quelque chose, mais par-delà la personne, il y a la figure, et c’est elle qui doit compter d’abord.

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