Picasso, cette autre icône de la gauche qui s’effondre. Enfin !
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Cet article a été publié le 03/05/2023.
Faites entrer le (nouvel) accusé : Pablo Picasso. Il est d’usage, à droite, de porter un regard critique sur le mouvement MeToo. Ce nouveau puritanisme est pourtant intéressant, car comme tout retour de balancier, il est « réactionnaire » : une réaction à la grande fête du slip de Mai 68, ce coup de maître du patriarcat qui a fait croire aux femmes - ces naïves oies blanches - qu’il ferait tomber leurs chaînes, quand il les a, in fine, roulées bien serrées dans une ficelle à rôti, offerte à ses appétits comme une dinde de Noël. Patrick Buisson l’explique très bien dans son dernier livre Décadanse.
Picasso, c’est l’idole du XXe siècle par excellence, le génie, l’idole intouchable dans sa niche devant laquelle on dépose des cierges. Admirer Picasso ne relève pas du goût mais de la foi : en son for intérieur on a de sérieux doutes, mais dire sur France Culture que ses peintures cubistes sont moches revient à peu près à mettre en cause le dogme de l’Immaculée Conception sur Radio Notre-Dame. Et encore... Radio Notre-Dame a plus d’ouverture d’esprit. Si vous ne vous extasiez pas, c’est que vous êtes un plouc doublé d’une face de carême, un péquenaud n’aimant que le style pompier, un bouseux, un philistin, un béotien ; bref : vous n’y connaissez rien, shame on you.
Au-delà de l’art, il n’était pas même permis de toucher à sa personne. Communiste, engagé contre Franco, il avait tous les sacrements et toutes les onctions pour être porté aux nues par la gauche réunie. Sublime, forcément sublime, comme dirait Marguerite Duras. Sauf que force est de constater, à l’occasion du cinquantenaire de sa mort (il s’est éteint le 8 avril 1973), que Picasso était sans doute le « Harvey Weinstein de son époque », selon l'expression de l’artiste contemporain islando-danois Olafur Eliasson.
« Peut-on aimer l’œuvre de Picasso quand on connaît son comportement violent ? », s’interroge Slate, en ce mois anniversaire. « Picasso viole d’abord la femme, puis on travaille », racontait, en 1974, sur France Culture l’une de ses anciennes maîtresses Maire-Thérèse Walter (impossible de dire, donc, qu’on vient de le découvrir !). Pour la « podcasteuse » féministe Julie Beuzac, qui s’est fait une spécialité d'analyser la vision féministe de l’histoire de l’art occidental, et qui a même pour cela reçu un prix Radio France, « le viol est omniprésent dans l’œuvre de Picasso, notamment à travers la figure du Minotaure qu’il présente sur ses toiles comme un alter ego ». La jeune femme le qualifie carrément de « grosse ordure » et s’étonne candidement : « J’ai fait six ans d’études d’histoire de l’art. Pendant ces six années, on m’a parlé de Picasso un nombre incalculable de fois mais on ne m’a jamais parlé de tout cela. »
La parole se libère : la brutalité qu’il exerçait sur ses compagnes nourrit ses tableaux. Le cubisme déstructure les femmes, les lacère, les disloque, les démembre par la peinture… « À chaque fois qu’il quitte une femme, il revient à une période plus cubiste, même beaucoup plus tard dans son histoire, pour la casser sur la toile », explique Sophie Chaveau, auteur, en 2020, de Picasso le Minotaure.
Picasso a collectionné les conquêtes, toujours plus jeunes. Compte tenu de l’âge de Marie-Thérèse Walter (17 ans, quand Picasso en avait 45), Julie Beuzac parle même de « pédocriminalité ». Et Picasso les persécute. De mille façons. Nombre d’entre elles en ont témoigné, certaines se sont suicidées.
Mais il est encore d’autres icônes à déboulonner. La cancel culture est finalement un exercice assez plaisant. Sur le terrain de la littérature, cette fois : Jean Genet. Le bad boy adulé, présent encore cette année au programme de l’ENS : un médecin expert auprès du tribunal l’avait diagnostiqué « atteint de cécité morale ». Jean Genet veut réhabiliter les criminels. Et dans Miracle de la Rose, Jean Genet décrit avec délice et allégresse un vol avec effraction, qui est en fait un viol, en le magnifiant comme si c’était un acte héroïque. Jean-Paul Sartre, dans Saint Genet, comédien et martyr, écrit que « chez Genet, la souffrance est le complément nécessaire du plaisir de l’autre ». Sartre savait. Comme Beauvoir. Eux aussi ne perdent rien pour attendre. Le voile se déchire doucement et MeToo n’y est pas, reconnaissons-le, complètement étranger.
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37 commentaires
Un vrai plaisir de lire votre billet. Merci.
Je ne sais pas ce que les gens trouvent de magnifique dans les tableaux de Picasso! Rien d’artistique du tout. On voit pas les traces d’un dur labeur dans ces travaux. Juste un assemblage de cubes sans queue ni tête qu’il réalisait entre deux verres. Mais puisque il était de gauche….
Pour une fois je considère qu’avec Picasso on ne peut dissocier l’oeuvre de l’auteur , ces peintures de corps féminins découpés en morceaux révèlent un esprit malade,tourmenté .
On me traitera de béotien mais je m’en moque , je n’ai jamais admiré les cubistes, face à Picasso Dali est un véritable artiste ,l’art abstrait ne représente rien à mes yeux et ne dit rien à mon esprit ,objectivement ce prétendu art n’est que la manifestation d’une société décadente, un « art » encensé par de prétendus intellos !
Attention tout de même à ne pas faire confusion entre le talent de l’artiste, la réelle valeur des ses œuvres donc, et sa personnalité, si rebutante soit-elle. Certains de ses tableaux restent des chefs-d’œuvre, et on ne va pas les asperger d’ordures ni les dégrader publiquement pour satisfaire une vengeance. Car ce serait en totale contradiction avec le bien légitime désaccord à l’égard des ceux qui déboulonnent les statues, dénomment les rues, etc… pour des raisons idéologiques!
J’ai adoré cet article au vitriol de ces personnes que l’on adule tant le talent avec à la clé l’argent ont fait virer des têtes de linottes . A quoi nous renvoie au snobisme des biens pensants qui surf sur la vague de l’art mais il y a des aspects ombrageux dans toutes humanités . Les associations féministes en prennent pour leur grade
Comme toujours, le talent ne signifie pas que la personne qui en fait preuve soit un modèle de moralité, parfois au contraire, une belle ordure ! Il faut s’en souvenir quand des célébrités, sollicitées par la presse, émettent des avis en dehors de leurs compétences, être connu ne signifie pas avoir quelconque autorité sur n’importe quel sujet !
Comme vous le dites « Mais il est encore d’autres icônes à déboulonner. La cancel culture est finalement un exercice assez plaisant » ! … Sauf que cela n’est pas « nouveau » au sujet d’artistes connus ou « reconnus » ! …
Qu’en est-il des actuels « seigneurs de la culture française ? Mais ne ne dit-on pas au sujet des politicards qui sont en place du plus haut plus bas des échelons de la FRANCE ? …
L’homme se comporte comme dans tous les autres « systèmes sociaux » des prédateurs de la planète ! … Et l’homme politique copie en plus l’oiseau qui chante souvent pour annoncer le printemps …
Rien de neuf en hypocrisie médiatique ! …
Madame Cluzel révèle son talent de polémiste, voilà un article bien enlevé et très drôle.
Quant au tableau « Guernica », exposé dans ce musée sans âme (Reina Sofia, sorte d’univers concentrationnaire) qu’est-ce que c’est ? : une affiche de propagande.
D’ailleurs, ne lui prête-t-on pas cette phrase : « Cette peinture n’est pas faite pour décorer les appartements. C’est un instrument de guerre, offensif et défensif contre l’ennemi. »
Faisons une expérience de pensée : et si le tableau s’appelait, euh, mettons » Alcazar de Toledo » , quelle valeur artistique lui accorderait-on aujourd’hui ?
Picasso avait du talent, c’était un bourreau d’activité, un contestataire, un rebelle. De là à en faire une icône, il y a un pas. Qu’il ait été républicain dans l’âme, c’est indiscutable. Qu’il ait été un héros, certainement pas. On ne défend pas ses idées et ses compatriotes à distance mais sur place comme l’ont fait tant de vrais héros. Qu’il ait été misogyne et ignoble avec les femmes, c’est peu dire du personnage.
Bref c’était un artiste novateur mais un individu humainement pour le moins discutable.
Picasso n’est pas toujours ma tasse de thé, bien que je lui reconnaisse un indéniable talent, mais parler de pédo- criminalité pour une très jeune fille de 17 ans qu’il aurait séduite en jounant de sa renommée ,me parait exagéré ( il est vrai que sa vie privée est tumultueuse comme pour beaucoup d’artistes, mais ne faut-il pas un peu séparer l’artiste de sa vie sinon on tombe dans la délation systématique) et l’article est plus reglement de compte, un peu hargneux, qu’une discussion libre sur l’artiste, ses impasses et sa déconstruction de la femme.
Picasso aurait très bien pu être ministre sous macron ..à Bauveau par exemple ou à l’écologie . Des postes qui ont vu passer d’autres prédateurs mais qui sont toujours en liberté
Très bon article, merci !
Le fameux Guernica sur lequel certains s’obligent à s’extasier est une escroquerie… Il n’a aucun rapport avec le bombardement ;certains affirment même que le tableau était fini avant
l’événement.
Le barbouilleur est une escroquerie artistique, culturelle et économique. Pas bête toutefois ;quand il s’est aperçu que des imbéciles accordaient plus d’importance à sa signature qu’à la peinture;il s’est empressé de multiplier les « chefs d’œuvres »