[Point de vue] Constitutionnalisation de l’IVG : faut-il s’en réjouir ?

PHOETUS IVG

« On trouve toujours un général pour refuser une grâce... » : cette réplique était attendue et longuement applaudie, dans les années 1970, en référence à des événements pas si lointains. Pauvre Bitos, « pièce grinçante » de Jean Anouilh qui dénonce les dérives de toute épuration, est de retour sur la scène du théâtre Hébertot : allez la voir, vous ne perdrez pas votre temps. Elle trouve encore des échos dans notre actualité. L'épuration, ce n'est plus qu'un souvenir lointain pour ceux qui ont connu les excès de la Libération ou pour ceux qui ont vécu les séquelles de la guerre d'Algérie, mais elle est encore présente de nos jours. Voyez le procès qui est fait à CNews et à ses journalistes, « entre procès stalinien et cirque Pinder », comme l'écrit Gabrielle Cluzel. Voyez ces parlementaires de LFI qui jouent piteusement les Robespierre ou les Fouquier-Tinville !

On pourrait en dire autant du traitement réservé aux rares personnes qui osent déclarer que la constitutionnalisation du droit à l'avortement n'est pas forcément un progrès. La Conférence des évêques de France (CEF), qui ne brille pas toujours par son courage, a déclaré « [apprendre] avec tristesse le vote par les sénateurs du texte de révision constitutionnelle inscrivant dans la Constitution la garantie de la liberté d’accès à l’avortement » et « [regretter] que le débat engagé n’ait pas évoqué les dispositifs d’aide à celles et ceux (sic) qui voudraient garder leur enfant ».

À part leur concession au langage inclusif, on ne peut qu'approuver cette réaction, fût-elle timide. Car l'avortement reste et restera toujours, comme le dit le communiqué de la CEF, « une atteinte à la vie en son commencement » qui « ne peut être vu sous le seul angle du droit des femmes ». Qu'adviendra-t-il, dans quelques années, de la liberté de conscience, inscrite dans la loi Veil, des médecins et de tous les personnels soignants ? Comme l'a déclaré le sénateur Stéphane Ravier dans Valeurs actuelles, « inscrire l'IVG dans la Constitution ouvre […] une terrible boîte de Pandore ».

Faut-il rappeler que Simone Veil, dans son discours du 26 novembre 1974, déclarait que l'avortement, « c’est toujours un drame et cela restera toujours un drame » et que son projet, « s’il admet la possibilité d’une interruption de grossesse, c’est pour la contrôler et, autant que possible, en dissuader la femme ». Que reste-t-il, aujourd'hui, de ces bonnes intentions ? Tous les garde-fous ont été progressivement levés. L'esprit de la loi Veil a été trahi. Si vous soulevez la moindre réserve sur ce vote du Sénat, vous êtes immédiatement classé par les tenants de la pensée unique sur la liste des réactionnaires butés, voire des personnes épurables.

« Ce vote est historique, nous serons le premier pays au monde à inscrire dans la Constitution cette liberté », s'est réjoui Éric Dupond-Moretti, à l'issue du vote du Sénat, tandis qu'Emmanuel Macron se félicitait de ce « pas décisif ». Ont-ils raison de crier victoire ? Bientôt viendra, toujours au nom de la liberté, une euthanasie plus ou moins déguisée. Sans jouer les Cassandre, ne faudrait-il pas plutôt voir, dans toutes ces « mesures de progrès », sous prétexte de garantir une liberté, un pas de plus vers la déshumanisation de notre société ?

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

Vos commentaires

56 commentaires

  1. Les Françaises ne font plus assez d’enfants et on inscrit l’avortement dans la Constitution : pendant ce temps Macron parle de réarmement démographique, y’aurait pas comme un défaut ?

  2. Cette république ne parle plus que de mort, euthanasie, IVG, pandémie etc… Quand on supprime 230 000 enfant par an, l’IVG n’est rien d’autre qu’un aulocauste; Vive le Roi.

  3. Cette liberté de tuer des innocents n’a pas de quoi réjouir monsieur le défendeur des racailles . Simone Veil n’a jamais voulu ça pour les femmes et vous l’avez trahi .

    • Entièrement d’accord avec vous ! Les mêmes qui sont contre la peine de mort ! Ils ne sont plus à une contradiction près !
      La loi Veil se suffisait à elle-même. Elle a été trahie car jamais elle n’aurait accepté ces dérives

  4. Ma députée LR a voté en faveur de l’inscription. Je lui ai écrit pour lui dire que je ne voterai plus jamais pour elle au deuxième tour. Pour écrire à son député, voici la formule (tout écrire en lettres minuscules) :
    pré[email protected]

  5. Demain, les gredins vont voter le réarmement démographique cher au président du pays des moutons. L’est pas belle la vie?

  6. La plupart des sénateurs LR ont voté en faveur de cette inscription. Honte à eux. M. Bellamy est contre mais son parti se déshonore. Conclusion : ne pas voter pour la liste LR aux européennes ! Le courageux sénateur Ravier fait honneur à Reconquête ! M. Bellamy devrait rejoindre Reconquête!, parti qui rejette toutes ces lois progressistes de… régression morale, dont est si fier Macron, homme superficiel indigne de sa fonction.

  7. Faut rappeler que la loi Veil n’est plus la même que celle votée à l’époque et que Macron et Dupond Moretti crient victoire ! Comme on dit  » faudra qu’un jour ils rendent des comptes »….Au fait, a-t-on posé la question  » au seul et unique intéressé  » ?

  8. Monsieur Kerlouan, nous sommes plus nombreux qu’on veut bien nous le faire croire à partager votre point de vue. Dénonçons tant que nous le pouvons cette traitrise aux propos de madame Simone Veil. Non, contrairement aux péroraisons du ministre de la justice (pouvons nous dire qu’il garde les sceaux) nous n’avons pas à être fiers de ce vote qui est une ignominie de plus. L’histoire jugera et j’ose espérer que tôt ou tard la raison de vie l’emportera sur la folie mortifère.

  9. Doit-on s’attendre une explosion du nombre d’avortements ?
    Sachant que seules les occidentales avortent, les islamistes vont-ils se réjouir de cette mesure ?
    Puisqu’on a changé la constitution et les lois tout au long de l’histoire, pourquoi croire que cette inscription serait immuable?

  10. C’est un point de vue bien gentil pour la future contradiction majeure assumée par la pseudo-représentation nationale, contradiction entre les sacro-saints « droits de l’homme » à l’aune desquels toutes les lois sont censées être ou non validées et ce futur ajout à la Constitution de la Vème république française ! L’article 3 de ces fameux « droits fondamentaux » précise « Tout individu a droit à la vie, à la liberté et à la sûreté de sa personne. » et le Congrès se prépare à voter un texte consacrant le droit inaliénable pour toute femme de tuer ou faire tuer le bébé qu’elle porte en son sein !

    • Et les hommes? Attention à ne pas culpabiliser les femmes et retourner a des discours affreux.

  11. Ce qui me gène dans cette histoire c’est le coté « bienfait pour l’humanité » de l’avortement que font ressortir les personnalités qui se félicitent de sa constitutionnalisation. Bientôt l’euthanasie constitutionnalisée et l’envoi des ukrainien(e)s qui restent mourir sur le front? L’occident et l’UE en tête n’ont plus que la mort à proposer comme projet de société. C’est beau le progressisme.

    • Hélas, on cultive la mort plutôt que la vie ! Et si 80% des Français sont pour, ils ne mesurent pas les conséquences d’une telle décision , j’espère qu’ils finiront un jour par regretter leur choix suite aux futures dérives, car dérive il y aura ! L’effet boomerang leur reviendra en plein visage !

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