Piété populaire : profiter de l’été pour (re)bâtir les calvaires français

calvaire croix

L’Assomption est une fête mariale qui rappelle les vœux de Louis XIII et sa consécration de la France à Notre-Dame. Si, autrefois, la dévotion populaire était marquée par les fêtes votives, par les processions, et accompagnait toutes les étapes de la vie des hommes, elle a aujourd’hui un aspect désuet.

Pour preuve, l'effondrement du prénom Marie dans la population française, quand autrefois chacun le portait d’une façon ou d’une autre, même en deuxième prénom. Le sondeur et sociologue Jérôme Fourquet explique que si 20 % des nouveau-nés filles s'appelaient ainsi en 1900, il n'y en avait plus que 0,3 % en 2015. Un symptôme parmi tant d’autres de la déchristianisation du pays. Comme l'effacement - volontaire comme au Tréport, la veille du 15 août, ou bien faute d'entretien - des calvaires qu'il était d'usage, jadis, de fleurir le 15 août.

Combien de calvaires s'égrainant, tels des chapelets de pierre le long des routes de France, avons-nous pu remarquer lors de nos transhumances estivales ? Monumentales ou bien modestes, ces reliques d’une France d'autrefois font souvent grise mine. Un bras de la croix manque, le socle est assailli par les ronces, les inscriptions en sont effacées...

Pourtant, initiatives personnelles ou bien associatives, nombreuses sont les actions de restauration et de conservation des calvaires dans le paysage français.

Calvaire à vendre... sur leboncoin

Depuis la loi de séparation de l’Église et de l’État de 1905, il est interdit « d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit ». Ainsi, tous les calvaires ou les petites chapelles votives que vous pourrez croiser au détour des chemins datent au moins du XIXe siècle. Restent alors les propriétés privées, et si certains vendent les calvaires qui embarrassaient leurs jardins sur leboncoin, comme ce couple de propriétaires de Plélo (22), d’autres en édifient de nouveaux en bordure des leurs pour qu’ils soient visibles de tous.

Ainsi, en Occitanie, des propriétaires dont le jardin borde une départementale témoignent auprès de BV avoir récupéré auprès d’un maire rural (de gauche !) un ancien calvaire en fonte, qu’ils ont repeint, érigé sur un socle préparé à cet effet par un tailleur de pierre local et fait bénir en grande pompe par le curé de la paroisse lors d’une fête familiale : « Le maire nous a ouvert un local dans lequel reposaient tout un tas de croix anciennes dont plus personne ne voulait. » Aujourd’hui, pour rentrer chez eux, il faut se signer ! Une coutume d’autrefois bien oubliée.

L’association SOS Calvaires - dont le but est de sauvegarder les calvaires (comme son nom l’indique !), les chapelles et oratoires du patrimoine français - a déménagé le calvaire de Plélo dans une autre commune des Côtes-d’Armor. Cette association reconnue d’intérêt général comptabilise pour l’année 2023, selon ses chiffres, plus de 250 calvaires restaurés ou créés et 300 membres actifs.

Avec le soutien de cette association et de l’évêque du Puy, un jeune couple veut installer sur son terrain (propriété privée, donc…) proche du Puy-en-Velay et sur une des routes de Saint-Jacques de Compostelle, un grand calvaire de 5 mètres de haut à l’occasion du prochain Jubilé annoncé par le pape François en 2025. Les Bourdilleau veulent par cet acte, non seulement mener une mission familiale, mais aussi en faire un point de ralliement de la « piété populaire », créer « un point d’ancrage visible » et « illustrer la dynamique d’évangélisation dans nos milieux ruraux ». Une cagnotte a été lancée en mars 2024 pour financer le projet et en un mois, les quelque 5.500 € ont été récoltés. Mathieu Bourdilleau, le père de famille à l’origine de ce projet, témoigne de son étonnement face à la grande diversité des donateurs : « La majorité sont des jeunes de moins de 35 ans et des personnes éloignées de l’Église, c’est à la fois inattendu et réjouissant. » Ceux qui se réjouissent moins (et c’est un euphémisme) sont les voisins des Bourdilleau qui crient au prosélytisme, à l’afflux de masse des pèlerins, et regrettent cette manifestation religieuse dans l’espace public. Sauf que le calvaire sera dans une propriété privée et devrait donc bien voir le jour d’ici le mois d’avril 2025 ! Et si le projet aboutit, l’évêque Yves Baumgarten a pris l’engagement de bénir la croix portée en procession à travers le village depuis l’église de Saint-Vincent (Haute-Loire) !

Dans une vidéo publiée il y a trois jours sur le compte Instagram de La Dépêche du Midi, un groupe d’amis explique profiter de ses vacances pour restaurer de beaux calvaires aux socles de pierre et aux croix de fonte, souvenirs et témoignages de missions. Ces réfections ont le mérite, comme autrefois leur érection, de rassembler les générations et les locaux, comme le montre la diversité des bénévoles dans cette publication.

Enfin, un groupe de jeunes actifs témoigne auprès de BV avoir érigé une grande croix dans l'Aubrac pour un EVG (enterrement de vie de garçon). L'un d'eux, ébéniste, a fait la croix. Tous, ensuite - futur marié en tête -, ont gravi la montagne en la portant sur leur dos. Un EVG chargé de sens.

Bientôt, qui sait, comme les calvaires, les « petites Marie » chantées par Cabrel refleuriront dans les berceaux ?

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 17/08/2024 à 21:22.

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Ce sont de très belles initiatives dont je soutient le principe et la démarche, défendre, et préserver notre patrimoine ! Hervé de Néoules !

  2. Un grand merci et un immense bravo à ces gens qui entretiennent notre patrimoine et continuent de faire vivre notre culture!!

  3. A mon tour je remercie du fond du coeur ces jeunes qui consacrent leurs vacances à cette si noble cause, ainsi que cette famille qui fait construire un calvaire dans sa propriété et ces jeunes qui, pour un « enterrement de vie garçon » ont choisi un acte religieux et non point une de ces « fêtes » arrosées…..

  4. En Bretagne, les calvaires et fontaines miraculeuses sont des TRESORS qu’il faut absolument préserver, mais là bas aussi les VANDALES sont à l’oeuvre et la gangrène bien installée
    bravo à ces jeunes courageux qui résistent à leur façon

  5. Je suis depuis un long moment les exploits de « SOS Calvaires ».
    Oui, je dis bien « exploits », car ils redonnent vie à des calvaires oubliés, quelquefois ensevelis par les affres du temps.
    En effet, ce que tous ces bénévoles, je serais tenté de dire « de 7 à 77 ans », font tient du miracle, de la bénédiction Divine !
    Alors oui, pourquoi ne pas profiter de l’été… Mais pas seulement…

  6. Merci à eux! Une facon de les aider est de réciter un chapelet ou une dizaine de chapelet pour eux.

  7. Un grand bravo à ses jeunes gents pour avoir érigé une grande croix dans l’Aubrac et aussi à Monsieur Bourdilleau.

  8. Cela va « choquer » nos laïcards qui profitent des jours fériés des fêtes religieuses sans vergogne !!

    • Même action dans le Gers, qui a fait l’objet d’un reportage très positif sur le site Instagram de la Dépêche « ils restaurent des vielles croix ». Journal pourtant à Gauche… d’ailleurs il y a quelques années le maire socialiste de mon village nous a donné un calvaire, afin qu’il soit preservé et reinstallé.

  9. Je manque de force maintenant mais il fut un temps où j’aurais participé à ces actions c’est notre devoir de Français de protéger notre culture et notre patrimoine

  10. Un grand merci ..Bravo quel courage …en espérant que des vandales ne vont pas essayer de les détruire

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