« Plutôt que des exemples, les membres de la famille royale sont le miroir des Britanniques »

Cet été, Lord Ivar Mountbatten, cousin de la reine Élisabeth II, épousera son compagnon : ce sera le premier mariage gay pour la famille royale britannique. Lors du mariage du prince Harry avec Meghan Markle, on a pu constater à quel point les Anglais sont attachés à leur monarchie. Pensez-vous que les membres de la famille royale sont des exemples pour les citoyens anglais ?

Je me demande s’ils ne sont pas plutôt leur miroir. Ils sont populaires parce qu’ils ressemblent à leurs sujets et, ainsi, remplissent la fonction d’une idole, en tant que projection de chaque Britannique. Cela présente peut-être un risque en cas de crise grave, car tant que les choses vont bien, c’est sans doute ce que les gens cherchent dans leur monarchie, mais si les choses vont très mal, leur famille royale ne pourrait plus se présenter comme le rocher du salut parce qu’il lui manquerait le sentiment de distance nécessaire pour inspirer confiance. Ce serait l’effet pervers de cette promiscuité qui n’a cessé de s’imposer sous le règne d’Élisabeth II. Cette évolution n’a probablement pas été souhaitée par la reine, mais elle a dû composer avec son temps.

Nos médias nous ont martelé que la famille royale anglaise évoluait : mariage princier avec une femme métisse divorcée, et maintenant un mariage gay en vue pour un cousin de la reine cet été. Est-ce réellement un signe des temps ?

Certainement, car autrefois, un lord anglais, un roi même – ne serait-ce qu’Édouard II -, pouvait avoir les mêmes préférences sexuelles que l’actuel Lord Ivar, sans pour autant revendiquer un « mariage ». La remise en cause de ce qu’il y a de plus fondamental dans une société peut faire peur. De même, la bombe atomique fait peur ; nos manipulations génétiques, nos tentations pour le clonage donnent des frissons. Jamais, peut-être, l’homme n’a été aussi responsable de lui-même. Mais je suis un homme de foi : je crois que là où le mal abonde, la grâce surabonde. Au-delà, je crois comprendre le sous-entendu de votre question : à quoi servirait-il de réinstaurer chez nous une monarchie si rien ne devait s’améliorer au fond, du point de vue civilisationnel ? Mais qu’attendez-vous des rois ? Qu’ils soient des extraterrestres dans un monde moderne corrompu ? S’il s’avère que l’un d’eux est corrompu, il l’est comme tant d’autres hommes de notre société décadente. Mais une chose sont les hommes, autre chose sont les institutions. Je ne professe pas des hommes, encore moins des surhommes qui n’existent pas dans la nature, je professe des institutions.

Lors des cérémonies de "Trooping the Colour" et l'anniversaire de la reine Élisabeth, Meghan Markle a choisi de paraître revêtue d'une robe laissant apparaître ses épaules, contrairement à sa belle-sœur, Kate Middleton, habillée de manière plus protocolaire. On a vu des citoyens britanniques s'en scandaliser, d'autre se réjouir de ce que l'épouse du prince Harry s'inscrivait dans la modernité. Peut-on qualifier le peuple anglais de "conservateur" ?

D’une certaine façon, oui, on voit que beaucoup souhaiteraient justement que leur monarchie soit plus distante, donc plus élevée : une institution qui fasse lever les yeux. C’est, d’ailleurs, très exigeant pour les membres de la famille royale, comme aussi pour les personnes qui les épousent ; d’autant que beaucoup de ces personnes, de par leur origine sociale et culturelle inférieure, ne sont pas préparées par leur éducation à endosser ce costume intemporel.

Entretien réalisé par Sabine de Villeroché

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 20:04.

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