[POINT DE VUE] Benlazar : look bobo ou de salafiste ?

Capture écran France 5
Capture écran France 5

Le 31 janvier, Merwane Benlazar, humoriste et chroniqueur sur France Inter, était invité, pour y faire sa première chronique télévisuelle, sur France 5, dans l’émission C à vous, présentée par Anne-Élisabeth Lemoine. Tout se passait bien, la présentatrice était hilare…mais ce passage aura été le dernier. En cause, on le sait désormais, la tenue du nouveau chroniqueur : longue barbe, bonnet et pull ample évoquant, selon un certain nombre de commentateurs, une djellaba. Ni une, ni deux : Rachida Dati l’a fait virer. Il a décidé d’en rire en faisant un sketch pour un public conquis.

« Je savais que j’allais être viré un jour… bon, par une Arabe, c’est chiant. » Le ton est donné. L’homme explique que sa femme lui avait conseillé ce bonnet, pour faire « bobo », et ce pull, auquel elle trouvait quelque chose de « coréen ». Mauvaise pioche. Le sketch est plutôt drôle et Merwane Benlazar sait rebondir. Le bonnet ? Pour cacher sa calvitie. Le pull ? Pour être à la mode. Il n’aurait pas dû écouter sa femme. Dans cet extrait, disponible sur les réseaux sociaux, l’humoriste assume tout et met les rieurs de son côté. Mais le problème n’est pas tant sa tenue que les propos qu’il a tenus par le passé, notamment sur son compte X. C’est ce que Rachida Dati - renvoyée par lui à son statut d’« Arabe » - a d’ailleurs expliqué à l’Assemblée nationale. Parmi ceux-ci, on retient le message qu’il a adressé à une femme qui se plaignait de n’avoir pas reçu son colis UPS parce qu’elle était absente de son domicile : « T’étais encore en club alors que la place d’une femme est à la demeure auprès de son père. Crains ton seigneur. » On pourrait continuer longtemps dans la même veine : « La scène est pour moi une thérapie. C’est ce que je dirais (sic) dans ma première itv [interview] télévisuelle », suivi de « Faux je dirais (sic) : c’est grâce à l’islam, convertissez-vous ». Ou encore « Les femmes sans le ménage vous seriez des grosses ». Merwane Benlazar a beau dire qu’il voulait afficher un look de bobo à la mode, ses propos sont moins ambigus. Oui, on peut dire sans exagérer que le service public a proposé à un musulman observant de faire une chronique télé et qu’une radio (du service public également) l’a conservé comme chroniqueur.

Peut-être Merwane Benlazar est-il de bonne foi et peut-être ne voulait-il pas, en effet, se montrer vêtu comme un salafiste. Mais, comme tout homme de spectacle, il devrait comprendre que ce qui est important, ce n’est pas ce qu’il veut dire mais ce que le public entend… ou, en l’occurrence, ce que le public voit. Par ailleurs, il n’a aucune intention de s’excuser pour ses tweets polémiques, ce qui est tout à son honneur (il assume), mais ne sera pas de nature à rassurer les tenants de la laïcité.

Il n’y a plus de vivre ensemble. Il y a une archipellisation jusque dans l’humour. Celui qui rit avec Gaspard Proust n’aimera pas Merwane Benlazar, alors que le public de Jean-Marie Bigard n’avait rien contre celui de Raymond Devos, et que Pierre Desproges pouvait se moquer gentiment de son ami Bedos dans ses spectacles. C’est la principale leçon de cette affaire, au-delà des erreurs d’interprétation et des tweets « problématiques », comme on dit de nos jours. L’humour était autrefois une manière de réconcilier les communautés. C’est désormais un marqueur communautaire.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

29 commentaires

  1. Je ne vois pas bien pourquoi on parle d’humoriste à propos de ce sympathique prêcheur. Il ne pratique pas l’humour, mais la dérision, ce qui n’a pas grand’chose à voir : c’est un « art » à part, créé pour les bobos masochistes, qui fleurit depuis Bedos [regardez ses sketches (ceux d’après Daumier) : il n’avait envie que de mordre, d’agresset et d’abaisser].

  2. Madame Lemoine souriant y compris quand cela ne la fait pas rire avec son tribunal de la pédansphère, pourvu qu’on ait bonne réputation chez les bobos tolérants des beaux quartiers, spectacle pathétique car servant la soupe à ceux qui à une autre heure, appellent à la destruction de la France.
    Je pense que les « médiapartisans » du pouvoir sont en pleine soumission passive après avoir vu Bellatar et Benalla à l’Elysée, entre autres énèrgumènes. La liberté m’impose de dire les choses comme elles sont.
    L’humour se préservera facilement de ce type de propagande bien malpensante.

  3. Qui pourrait croire que ce « brave bonimenteur » pourrait librement s’exprimer en Corée du nord ? En tout cas, ce qu’il profère, tous rires préenregistrés mis à part, nous prenant tout de même un peu, au passage et pour rester polis, pour des perdreaux de l’année, me semble davantage s’apparenter à la menace (à peine voilée, si l’on peut le dire ainsi) qu’au trait d’humour…voici pour l’archipel !

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