Plutôt que galvauder la dignité, la gauche devrait propulser la « dignitude »
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En ce mois de mars 2021, le Sénat a osé rejeter le projet de Mme Marie-Pierre de La Gontrie, visant « à établir le droit à mourir dans la dignité ». Comment est-ce possible, alors qu’il était présenté comme « la seule voie permettant d'ouvrir et de faciliter le libre choix de nos concitoyens pour leur fin de vie » ? Il s'agissait d'un nouveau droit, c'était un pur progrès comme la gauche en a le secret. Rien n’interdisait à celui qui ne voulait pas « mourir dans la dignité » de continuer à vivre, ou de mourir dans l’indignité de son choix.
En réalité, le Sénat n'a pas refusé en bloc la loi, mais son article premier sur « l'aide active à mourir », autrement dit le suicide assisté ou l'euthanasie. La parlementaire a alors retiré son projet, l’estimant désormais « vidé de sa substance ». Il n’était donc plus digne d’être débattu et la sénatrice a, comme qui dirait, pratiqué l’euthanasie de sa loi. J’y vois un signe de fidélité à ses convictions mais aussi celui d’une tentative de « tromperie sur la marchandise » : n’aurait il pas été plus « substantiel », et donc plus vrai, d’intituler directement sa proposition de loi « projet pour le droit à une aide active à mourir » ?
Pour moi, la réponse est « oui ». Mais voilà, si chacun est pour la dignité, tout le monde n’est pas prêt à étendre l'aide au suicide et, sans avoir fait HEC, on comprend que ce second intitulé est bien moins vendeur que celui qui arbore la dignité garantie. On peut trouver le procédé un peu indigne, mais le but était le progrès et la fin justifie les moyens.
Le drame est qu'en galvaudant ainsi ce mot « dignité », c’est concrètement la dignité substantielle de l’homme qui se trouve sapée. En disant qu'il faut parfois tuer pour préserver la dignité, ce projet entérine intrinsèquement que des hommes ne sont plus assez dignes pour vivre.
Mon travail de médecin hospitalier m’a fait rencontrer des personnes en « coma végétatif », plus vulgairement appelés des « légumes ». Aucune ne m’a paru moins digne qu’un humain conscient. De même, une centaine de fois, j’ai été appelé pour constat de décès. Face à ces frais cadavres, je n’ai jamais perçu une quelconque indignité. À chaque fois, la même certitude s’imposait à moi : c’est un Homme comme moi, et mon tour arrivera. Il me semble que cette conviction suffit à m’imposer le respect immédiatement, comme un réflexe naturel. La dignité de chacun était évidente, sans besoin d’effort de réflexion.
Je dois confesser, en me donnant seulement aujourd'hui cette peine, que je comprends encore mal ce que signifie « mourir dans la dignité ». Finir écrasé par un camion, est-ce plus digne que par un cancer ? Louis XVI est-il mort plus ou moins dignement que son père ? Mahomet plus que Jésus-Christ ?
Plutôt que chercher le mieux avec une nouvelle loi, il me semblerait moins dangereux et plus utile de bien appliquer avant tout les lois existantes et donc de développer les moyens pour améliorer les soins palliatifs.
Par exemple, je découvre sur societeinfo.com qu’il existe à Valognes une société nommée DIGNITUDE qui fabrique « des vêtements adaptés au problème de mobilité (hospitalisation, vieillissement) ». On dirait malheureusement qu’elle végète car son dernier chiffre d’affaires est de 92 euros. Si elle mourait sans assistance, Mme Ségolène Royal ne devrait avoir aucun mal à émouvoir davantage que chez Nicolas Sarkozy quand il s’agira de gémir de nouveau « Quelle indignité ! »
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