[POINT DE VUE] Belloubet à l’Éducation nationale : plus Ndiaye que Attal ?

BELLOUBET

La nomination de Nicole Belloubet décrédibilise la politique éducative de Gabriel Attal

Alors qu'Amélie Oudéra-Castéra paraissait insipide et qu'on pouvait penser que Gabriel Attal, depuis Matignon, tiendrait les ficelles de la politique éducative, c'est une femme qui se revendique de gauche qui a été choisie pour lui succéder. Bien que Nicole Belloubet assure qu'elle poursuivra « la mise en œuvre » des mesures annoncées par le Premier ministre quand il siégeait rue de Grenelle, tout son passé fait craindre qu'elle ne ressemble à un Pap Ndiaye en jupons.

Gabriel Attal lui-même – ou plutôt les hauts fonctionnaires qui restent au ministère quand passent les ministres – semble avoir rétropédalé sur une mesure phare du « choc des savoirs » : l'instauration de groupes de niveaux au collège, en français et en mathématiques. Le projet d'arrêté relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège, qui a été rejeté à l'unanimité, le 8 février, par le Conseil supérieur de l'éducation (CSE), instance consultative, présentait une version édulcorée de ses premières annonces. Le texte prévoyait, en son article 4, que ces enseignements sont organisés « en groupes », sans la précision « de niveaux ».

Ce détail n'est pas sans importance. Le ministère espérait ainsi faire passer la pilule, la plupart des organisations syndicales criant à la remise en cause du collège unique. Le SNPDEN, syndicat majoritaire chez les personnels de direction, qui avait publiquement dénoncé une réforme « contraire à [ses] valeurs », annonçant que les principaux de collège refuseraient de mettre en place des groupes de niveaux, ne s'y est pas trompé. « Les lignes ont un peu bougé sur les questions des groupes de niveaux », a déclaré, sur France Info, son secrétaire national. Tout laisse à penser qu'avec l'arrivée de Nicole Belloubet, les annonces de Gabriel Attal resteront lettre morte.

Faut-il rappeler que, dans un article de 2016, elle avait dénoncé les « fariboles sur la restauration de l'autorité ou le port de la blouse » et qu'elle défendait la désastreuse réforme du collège lancée par Najat Vallaud-Belkacem ? Gabriel Attal a beau déclarer qu'« on peut avoir pris des positions dans le passé et avoir évolué », il a beau assurer que ses ministres sont « totalement alignés » sur sa position, on peut douter que le redressement de l'enseignement promis, qui avait pu susciter quelque espoir, ne soit qu'un feu de paille qui s'éteindra bientôt ou sera noyé dans des demi-mesures qui aggraveront les conditions d'enseignement plus qu'elles ne les amélioreront.

On voudrait bien lui faire crédit de la sincérité, mais on sait que tout se décide à l'Élysée et qu'il ne fait rien sans le consentement de son maître. Il faudrait être bien naïf pour croire que Macron est, dans le domaine de l'éducation, pétri de bonnes intentions. Il change de ministre de l'Éducation nationale comme de chemise, en fonction des circonstances et par calcul politique. Derrière les bonnes paroles, dans lesquelles il faut reconnaître que Gabriel Attal est habile, Macron n'est en rien le défenseur d'un savoir émancipateur, qu'il faudrait dispenser au maximum des élèves. L'objectif du président de la République française, qui rêve de présider l'Europe, est de donner au peuple les seules compétences qui lui soient nécessaires pour faire tourner le marché.

Ces prétendus démocrates ont un profond mépris du peuple, ils s'en méfient comme de la peste, mettant, quand ils se sont donné le mal d'en faire, leur progéniture à l'abri. Tout leur art consiste à faire croire aux Français qu'ils s'occupent d'eux alors qu'ils ne se soucient égoïstement que de leurs propres intérêts. La ficelle est trop grosse et la supercherie se dévoile de plus en plus.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

50 commentaires

  1. Difficile de croire que cette personne a une idée républicaine de la laïcité quand on l’a entendue déclarer que le blasphème relevait de l’atteinte à la liberté de penser .

  2. En choisissant Belloubet comme ministre de l’Education Nationale, Gabriel Attal se dédit de sa Politique Générale et effectue un virage à 180°. On peut en conclure que tout le reste va prendre le même chemin. Si ce choix a été inspiré par Macron, et, s’il est sincère dans ses convictions, Gabriel Attal devrait offrir sa démission au Président. Comme Chirac en son temps il en sortirait grandi. S’il décide de se maintenir en dépit des divergences de convictions, il se grille définitivement.
    Victorine31

  3. Syndicats et pédagogues ont largement contribué à la chute de l’Education Nationale . Des enseignants fiers de leurs résultats puisqu’ils ne souhaitent surtout pas redresser la barre. Belloubet, un grand plaisir pour eux. Ils seront accompagnés dans leur démarche de déconstruction. Macron confirme son objectif, désintégrer la France.

  4. Ne sommes nous pas un peu défaitistes par avance ??
    Le Parlement aura toujours la possibilité de s’opposer à des mesures trop gauchistes en mettant en oeuvre une commission d’enquête ad hoc …où LR et RN pourraient exiger les réttogradations nécessaires… non ?

  5. La plongée vers la bas va continuer. Il serait temps d’en revenir à 1945 : les fonctionnaires et le Service Public n’avaient pas le droit de grève.

    • Entièrement d’accord ! On pourrait aussi rapeler, si je ne m’abuse, que ne pouvaient être fonctionnaires que des Français de deuxième génération au moins et, pour les hommes, qu’ils aient accompli leur service militaire… Mais je me trompe peut-être, c’est un vague souvenir qui me revient.

  6. Pour aller rechercher Belloubet pour un ministère, faut pas demander le mal que ça a donné à LREM-Renaissance pour trouver des ministres.
    Cette fois ils ont fait les fonds de tiroirs, je crains que la prochaine fois ce soit les greniers, puis les poubelles !

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