Philippe Sollers, de Mao à Benoît XVI
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« ICI LONDRES », sans les annonces personnelles (Je n’aime pas la blanquette de veau...) qui intriguaient le jeune Philippe Joyaux, né en 1936, le sacre de Charles III aura largement éclipsé que le dernier réac des modernes, pape des lettres françaises qui se voulait anarchiste, venait de casser son fume-cigarette.
L’écrivain est-il en route pour le Paradis ? Rejoindra-t-il son vieil ennemi Jean-Edern Hallier avec qui il avait fondé Tel Quel ? Qui retrouve-t-on au Ciel ? Philippe Sollers, adoubé dès son entrée en littérature par Mauriac et Aragon pour Une curieuse solitude, n’est jamais sorti de l’ambiguïté… même si les révisions déchirantes ne lui ont jamais fait peur. Après la mort de Mao, en 1976, Tel Quel change de cap et prend fait et cause pour les États-Unis. L'auteur publie une tribune dans Le Monde pour fustiger non seulement le maoïsme mais aussi le marxisme.
L’écrivain note en 2007 que les catholiques, avec leur messe et leur transsubstantiation, ne connaissent pas leur effarante singularité universelle. « Jean-Paul II a été une superstar inattendue ; Benoît XVI, avec son intériorité fervente et savante, commence à inquiéter sérieusement le spectacle de la dévastation globale. Il a déjà très mauvaise réputation. C’est parfait. »
« Qui lit encore ? » Désormais, l’état d’urgence pour Sollers dans sa « librairie » comme on parlait de celle de Montaigne, est de préserver l’Histoire, le latin et le grec, et de faire le gros dos parce que la liberté est à ce prix.
Paradis, texte sans ponctuation, sans majuscules et sans paragraphes, publié en 1981, soulève d’emblée la question de l’interprétation. Marié à la psychanalyste et linguiste Julia Kristeva, les séminaires de Lacan ont été décisifs dans son écriture. Aujourd’hui, c’est tout Philippe Sollers qui est jeté en proie aux vivants, pour reprendre l’expression sartrienne. Et Dieu sait si les woke veillent.
À Bordeaux, entre Montaigne et Montesquieu, le jeune Philippe découvre le français, langue pensante. Tôt il s’intéresse aux femmes mûres. Son tropisme. Bien plus tard, il voue un « amour fou » à l'écrivain belge Dominique Rolin, de 23 ans son aînée. Ce fils d’une famille d’industriels catholiques abandonne ses études pour se consacrer à la littérature. Mineur, il troque son patronyme pour celui de Sollers, du latin sollus et ars (« tout entier art »). Contrairement à un slogan stupide, le lecteur de Sun-Tzu suggère « Faites la guerre et l’amour », guerrier et amoureux, c’est la même chose, c’est la même activité, les femmes le savent très bien.
À ce sujet — Charles III, un roi sacré au XXIe siècle
Philippe Sollers niera avoir jamais été « maoïste » mais, dans un livre d'entretiens, le sinophile affirme : « Je persiste à dire [...] que cette révolution épouvantable fait que la Chine est désormais la première puissance mondiale. »
En 1998, chez Pivot, l’auteur de Femmes écoute Virginie Despentes évoquer son rapport complexe au désir masculin. L’écoféministe affirme que sous l’Ancien Régime, elle n’aurait jamais pu « apprendre à lire ou à écrire » ; il abandonne son mutisme : « Ça ne s’est pas arrangé depuis. » C’était ça, Sollers, tout était dit, comprenne qui pourra. Les happy few, toujours.
« Ça manque de style ! C’est très préoccupant, quand même, parce que vous avez un mouvement qui peut très vite déboucher sur la censure, la dénonciation permanente. Regardez ce qui se passe avec les Mémoires de Woody Allen, que sa maison refuse de publier. »
« Montaigne, mon compatriote, commence les Essais par cette formule extraordinaire : "Le bon père que Dieu me donna." Qu’est-ce que ça veut dire ? Vous sortez ça sur un plateau de télévision, tout le monde s’en va. Voyez comme c’est bien articulé. Un type invraisemblable, Montaigne. Avec La Boétie. Et Montesquieu. Et Mauriac, aussi – lisez le Bloc-notes, c’est une merveille de lucidité. »
Depuis la mort de Roth, qui sauveriez-vous ? « Houellebecq ! Excellent, Houellebecq ! Soumission est un livre tout à fait prophétique. »
À la question « Si vous deviez mourir demain, que resterait-il de vous ? », il réplique : « Une caisse de livres », ajoutant : « On se demandera comment on a pu se laisser prendre à l'image d'un Sollers aussi médiatique et désinvolte alors que c'est un travailleur acharné. » Dans cette caisse, votre serviteur vous conseille deux livres : Le Lys d’or (1989) et Portrait du joueur (1984).
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6 commentaires
Il y aurait tant a dire sur cet « ego Sollers » … mais ( presque) tout serait méchant , et superflu surtout …
Quant au Paradis , il n’ y a certes pas son nom sur la liste des invités. Lol . Personnage d’ acteur suffisant , il est déjà aux oubliettes .
C’était ça, comprenne qui pourra !!
Sollers est un tordu dont les méandres de l’esprit se neutralisent. Il fût à la mode dans l’après 68 avec les maoïstes les trotskistes, les polpotiens. On ne voyait que lui dans les débats ;mais le lisait on ;çà, j’en doute.
C’est le drame de certains écrivains, on en parle, ils sont médiatiques, mais on ne les lit pas. Cela, viendrait-il du fait qu’ils parlent trop à la télé et de ce fait ne laissent aucune chance à leurs écrits ? L’oral tue parfois l’écrit.
Vous n’avez pas tort ;mais il y a des écrivains partis depuis longtemps dont on parle beaucoup plus qu’on ne les lit… Proust est le meilleur exemple. Ceci étant, je le trouve particulièrement ennuyeux.
Mais bon, certains l’etudient, moi je ne fais que le lire.
Et les livres sur Venise …