[Point de vue] Carl Tarade, cette victime des émeutiers dont personne ne parle
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Dans la nuit du 29 juin, à Cayenne, en Guyane, un homme est mort chez lui, sur sa terrasse, durant les émeutes consécutives au décès, à Nanterre, de Nahel M. Carl Tarade, 54 ans, a succombé après avoir été atteint d'une balle en plein thorax en marge des affrontements entre les forces de l'ordre et les émeutiers à la cité Stanislas, non loin du Mont-Lucas.
Ce quartier, situé dans le sud-ouest de Cayenne, fait partie des réalisations des années 1990. Les autorités y ont construit 650 logements sociaux où s'entassent près de 6.000 habitants dans une promiscuité innommable. Le chômage y étant important, les populations se réfugient dans les trafics et la violence. Très régulièrement, des affrontements opposent les voyous du quartier aux forces de l'ordre et les incendies de poubelles, jets de pierres et usage d'armes diverses contre les policiers et même les pompiers ne se comptent plus. Le Mont-Lucas, c'est la version exotique du quartier des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes (Essonne).
C'est dans ce contexte explosif qu'apprenant ce qui s'est passé dans l'Hexagone pour Nahel, les jeunes du Mont-Lucas ont voulu se montrer solidaires en organisant des manifestations non autorisées. En Guyane, comme partout ailleurs en France, la défiance de l'autorité incarnée par les forces de l'ordre est le jeu par excellence pour exprimer la colère.
Le 29 juin, Carl Tarade a entendu les manifestants et, comme l'aurait fait n'importe qui, il s'est mis sur sa terrasse pour scruter ce qui se passait. Il n'est pas sorti dehors et n'a pas participé aux émeutes. C'est un citoyen chez lui à la maison, qui n'avait rien demandé à personne, qui va être tué d'une balle tirée par les émeutiers. On n'est plus en sécurité dans ce qui devrait être le lieu le plus rassurant pour l'être humain : le domicile.
L'information sera assez rapidement relayée en Guyane et dans tous les médias ultramarins car une équipe de télévision interviewait les autorités locales juste avant le drame. Carl Tarade sera la première victime des violences urbaines consécutives à la mort de Nahel. Ce décès à Cayenne, au lieu de préoccuper la classe médiatique et surtout politique de l'Hexagone, va être ignoré et minimisé, comme si certains morts valaient mieux que d'autres. D'ailleurs, quand la presse commence à évoquer ce drame, il s'agit de petits articles en fin de page alors que le compte rendu quotidien des émeutes dans les banlieues hexagonales couvre la une. Le comble de l'ignominie ? Ce désir de minimiser qui va les pousser à user et abuser de la phrase : « Émeutes en Guyane, un homme victime d'une balle perdue. »
Quelle indécence, mais quelle indécence, d'évoquer une « balle perdue » pour quelqu'un qui est mort alors qu'il était tranquillement chez lui et, dans le même temps, de parler de meurtre pour qualifier le geste du policier face au refus d'obtempérer de Nahel. Mais vraiment, quelle indécence !
Pourquoi les politiciens ont-ils eux aussi feint d'ignorer ce crime commis par des voyous contre un citoyen paisiblement installé chez lui ? Pourquoi ces élus, si prompts à s'immiscer dans le débat sur la prolifération des armes aux États-Unis, ne s'émeuvent point de savoir qu'un Français a été tué chez lui, par une arme à feu, en France, lors d'une manifestation ? Pourquoi ?
C'est cette hypocrisie de la classe politique qui accroît l'abstention, et particulièrement dans les territoires d’outre-mer. Les leaders ne se préoccupent de la situation de ces populations que lorsque nous sommes à la veille d'une élection. En dehors de ces périodes électorales, que les ultramarins se démerdent !
Carl Tarade avait appelé à l'aide avant de succomber à ses blessures, mais presque personne n'a voulu entendre ses cris. Il fait malheureusement partie de cette population sur laquelle les autorités ne porteront jamais le même regard car leur priorité reste la gestion des humeurs des descendants d'immigrés ou des immigrés africains, ils leur font plus peur que les gentils ultramarins.
On est ici tenté de rappeler cette phrase de l'intellectuel originaire de la Martinique, Édouard Glissant, dans ses réflexions sur l'acception de l'identité : « Vous ne pouvez pas haïr un peuple ou une communauté qui ont cessé de vous haïr, vous ne pouvez pas aimer vraiment un peuple ou une communauté qui vous haïssent encore, ou qui vous méprisent sourdement »
(Une nouvelle région du monde, Gallimard).
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24 commentaires
Tous les morts n’ont pas la même valeur pour ces élus , une preuve de plus que la mort d’un honnête citoyen innocent ne les émeut point .
Il semble bien que si un individu n’est pas issu de la « diversité », il ne compte même pas, circulez, il n’y a rien à voir…