[POINT DE VUE] Chute d’Assad en Syrie : qui sont ces « rebelles » ?

Capture d'écran CNN
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L’actualité occidentale a éclipsé cette nouvelle objectivement terrible : le régime de Bachar el-Assad, en Syrie, vient de tomber. Dans les rues de Damas, les colonnes de ceux que l’on appelle pudiquement « les rebelles » paradent tandis que les statues des Assad sont déboulonnées et que le palais du dictateur déchu est livré au pillage, comme on pouvait le voir ce dimanche soir, sur TF1. Il y a beaucoup de leçons à tirer de cette offensive. Des leçons pour la région comme pour nous-mêmes.

La Russie, qui avait dégarni le front levantin pour se recentrer sur l’Ukraine, n’a pas pu aider son vieil allié. Bachar el-Assad s’est enfui, emportant certainement avec lui la douce Asma et leurs enfants. Ce n’était pas un démocrate, ce n’était pas un philanthrope, c’était même un dictateur impitoyable, en cela digne héritier de son père Hafez, dont le nom de famille originel n’était pas el-Assad (« le lion ») mais « al-Hawch » (« la bête sauvage »). Nomen omen, disaient les Romains, le nom est un présage, et la famille Assad - le clan Assad, pour les journalistes - avait mérité le sien.

Pourtant, la Syrie était l’un des derniers États à peu près stables de la région, malgré les attaques internes et les invasions étrangères (comme celle de la Turquie, fin 2019). Ce précaire équilibre s’est rompu en une semaine, sous la pression d’un rezzou massif et agressif, avec des victoires dont les vidéos ont été abondamment relayées sur X et Telegram. Dans les rues de Palmyre, on brandissait à nouveau le drapeau noir frappé de la chahada, tandis que des soldats barbus, l’index vers le ciel, remerciaient Allah pour la victoire. Ces « rebelles » avaient tout de même furieusement l’air de ressembler à des islamistes, et pour cause : leur principale composante est le Hayat Tahrir al-Sham (organisation de libération du Levant, en arabe), HTS en forme courte, qui fut à l’origine, sous le nom de Front al-Nosra, une branche d’al-Qaïda en Syrie. Vous savez, al-Nosra qui faisait « du bon boulot », comme disait alors Laurent Fabius.

Le chef de cette bande vient d’être désigné comme président de la Syrie. C’est un islamiste « radical pragmatique », selon l’AFP, qui manie les pincettes comme personne, un brave garçon qui a fait cinq ans de prison en Irak avant de fonder al-Nosra, préférant al-Qaïda à Daech. À l’instar de tous les djihadistes, Ahmed al-Chareh a jadis adopté un nom de guerre composé, selon la tradition, du prénom de son fils aîné et de sa région d’origine, en entrant dans la clandestinité : Abou Mohammed al-Jolani. C'est sous ce nom qu'il est désormais chef d'État. Al-Jolani signifie « originaire du Golan », car Israël a chassé sa famille de la région. Là aussi, nomen omen : ce week-end, Israël se réjouit de la chute de Bachar et annonce immédiatement que les accords du Golan, signés en 1967, sont rompus. L’État hébreu va pouvoir relancer des opérations de prédation sur le territoire syrien, tandis que le nouveau président syrien est prêt à se battre jusqu'à la mort pour le plateau du Golan.

Et la France ? Elle sourit. Elle est contente. Dans cet éternel recommencement, Emmanuel Macron salue, sur X, la chute du dictateur syrien. Croit-il que cela ira mieux avec al-Jolani ? On en reparle dans quelques mois.


Que les idéalistes regardent donc ce que sont devenus l’Irak après Saddam ou la Libye après Kadhafi. La leçon pour nous est assez inquiétante : un régime peut tomber en huit jours, quand une colonne de fanatiques ne rencontre qu’une population hébétée, une armée démissionnaire et des pouvoirs publics opportunistes. Du côté du Quai d’Orsay, on n’a pas encore envoyé Jean-Noël Barrot à Damas. La situation est tellement atroce qu’on n’a surtout pas besoin de lui.

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Arnaud Florac
Chroniqueur à BV

Vos commentaires

131 commentaires

  1. L’histoire se répète , un tyran devenu sanguinaire pour lutter contre l’islamisme , tombe, et les “rebelles” , belle expression pour désigner les islamistes, prennent le contrôle du pays .
    Cortège d’horreurs pour se venger du tyran chassé .
    Et puis ? installation d’un califat , des Syriens d’Occident vont partir voir leurs familles , et vont revenir bien vite là ou l’herbe est plus verte (aides sociales , aides médicales), c’est à dire chez nous .
    Et ils vont revenir avec des parents et des amis , et parmi eux , des islamistes , et notre cauchemar migratoire va continuer , et augmenter, et nos bonnes âmes vont avoir du travail .

  2. Il n y a pas que l Irak d après Saddam ou la Libye d après Kadahfi tous les crétins ont aussi oublié le Zaïre d après Mobutu où a ce jour ils s entretuent pareil en Centrafrique après la chute de Bokassa
    Et tous les bien pensants nous assenent que c est pour la démocratie

  3. Il ne nous reste plus qu’à espérer que tous ceux qui faisaient le V de la victoire, qui saccageaient leur patrimoine, restent bien chez eux. Que ceux qui fêtent cette victoire en France retournent bien vite au pays puisque l’asile ne se justifie plus. Quant à notre président, avant de s’engager d’assurer la sécurité en Syrie, qu’il commence par assurer la sécurité des Français en France. Quand aux aides financières, je ne vois pas pourquoi c’est nous, pays en faillite spolié par les aides à l’immigration, qui devrions encore et toujours mettre la main au porte-monnaie. Que les pays frères s’y mettent ; on peut même espérer que la Syrie accueille à bras ouverts ses frères palestiniens.

  4. Assad se présentait régulièrement à des élections. A part vos préjugés d’occidental, ressassant les articles du Monde, où sont les preuves qu’il était un « dictateur impitoyable » ?

    • Je pense comme vous que pour mieux abattre son chien il faut dire que celui ci avait la rage .
      On se rappelle les Serbes qui étaient présentés comme les pires sanguinaires alors que la situation était bien plus complexe au Kosovo que celle que les médias voulaient bien nous présenter .
      Je remarque que ceux qui se réjouissent le plus de cette destitution de Bachar el Assad sont ceux qui sont le plus opposés à l’Etat Nation dont Joe Biden et Emmanuel Macron .
      Parce que je pense que pendant que Macron était aux festivités de la cathédrale Notre Dame pour soigner son image , en même temps il était informé que les islamistes faisaient route vers Damas sans rencontrer de résistance ;
      Pour moi ce front islamiste supplémentaire est un caillou dans la chaussure de Trump que lui ont légué ses prédecesseurs et c’est peut être cela qui faisait sourire Macron à Notre Dame lorsqu’il a serré la main du nouveau président des EU .
      Parce que l’on pouvait se faire entendre par le dirigeant d’ un pays comme la Syrie mais c’est plus difficile de raisonner des groupuscules islamistes .
      Pour l’instant Bachar el Assad n’a tué personne en France , mais les islamistes ,si !

  5. le parti Baas tuait en Syrie mais ne tuait pas en France , le parti islamiste qui lui succède en Syrie va tuer en Syrie et il tue déjà en France.

  6. « La leçon pour nous est assez inquiétante : un régime peut tomber en huit jours… » Il peut aussi y avoir certains régimes dont la chute, en moins d’une semaine, ne serait pas une si mauvaise nouvelle que ça. Ça peut arriver, et de manière parfois inattendue. Il y a des chefs d’états qui pourraient avoir un intérêt personnel à considérer que ça n’arrive pas qu’aux autres.

  7. Pour assez bien connaître la Syrie, et dans la lignée familiale on trouve un professeur de Français à l’époque du mandat, je prétends que ce pays a besoin d’un pouvoir fort. Que les dirigeants occidentaux, et en particulier la France, ne ramènent pas leur fraise avec l’idée de plaquer un régime démocratique ! Cela conduira une nouvelle fois à l’échec.

  8. Entre Bachar et un régime islamiste, je prends Bachar évidemment.
    Il a considérablement modernisé le pays, était bien moins dur que son père et était aimé par son peuple.

    • Et protégeait les chrétiens, j’adhère dans votre sens, mais le peuple syrien va vite déchanter, voir l’exemple de l’Iran

  9. Vont rapidement déchanter les syriens … ensuite l ‘allocution de Macron est conforme au personnage, c ‘est à dire sans intérêt .

  10. On attend avec impatience l’analyse à la sauce BHL !
    Peut-être a t’il des remords après sa prestation en Libye ?

  11. Le seul qui voit clair c’est Trump qui a déclaré…. »qu’ils se démerdent entre eux » ce n’est pas le vrai mot mais c’est ce que ça veut dire…

  12. La promesse d’aides européennes au nouveau régime et le prestige international de Madame von der Leyen suffiront-ils pour assurer la transition démocratique en Syrie ?

  13. Une fois de plus la France est à contre courant. Certes Assad n’était pas un perdreau de l’année mais le pays était stable. Mais comme en Afghanistan dont un certain ancien ministre des affaires étrangères disait que les talibans avaient changé on applaudit a deux mains la chute du tyran qui sera remplacé n’en doutons pas par d’autres tyrans. Israël va se retrouver encerclé.

    • Encerclé et démilitarisé, selon l’idée du fameux macron ?
      Je pense que la première chose est d’occuper la zone de l’ONU qui ne va plus servir à rien, mais le Liban, la Syrie, Gaza, ça commence à bien faire. Heureusement il reste la Jordanie, l’Arabie et l’Egypte, ce sont tout de même des gros bras.

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