Philippe Bilger : « L’affaire du procureur de Nice fait apparaître l’effet dévastateur de la politisation dans la justice »
Le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre, qui reconnaît avoir menti pour ne pas contredire les propos d'Emmanuel Macron dans l’affaire Geneviève Legay, devrait être muté à Lyon. Une mesure qui ressemble à une rétrogradation.
Réaction Philippe Bilger sur cette affaire qui met à mal l'institution judiciaire.
Sa mutation m’apparaissait inévitable. Il est pour autant intéressant, et en quelque sorte ironique, de noter que ce procureur a révélé, de manière explicite, ce qui parfois existait probablement dans le for intérieur d’un certain nombre de procureurs.
Il a avoué d’une manière naïve et maladroite que la prise de position du président de la République a interféré dans son raisonnement.
Il est amusant de noter que son chef, au niveau de la Cour d’appel, le procureur général Robert Gelli, est lui-même un magistrat qui a toujours été considéré de gauche, et dont la carrière a été, paraît-il, portée par le pouvoir de gauche. Tout cela est intéressant dans le fond, dans le sens où on distingue une forme de politisation perverse.
Il n’est pas scandaleux qu’un magistrat ait une conscience politique. C’est tout à fait normal si cela révèle une intelligence de la société. Mais dans le cas d’espèce, cela devient pervers parce que de nature à altérer la pureté et l’équité des procédures judiciaires.
Alors, pourquoi admettre avoir menti ? A-t-il subi une pression médiatique trop importante ?
A-t-il voulu se protéger ?
Qu’est-ce qui peut expliquer ce soudain revirement et cet aveu de mensonge qui met à mal l’institution judiciaire ?
C’est justement là le problème. Naïvement et maladroitement, il a justifié sa démarche par le fait qu’il voulait rendre service au pouvoir.
Il ne semblait pas être totalement passif pour autant. Il était certes très discuté, mais cela ne veut pas dire qu’il était médiocre. C’est tomber sur quelqu’un qui était déjà assez discuté. Mais je ne crois pas une seconde qu’il y ait eu forcément une immission du pouvoir politique. Il a voulu lui faire plaisir sans qu’on lui ait demandé.
Encore une fois, il est intéressant qu’il fasse apparaître des coutumes judiciaires qui sont en général dissimulées. Tous les procureurs sont du même acabit, mais c’est intéressant et assez révélateur en tant que tel de ce qu’une certaine politisation a de dévastateur.
Mais, encore une fois, c’est bien à distinguer de la conscience politique du magistrat citoyen.
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