En plus, ils nous ont affamées !

Une universitaire, Priscille Touraille, a publié sa thèse en 2008 (sous la direction de Françoise Héritier), Arte y a consacré un documentaire en 2014 et, ces derniers temps, la question a rebondi : pourquoi les femmes sont-elles, en moyenne, plus petites que les hommes ? Réponse de Mme Touraille : parce que les hommes, en leur mesurant la nourriture, ont opéré une sélection, favorisant les femmes plus petites, donc moins exigeantes en termes de calories – même si les plus grandes avaient un avantage certain en matière de reproduction, les accidents d’accouchement étant moins nombreux.

Sans vouloir entrer dans une discussion technique, il est aisé de vérifier que la thèse a été discutée par des scientifiques invoquant l’absence de compétence de l’auteur et de ses laudateurs en biologie évolutive : il n’y aurait pas, dans ce domaine, de confirmation de sa thèse. Elle a, certes, été défendue par d’autres mais les enjeux idéologiques rendent le cas troublant et perturbent le jugement du profane. Ainsi ne me déplairait-il pas de mesurer quelques centimètres de plus et aurais-je plaisir à ne pas lever la tête quand je parle à certains qui me dépassent largement. Pourtant, les études montrent que les femmes recherchent des hommes plus grands qu’elles quand il s’agit de reproduction ! Bizarre.

Toutefois, une question se pose : admettons qu’à « l’origine » (quoi que cela veuille dire) mâles et femelles aient eu la même taille. Les cas sont rares chez les mammifères, mais ils existent et, paraît-il, plus les espèces sont monogames, plus les tailles se rapprochent, la polygamie engendrant une compétition entre mâles qui favorise les plus grands et plus forts. Mais même dans le cas de rapprochement, la tendance est toujours en faveur du mâle, sauf exception, et la baleine bleue (pas toutes les baleines) est souvent citée en exemple : taille impressionnante et différence de un à deux mètres en faveur de la femelle.

Alors, si nous avions la même taille, pourquoi les femmes ont-elles accepté les restrictions alimentaires ? Pourquoi n’ont-elles pas résisté, ne se sont-elles pas battues pour l’accès à la nourriture ? Autrement dit, leur manquait-il du muscle (l’égalité de taille n’impliquant pas l’égalité de force), leur manquait-il la volonté de combattre, s’opposer (instinct de lutte, testostérone) ? Dans ce cas, la taille n’est rien qu’un élément non signifiant si elle ne s’accompagne pas d’avantages en matière de survie, qu’il s’agisse de recherche de nourriture, de compétition interne, de confrontation extérieure (animaux et autres groupes humains). L’avantage reproductif (meilleure résistance à l’accouchement) des grandes femmes, qui devrait être décisif pour la survie du groupe, ne semble pas si important puisque les petites, plus recherchées selon l’auteur de la thèse, ont engendré des filles plus petites aussi, d’où l’état actuel.

Dès lors, pour les féministes qui ont récupéré joyeusement cette thèse, quel intérêt ? Évidemment dénoncer l’exploitation millénaire des femmes par les hommes, se revendiquer victime jusque dans la mesure du corps, affirmer jusqu’au centimètre une égalité dont nous n’avons su que faire… Mais encore ? Convoquer Procuste ne servirait à rien puisque cette théorie montre que le problème n’est pas là. Ce n’est donc pas le corps qu’il faut changer mais le psychisme des hommes, et pour cela, une accusation supplémentaire est tout bénéfice : affameurs, violeurs, porcs sans états d’âme, tueurs sans scrupules, chasseurs… que sais-je encore. Les hommes accablés de culpabilité finiront par devenir des femmes comme les autres. Et dans nos contrées, nous sommes sur la bonne voie, entraînés à la repentance, habités d’une mauvaise conscience chrétienne devenue folle, habitués à nous dénigrer à tout propos.

Mais il n’en va pas partout de même…

Olga Le Roux
Olga Le Roux
Professeur

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