[Point de vue] Corse, de l’exercice illégal de la politique

corse

« Il faut préférer les mots qui sauvent aux mots qui plaisent » (Démosthène).

La question corse a connu, dans la nuit du 5 au 6 juillet dernier, à Ajaccio, un rebondissement spectaculaire. L’Assemblée de Corse a adopté, à l’écrasante majorité de 46 voix sur 63, un projet d’autonomie politique de l’île s’apparentant
à une sécession.

L’ampleur du score s’explique par le ralliement de tous les nationalistes divisés à la bannière trompeusement
autonomiste du président du Conseil exécutif, Gilles Simeoni. Ce qu’il importe de savoir est que ce résultat n’a été arraché que contre la promesse ferme que l’autonomie revendiquée ne sera que l’antichambre de l’indépendance, ce dont se doutaient les esprits lucides. Tout s’éclaire, désormais ! Les masques sont tombés, un rideau s’est déchiré. Les insulaires ne peuvent plus ignorer, dorénavant, l’objectif politique de leurs dirigeants actuels. Les bien-pensants d’une autonomie qui ne serait que décentralisatrice sans coupure du lien national sont dessillés, de leur côté.

Mais, au fait, le président du Conseil exécutif avait-il reçu seulement mandat du peuple pour cette mutation institutionnelle engageant son destin ? Le triomphe électoral l’ayant porté au pouvoir en 2021 est un trompe-l’œil. Les trois listes nationalistes ont bien totalisé 67,97 % des suffrages exprimés, mais l’exceptionnelle abstention de 41,09 % rabaisse le succès à 40,04 %, sans compter les 3,2 % de votes blancs et nuls. Il manque donc à l’affaire l’onction populaire pour légitimer un bouleversement institutionnel. Il semble que l’on en ait pris enfin conscience dans le projet présenté qui prévoit une consultation finale des insulaires, ainsi placés devant le fait accompli.

La suite promet. L’événement survient à la veille de la reprise des discussions avec le gouvernement sur une évolution institutionnelle de la Corse. Le président de la République en personne ayant solennellement affirmé non négociable l’appartenance de la Corse à la République, l’initiative nationaliste constitue manifestement un méprisant pied de nez.

L’impasse politique ainsi ouverte peut inespérément déboucher sur une sortie de crise par le haut.

La question corse est en vérité une cause nationale.

L’autonomie de la Corse telle que proposée s’apparente à une privatisation politique de l’île de Beauté, très convoitée par toutes sortes d’intérêts. Son échec prévisible doit être reçu comme un soulagement. Son inéluctable contagion à nombre d’autres régions aurait fait voler en éclats la vitale unité du pays, gravée dans le marbre de la Constitution. Vendue par appartements, la maison France, si difficilement échafaudée dans son Histoire, retournerait au Moyen Âge.

Mais, une fois le péril conjuré, il ne faut surtout pas en rester au soulagement. Il importe de répondre au besoin d’émancipation administrative perceptible dans tout le pays, où l’on aspire à l’exercice de toutes les responsabilités de proximité, ne serait-ce que par dignité.

Aujourd’hui, il ne s’agit plus de la recherche d’un nouveau statut particulier de la Corse mais de l’invention d’un nouveau statut général de la France dans lequel l’insularité de la Corse sera prise en compte par un authentique pacte de solidarité nationale, compensant tous les handicaps induits et pas seulement celui des transports comme aujourd’hui. Une nouvelle et puissante vague de décentralisation - appelons-la régionalisation - doit déferler sur la France, fondée sur l’application pleine et entière du principe de subsidiarité, cette fée négligée de l’harmonie des relations hiérarchiques. En schématisant, toutes les régions doivent acquérir leur autonomie administrative, et seulement administrative. Afin de sauvegarder la vitale unité de la France, l’impératif d’égalité doit présider à l’ensemble. Observons, au passage, que la France rejoindra ainsi le cercle des puissances qui l’entourent. Il va de soi que cette « révolution tranquille » doit recevoir l’aval de la nation. Si, d’aventure, les insulaires s’y opposent à leurs risques et périls, il faudra alors leur poser franchement la question de leur francité.

Michel Franceschi
Michel Franceschi
Général de corps d'armée (2s) - Parachutiste des Troupes de Marine

Vos commentaires

19 commentaires

  1. Les Corses sont fiers. Fiers de leur île, de leur communauté, de leurs tradiions. Comment voulez-vous qu’ils soient fiers d’appartenir à une France en pleine déliquescence?

  2. On a déjà vu les conséquences néfastes de la décentralisation décidée par Mitterrand au début des années 1980 : création de baronnies clientélistes, inflation du nombre de fonctionnaires, millefeuille administratif, etc… Ne détruisons pas 1500 ans de travail pour construire l’unité nationale. Un tel projet ferait le bonheur de la technocratie bruxelloise qui vise à l’extinction des nations au profits d’un conglomérat de régions concurrentes et donc faciles à domestiquer.

  3. Voyons les choses telles qu’elles sont. La Corse et la France (républicaine) cela n’a jamais marché. Pourquoi ne pas se résigner à dire « ciao » aux Corses et leur permettre de rejoindre une république italienne pas jacobine pour un sou et qui accorderait aux insulaires une large autonomie culturelle, politique et économiques. Pourquoi nos européistes aux manettes s’en formaliseraient-ils, eux qui préparent en sous-main la dislocation des nations ? Si les Corses sont heureux sans nous, soyons le pour eux !

  4. Le projet macrono-européiste de division et donc de destruction de la souveraineté de la Nation au bénéfice d’un État fédéral éclaté devant favoriser la domination de l’Europe américaine est en marche. Mais les corses complices au début de la démarche lui feront faux-bond à la fin.

  5. Une certaine autonomie peut se comprendre. Une indépendance me parait impossible dans le cadre républicain

  6. La Corse sera-t-elle le péril de Macron ?
    Macron qui aime tant diviser pour mieux régner.
    Lui, qui aime à se prendre pour Napoléon 1er le réformateur, risque d’y rencontrer sa Bérézina…
    Pour notre plus grand bonheur.

  7. Les « Chances pour la France et la Corse » seront priées d’exercer leurs talents sur le continent sous peine de représailles expéditives !

  8. Rien à redire, mon général! Je conseille la lecture du DICTIONNAIRE AMOUREUX DE LA CORSE de votre fils Patrice.

  9.  » l’insularité de la Corse sera prise en compte par un authentique pacte de solidarité nationale, compensant tous les handicaps induits et pas seulement celui des transports comme aujourd’hui  » !
    Quid de cette solidarité si la Corse devient indépendante ? Ferons nous comme avec l’Algérie et ses accords de 1968 ? C’est à dire que l’indépendance nous coutera plus cher que « la dépendance » !!

  10. On les comprends . Chez eux pas de casse , de viols , vols et autres incivilitées commis par des chances pour la France .

  11. « …fait voler en éclats la vitale unité du pays, gravée dans le marbre de la Constitution. » La vitale unité du pays ? il me semble qu’elle se déchire depuis longtemps , de l’extérieur L’UE nous confisque la souveraineté dans des domaines dits régaliens , et à l’intérieur l’immigration avec son grand remplacement de population (africaine, maghrébine et musulmane) fait imploser le pays .
    Je comprends donc les Corses , et je pense que contrairement aux Ecossais ils ne vont pas s’acoquiner avec les musulmans. Bien qu’Auvergnat je me sens de plus en plus proche des Corses.

  12. Quand on voit l’état de la France continentale, on peut comprendre le désir de la Corse de se désengluer de ce bourbier.

    • Vous m’avez devancé, on ne peut que comprendre les nationaliste Corses de vouloir couper les ponts avec un destin délétère.

  13. « Le président de la République en personne ayant solennellement affirmé non négociable l’appartenance de la Corse à la République » ….jusqu’à ce qu’il change d’avis !!!??? Mais qu’est ce qui a pris aux français de confier les clés du camion France à un tel gamin ????

  14. La France risque de n’être plus qu’un conglomérat de régions sans aucun lien les unes avec les autres un pays qui pourrait s’assimiler à ces immeubles de Paris vendus à la découpe . Et qui est à la manoeuvre pour cela , l’inénarrable et horripilant président élu avec l’un des score d’abstention les plus important de la 5ème république. Il n’a pas été élu par défaut contre Marine Lepen comme je l’entend dire trop souvent mais bien ,par erreur ! Et nous risquons de le payer très cher !

    • sans oublier de remercier Hollande, nul dans sa présidence, il n’a même pas vu qu’il mettait le diable dan notre France, pourtant beaucoup l’ont prévenu , tout et écrit dans le livre ; Le traitre et le Néant de Gérard Davet Fabrice Lhomme !

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