Philippe et Blanquer : un service après-vente pas très convaincant…

philippe blanquer

Gérald Darmanin, pour montrer qu'il n'est pas déconnecté des Français, évoque régulièrement sa mère, femme de ménage, qui, grâce à la réforme, pourra partir trois ans plus tôt à la retraite. Vendredi soir, c'est le Premier ministre Édouard Philippe qui a expliqué, devant des professeurs de Nancy, qu'il connaissait bien les difficultés de leur métier, puisque ses parents et ses sœurs ont été enseignants. Comme un bonimenteur de foire qui vante la qualité de son produit, sans convaincre toutefois l'assistance des bienfaits de sa réforme.

Sont-ils bouchés, ces enseignants ! Ils ne comprennent pas tout le bien qu'on leur veut. Quand Édouard Philippe, après avoir admis que, « si on applique mécaniquement la réforme, on obtiendrait des niveaux de pension sensiblement inférieurs [aux pensions actuelles] », assure que « le niveau de pensions reste[ra] identique », grâce à une revalorisation des salaires, ils ne le croient pas. Ni Jean-Michel Blanquer, qui perd de son crédit depuis qu'il est devenu un soutien inconditionnel de Macron, quand il affirme : « Les pensions ne baisseront pas, ni pour ceux nés avant 1975 ni pour ceux nés après. Ce sera écrit dans la loi, ce sera vérifiable. »

Ah, si les promesses d'un ministre étaient paroles d'évangile ! Las ! Les propos de ces membres éminents du gouvernement sont contredits par les faits. Même sans tenir compte de la perte considérable de pouvoir d'achat des personnels de l'Éducation nationale, qui justifierait à elle seule une revalorisation des traitements, il faudrait plusieurs milliards, chaque année, pour permettre aux professeurs, avec le nouveau système de calcul, d'obtenir une pension comparable aux pensions actuelles. Cause toujours, semblent penser les principaux concernés : il y a forcément anguille sous roche ! On leur promet que, demain, on rasera gratis. Sans trop de risques car, demain ou après-demain, quand la réforme s'appliquera, on ne sera plus aux affaires.

Macron avait au moins eu le mérite de déclarer à Rodez, le 3 octobre dernier : « Si je voulais revaloriser, c’est 10 milliards. On ne peut pas mettre 10 milliards demain, c’est vos impôts. » L'un des professeurs demande au ministre de l'Éducation si le statut des professeurs pourrait être modifié. Et Blanquer de répondre, avec assurance : « Le statut de la fonction publique est parfaitement adapté à l'Éducation nationale, il n'est pas en cause. » Alors que chacun sait que les tiroirs de la rue de Grenelle sont pleins de rapports préconisant de revoir les missions et le temps de service des professeurs. Et qu'on ne les revalorisera pas tous, mais seulement ceux qui accepteront des tâches supplémentaires. Pourquoi ne pas le dire franchement ?

Une enseignante interpelle Édouard Philippe : « Vous nous écoutez parce que vous avez peur. » Et le Premier ministre de nier : il fait le matamore, il n'a « absolument pas d'angoisse », il n'a « absolument pas peur de cette réforme ou des réactions » ! Il fait le service après-vente d'un projet de réforme sans trop y croire lui-même. Ses entourloupes ne peuvent abuser que les naïfs ou ses compères. Son dernier atout ? Monter les uns contre les autres, susciter les jalousies, attiser la hargne des bourgeois bien-pensants contre ces fainéants de professeurs, déjà trop payés pour ce qu'ils font !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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