PMA pour toutes : Macron est-il assez joueur pour risquer de réveiller l’opposition ?

Ainsi, donc, le Comité consultatif national d’éthique vient de rendre son avis : il est "favorable à l’ouverture de la PMA à toutes les femmes". Mais il "reste attaché à l’interdiction de la GPA, refuse l’existence d’une GPA éthique et veut renforcer sa prohibition".

Pourquoi donc un tel écho médiatique à cette déclaration ? Parce qu’Emmanuel Macron avait subordonné l’élargissement du champ de la PMA aux "couples de femmes" à cet avis. De théoriquement consultatif, le comité devient donc, dans les faits, pré-législatif.

LE CCNE "reconnaît le problème de l’absence de père mais estime que la souffrance des femmes doit être entendue". La saison est au brevet des collèges, c’est sans doute ce qui explique que le CCNE justifie sa conclusion par un argumentaire tiré d'une rédaction de 3e :

"L’absence de père" est rangée à la hâte - la cloche allait sûrement sonner - dans la catégorie de "problème", mot qui peut recouvrir aussi bien la perte de l’effaceur d’encre que l’oubli du compas. Ne pas avoir de père, c’est contrariant. Comme si la carence abyssale était de ce registre-là. Il existe des enfants sans père et qui s’en sortent dans la vie. Il existe aussi des enfants manchots heureux. A-t-on le droit, pour autant, d’amputer sciemment un enfant de son bras ? Et de sa filiation ?

Viennent ensuite lourdement les violons : "La souffrance des femmes doit être entendue." Mais entendre la souffrance est une chose. Faire n’importe quoi pour la résoudre en est une autre. La femme en mal d’enfant qui soustrait un nouveau-né dans une maternité est aussi en souffrance. Cela justifie-t-il le vol de bébé ?

Et si la souffrance des femmes doit être entendue, pourquoi rester sourd à celle des hommes ? Le CCNE est bien injuste de vouloir leur refuser la GPA. Pourquoi n’avoue-t-il pas déjà qu’il cédera dès que, selon les mots d’Emmanuel Macron, "la société sera prête" ? Pour faire passer la pilule du mariage pour tous, on avait affirmé que jamais, au grand jamais, la PMA pour toutes ne serait légalisée.

Tout cela sent son petit tour de passe-passe : on dirait que tu serais le comité d’éthique et que je te demanderais ton avis. Comme par un fait exprès, il serait le même que le mien. Ce qui me permettrait de faire passer la loi en Macronce-Pilate, sans déclencher une bronca : puisque les experts - neutres, inutile de le préciser, ce serait un pléonasme - ont parlé !

En 2005, le CCNE se disait opposé à la PMA "venant en aide à une préférence sexuelle", la disant "destinée à résoudre un problème de stérilité d’origine médicale". Mais sous Hollande, le gouvernement a procédé au renouvellement statutaire du CCNE. Des proches du Président y ont fait leur entrée, suscitant d'ailleurs un tollé : "Certains avis du CCNE n’ont pas plu à François Hollande. Plutôt que de changer d’avis, il a préféré changer le comité d’éthique", lança Jean Leonetti.

La PMA pour toutes était LA revendication de la récente Marche des fiertés, que le gouvernement a soutenue comme jamais. Le Comité d’éthique lui donne son nihil obstat. Tout est au vert… ou presque. Une seule inconnue : la menace que le député Xavier Breton agitait le 20 juin dernier : "Si la majorité fait passer la PMA, il y aura un nouveau mouvement social." Macron veut-il courir le risque de remettre une pièce ? La capacité de mobilisation a pu être sérieusement émoussée, notamment par les consignes de vote illisibles de LR. Ou au contraire, après la déconfiture dans les urnes, la droite des valeurs piaffe peut-être de jouer le match retour sur le bitume, et de profiter de cette cause commune pour trouver son unité.

Reste à savoir si Emmanuel Macron est joueur.

Gabrielle Cluzel
Gabrielle Cluzel
Directrice de la rédaction de BV, éditorialiste

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