[Point de vue] Badinter : une grande figure du camp du Bien disparaît

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On la croyait oubliée, on voudrait l’oublier, cette époque des grands bourgeois de gauche et de leur générosité engagée, de ces représentants d’un peuple vu de loin et de haut, de tous ces Tartuffes nouveaux, toujours prompts à clamer leurs bonnes actions partout et surtout à la télévision, et à inventer un récit épique dont ils étaient les héros. On la croyait oubliée, cette époque sinistre d’une hypocrisie où, loin de servir, on se servait, où loin de ne pas montrer, on se montrait tant qu’on pouvait, et dès qu’une caméra passait par là. Et soudain, elle ressurgit des limbes d’un espace-temps à peine refermé.

Robert Badinter est mort, celui qui fit abolir par l’Assemblée nationale la peine de mort. Ah, le grand homme ! Et qui ne connaît cette grandeur, depuis quarante ans qu’on le dit, le claironne, le rabâche partout, à France Inter, France Info et sur toutes les chaînes, au cinéma, au théâtre, et on lui commanda même, un jour, un livret d’opéra, comme s’il n’y avait pas d’autre librettiste que cet ancien ministre de Mitterrand. Et mercredi, l’hommage national, et le Panthéon peut-être, entre Simone et Joséphine. Et voilà que tous les médias recommencent leur hymne à la joie d’être de gauche et du camp du bien et des gens de bien : à eux le prestige, les honneurs, l’encens, les louanges, les gratifications et la gloire. La gloire, surtout, de s’être servi, à la louche, et la louche était bien pleine. La gloire de dire : oubliez-moi, je n’ai rien fait ? Non, la gloire pour se faire glorifier chaque jour davantage.

La mort s’est-elle arrêtée avec lui ?

Déj, la machine médiatique tourne à plein, réglée sur l’hommage à ce porteur de toutes les vertus. Et l’on voit soudain ressortir la momie de Jack Lang, souriant sous les bandelettes, et le fantôme de Jospin, blanc et sinistre comme un linceul, et tous ceux qui l’ont connu (joie suprême), ceux à qui le grand homme a prêté sa toge trouée d’avocat, cette relique du saint, ceux qui ont joué son rôle, ceux qui l’ont côtoyé, ils sont là, tous émus, racontant, pleurnichant, ah, comme il était grand, ah, quel homme d’exception il fut ! Faut-il que notre époque manque de héros !

Il a aboli la peine de mort. Mais la mort s’est-elle arrêtée avec lui ? Elle continue, dans les hôpitaux, sur les champs de bataille, dans les attentats, partout, et lui, qu’a-t-il fait, en définitive ? Il a fait supprimer une peine de mort qui n’existait quasiment plus, il aura sauvé trois ou quatre assassins d’enfants. Quelle victoire, comme dirait l’autre, tout ça pour ça ?

Le camp du bien, ses médias et sa fumée sont une suie qui souille les âmes et les couvre de vanité. Leurs grands hommes sont de petits acteurs qui ont bien joué leurs rôles et leurs carrières. Déjà, on entrevoit le discours du Président et tous les hommages officiels à la grande figure du bien qui s’est éteinte, fatiguée d’avoir tant claironné combien elle était belle !

Mais pour moi, à tous ces porteurs de bonnes actions, de sacs de riz, de libertés et de droits d’un monde sans frontières, à tous ces pitres de la télévision, je dédie simplement, en guise d’oraison funèbre, cette citation de l’Évangile selon saint Matthieu (6:1). Jésus dit à ses disciples : « Faites attention à ne pas exhiber vos bonnes actions devant les hommes pour attirer leur attention ; vous perdrez ainsi toute récompense de la part de votre Père qui est aux cieux. »

Jean-Pierre Pélaez
Jean-Pierre Pélaez
Auteur dramatique

Vos commentaires

47 commentaires

  1. Le lendemain de l’abolition de la peine de mort, j’ai senti dans les détentions qu’une « digue » avait cédé, et l’ambiance a totalement changé ! Les criminels avaient gagné !

  2. Les victimes de ces barbares ne lui disent pas merci et nous non plus parce que vu à quelle allure la violence augmente bientôt on y sera tous confrontés .

  3. Il apparaît ce jour (Figaro) que la famille Badinter ne souhaite voir à l’hommage « national » ni LFI ni le RN. Ca fait un paquet de Français. Les partis indésirables, soucieux de leurs électeurs, n’ont qu’à pas se pointer. Voilà qui permettrait à Macron de ne célébrer qu’un petit raout privé, avec drapeau français sur le cercueil (sait-on que tout le monde peut le demander? Il n’y a aucune loi qui l’empêche), un léger entre-soi judéo-socialo-placevendômiste. On se demande si la famille de Patrick Henry sera conviée. Mais que la famille se rassure: l’hommage sera « offert » par tous les contribuables,

    • C’est une cérémonie entre socialistes, une sorte de lot de consolation consécutif au 1,7% de voix engrangées lors de la dernière présidentielle.

  4. Toutes ces belles consciences appartiennent au camp des Vains. La mauvaise conscience est finalement la meilleure car elle nous fait progresser et nous poussant à ne pas nous satisfaire d’idées et de morales prêtes à porter.

  5. Le lendemain du décès de Badinter, LCI diffusait un extrait d’une interview de celui-ci par Darius Rochebin. Le sujet portait sur la politique internationale. Car comme chacun sait les « grandes-consciences-de-gauche » savent tout sur tout. Badinter expliquait doctement (il est vrai que c’est le seul registre que connaissent ce grandes consciences pour s’exprimer) que pour la guerre en Ukraine il faudrait un jour ou l’autre en venir à la négociation, car expliquait-il à un Rochebin tout esbaubi devant une telle intelligence, que « la parole vaut mieux que les obus ». Il est vrai que pour les socialistes les paroles valent toujours mieux que les actes, il suffit par exemple de voir Macron…
    Par conséquent, si on suit cette logique, un pays en envahit un autre, occupe une grand partie de son territoire, cause des centaines de milliers de morts, puis arrive tout benoitement à l’ONU pour dire qu’il est prêt à négocier à condition qu’on lui laisse ce qu’il a volé.
    Evidemment, notre nouveau Badinter-Kissinger n’a pas une seule seconde réfléchi au fait qu’une telle situation ressemblait beaucoup à ce qui était arrivé aux Sudètes, pendant l’Anschluss, puis en Pologne.
    Le problème avec ces super intellectuels de gauche proclamés par des médias amis, c’est qu’ils sont en réalité complètement idiots.

  6. Voila qui est bien écrit: « la générosité des bourgeois de gauche », pour soulager leur (mauvaise?) conscience, certes mais surtout pour aller à l’encontre de la volonté du peuple. La peine de mort, l’immigration, tous ces sujets porteurs de la générosité de gauche qui ne font l’objet d’aucun référendum, à la réponse connue d’avance, auprès de ceux qui souffrent des conséquences de ces bons sentiments. Car ses bons sentiments sont virtuels, déconnectés de ceux qui souffrent réellement, souvent en silence. Cette gauche morale a tourné le dos au peuple le plus nombreux pour faire plus chic en s’apitoyant sur les minorités surtout si elles sont délinquantes, comme d’autres ont abandonné le tennis pour le golf.

  7. Aux grands hommes la gloire.Mais cette époque est à jamais révolue car le bilan s’alourdit de jour en jour quand des individus sans foi et sans lois appliquent la peine de mort à des innocents. Ces individus ont même l’indécence devant les médias d’exprimer et justifier leurs méfaits et pour certains de se plaindre de leur détention.

  8. La mort, pour beaucoup de nos élites, pare de toutes les vertus des gens qui ont agit par le verbe ou les écrits contre la volonté de leur peuple.

  9. Abolition de la peine de mort ? Les criminels savent qu’ils ne risquent plus rien….libérés au bout d’un certain temps, les innocents savent qu’ils risquent leur vie tous les jours. Il faut rendre hommage dans la vérité. Le droit à été renversé !

  10. Badinter par-ci, Badinter par-là: la peine de mort était en voie de disparition avec la construction européenne. Lui ou un autre, elle aurait été abolie de toutes façons.

  11. Si cet individu autrefois ministre d’un autre non moins triste individu décoré de la Fransisque , avait eu un de ses enfants ou paravents proches , massacré par un Fourniret ou un Émile Louis et autre Mohamed mehra , on aurait écouté ses propos sur la peine de mort …Et puis non , ce type comme ses complices sont ultra protégés, sa famille ne risquait aucune mauvaise rencontre dans les beaux quartiers , donc ce sinistre individu pouvait allègrement interdire la,peine de mort pour les meurtriers et autres terroristes ..mais par la même occasion ce badinter ( je refuse d’écrire son nom abhorré avec une majuscule ) ce ministre a condamné à mort combien de pauvres victimes innocentes ?

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